top 2017 - 1

1. Twin Peaks, le retour  de David Lynch (Etats-Unis)
2. La La Land de Damien Chazelle (Etats-Unis)
3. Visages, villages d’Agnès Varda et J.R. (France)
4. La Passion Van Gogh de Dorota Kobiela et Hugh Welchman (Pologne/Royaume-Uni)
5. Maryline de Guillaume Gallienne (France)

top 2017 - 2

6. Faute d’amour d’Andreï Zviaguintsev (Russie)
7. Au revoir là-haut d’Albert Dupontel (France)
8. Paradis d’Andreï Konchalovsky (Russie)
9. Corps & âme d’Ildiko Enyedi (Hongrie)
10. La Belle & la meute de Kaouther Ben Hania (Tunisie)

top 2017 - 3

11. A voix haute de Stéphane De Freitas et Ladj Ly (France)
12. Un homme intègre de Mohammad Rasoulof (Iran)
13. Une femme fantastique de Sebastian Lelio (Chili)
14. Mother! de Darren Aronofsky (Etats-Unis)
15. Les Fantômes d’Ismael d’Arnaud Desplechin (France)

top 2017 - 4

16. La Région sauvage d’Amat Escalante (Mexique)
17. The Square de Ruben Ostlund (Suède)
18. Coco de Lee Unkrich et Adrian Molina (Etats-Unis)
19. En attendant les hirondelles de Karim Moussaoui (Algérie/France)
20. The Florida project de Sean S.Baker (Etats-Unis)


1. Twin Peaks, le retour  de David Lynch (Etats-Unis)

On entend déjà les puristes râler : Pourquoi mettre une série télévisée au sommet d’un classement de films sortis en salles?
Primo et d’une, parce que c’est sur grand écran que nous avons découvert les premiers épisodes de la troisième saison de Twin Peaks, lors du Festival de Cannes 2017.
Secundo parce que, malgré le bon niveau de la compétition cannoise l’an passé, c’est assurément cette projection que nous retiendrons du cru 2017.
Tertio parce que Twin Peaks, le retour, est, dans sa globalité, ce que nous avons vu de plus excitant au cours des douze derniers mois, que ce soit au niveau de l’originalité, du brio de la mise en scène ou de la complexité thématique. C’est à la fois une oeuvre admirable sur les ravages du temps, la folie des hommes et l’état de l’Amérique moderne, un condensé de tout l’univers artistique de David Lynch et un objet non-identifié qui n’hésite pas à bousculer les codes narratifs et les conventions scénaristiques, révolutionnant à nouveau la création audiovisuelle, comme Twin Peaks avait, en son temps, ouvert la voie à l’essor des séries télévisées.
Cet avant-gardisme a un prix : En refusant la facilité et en rompant avec le style des saisons 1 et 2 de sa série, Lynch a perdu en route de nombreux spectateurs, parmi lesquels des fans de la première heure n’ayant toujours pas compris l’évolution artistique du cinéaste depuis Lost Highway. En restant sagement sur des sentiers balisés, David Lynch aurait probablement fédéré davantage de nostalgiques de la série.
Mais alors, nous serions passés à côté du génialissime épisode 8, “Gotta’ light?”, un trip expérimental, quasiment sans dialogues, qui constitue ce que nous avons vu de plus beau et de plus fou en 2018. Nous aimerions que les autres cinéastes soient capables d’une telle audace, d’un tel génie, que ce soit sur petit ou grand écran…

2. La La Land de Damien Chazelle (Etats-Unis)

Cette fois, pas de cafouillage au niveau des enveloppes, pas de confusion et pas de polémique… Si nous avons bien aimé Moonlight, nous lui avons largement préféré le formidable film musical de Damien Chazelle, qui nous a scotchés de la première scène – un hallucinant ballet en plan-séquence, slalomant entre des voitures bloquées dans un bouchon, sur les hauteurs de L.A. – jusqu’à la dernière – une longue séquence onirique en plusieurs tableaux, récapitulant avec une originalité folle les scènes-clés du films. Les mélodies nous ont accompagnées tout au long de l’année, faisant de chaque jour “another day of sun”…

3. Visages, villages d’Agnès Varda et J.R. (France)

Parce que l’improbable rencontre entre deux grands créateurs d’images, Agnès Varda, figure de proue féminine de la Nouvelle Vague, et J.R., photographe affichiste de talent, débouche sur un “documentaire à quatre z’yeux” plein de poésie et d’humanité, qui met de la fantaisie dans la grisaille et un banc de poissons dans un château d’eau, qui met “la France d’en bas” en haut de l’affiche et fait des “petits” des géants par la magie du collage, et qui prend le temps de flâner, de musarder, comme un antidote à une société trop stressée, trop pressée. Un concentré de bonheur passé quasiment inaperçu sur nos écrans et qui mérite qu’on le réhabilite!

4. La Passion Van Gogh de Dorota Kobiela et Hugh Welchman (Pologne/Royaume-Uni)

Parce que ce film réussit la prouesse de revisiter la vie et l’oeuvre de Vincent Van Gogh dans un seul et même mouvement, en filmant de véritables tableaux animés : Tournées en prises de vue réelles, les scènes du film ont ensuite été peintes image par image par Dorota Kobiela, avec un style graphique proche du célèbre peintre hollandais. Le spectateur est ainsi invité à se promener au coeur de ses toiles pour découvrir une intrigue habilement ficelée, qui revient sur les derniers jours de la vie de l’artiste et remet en cause la thèse officielle du suicide.
C’est bien plus stimulant qu’un biopic traditionnel, même si le Van Gogh de Maurice Pialat n’était pas dénué de qualités, et c’est visuellement exceptionnel… L’un des plus beaux films de 2017.

5. Maryline de Guillaume Gallienne (France)

Parce que Guillaume Gallienne a su se renouveler et refuser la facilité et le confort qu’auraient pu lui assurer le succès de Guillaume et les garçons, à table!
Maryline
n’est pas la comédie attendue, mais une oeuvre déroutante, oscillant constamment entre rires et larmes, légèreté et gravité, et entremêlant sans trop de transitions la vie et les rôles d’une actrice débutante, confrontée à la dure réalité d’un métier exigeant, au harcèlement de metteurs en scène machos, et à la tentation de diluer tous ces problèmes dans des flots d’alcool.
Devant ce beau portrait de femme, on pense souvent au chef d’oeuvre de Cassavetes, Opening night, et sans que la comparaison soit écrasante.
Nous sommes d’autant plus séduits que cette Maryline est incarnée par une actrice extraordinaire, véritable révélation de l’année 2017 : Adeline D’Hermy.
Sociétaire de la Comédie Française, la jeune femme a brillé sur les planches, mais n’avait pas encore trouvé de rôle à sa mesure sur grand écran. C’est chose faite grâce à ce film très maîtrisé, l’une des très belles surprises de l’année.

6. Faute d’amour d’Andreï Zviaguintsev (Russie)

Parce que le film contient l’un des plans les plus marquants de l’année : Le cri silencieux d’un petit garçon qui vient de comprendre qu’aucun de ses parents, en plein divorce, ne tient vraiment à le garder.
Et parce que derrière cette histoire de disparition – le petit garçon fugue suite à cette amère découverte – Zviaguintsev parle aussi de la disparition d’un monde, d’une certaine idée de la société russe, aujourd’hui gangrénée par les idées néolibérales, l’égoïsme et le repli sur soi. Il s’agit d’une oeuvre austère, grave et funèbre, mais portée par une mise en scène remarquable et une parfaite maîtrise du langage cinématographique.
Prix du Jury à Cannes, il aurait peut-être mérité mieux…

7. Au revoir là-haut d’Albert Dupontel (France)

Parce qu’Albert Dupontel a réussi la gageure d’adapter le roman de Pierre Lemaître en imposant son propre univers, son propre style, son humour grinçant.
On retrouve bien la noirceur de l’oeuvre originale, et le coeur de son intrigue, une sombre vengeance dissimulée derrière une arnaque, dans le contexte troublé du lendemain de la Première Guerre Mondiale, mais l’ensemble baigne aussi dans une ambiance onirique et poétique, assez envoûtante, qui est propre au cinéma d’Albert Dupontel.
Le film bénéficie aussi des performances de ses comédiens : Dupontel lui-même, mais aussi Laurent Laffite, parfait dans le registre du salaud sans scrupules, Niels Arestrup, Mélanie Thierry, Emilie Dequenne et surtout Nahuel Pérez-Biscayart, la révélation masculine de l’année 2017. Il crevait déjà l’écran dans 120 battements par minute, même s’il était plus facile d’émouvoir le grand public dans le rôle d’un malade du SIDA en phase terminale. Il trouve ici un rôle plus complexe, lui permettant de montrer toute l’étendue de son talent.

8. Paradis d’Andreï Konchalovsky (Russie)

Parce que, bien qu’assez insoutenable, cette plongée dans l’enfer de la seconde Guerre Mondiale, suivant des personnages moralement corrompus, des salauds, des bourreaux ou des victimes prêtes à tout pour survivre, est nécessaire pour entretenir le souvenir de cette période tragique, exposer toute la folie et la barbarie dont l’espèce humaine est capable, et de contribuer à éviter que tout cela ne se reproduise, alors que les idées nationalistes et la xénophobie progressent un peu partout en Europe…
Et parce qu’il s’agit d’un film relativement sobre, ayant la bonne idée de laisser l’horreur en dehors du cadre pour la rendre encore plus prégnante. Là encore, il s’ait d’une mise en scène remarquable…

9. Corps & âme d’Ildiko Enyedi (Hongrie)

Parce que pour réussir le film a réussi à donner le sourire aux spectateurs de la froide et austère Berlinale 2017 alors que ce n’était pas gagné…
Jugez plutôt : le film raconte la romance de deux personnages presque asociaux et mutiques dans le cadre ô combien bucolique d’un abattoir, sur fond d’une sombre affaire de vol et de rêves déprimants où des cervidés batifolent au milieu des bois… Et pourtant, il s’agit bien d’une petite merveille de comédie romantique, pleine d’humour et de poésie, et portée par des acteurs attachants! L’Ours d’Or n’a pas été volé!

10. La Belle & la meute de Kaouther Ben Hania (Tunisie)

Parce qu’en cette année où il a beaucoup été question de machisme, de harcèlement et de violences commises envers les femmes, ce film est totalement d’actualité.
Il s’agit de surcroît d’une oeuvre totalement maîtrisée, composée autour de longs plans-séquences qui racontent le calvaire d’une jeune femme, violée par des policiers après une soirée, et contrainte de se battre avec un système médico-judiciaire archaïque pour faire reconnaître son statut de victime. D’intimidations en menaces, de pressions amicales en tentatives de déstabilisation, la tension est permanente autour de la jeune femme, interprétée avec conviction par Mariam Al Ferjani et on suit avec stupeur sa longue nuit d’angoisse, preuve que le Printemps Arabe n’a pas encore complètement modifié les mentalités et que les femmes, partout dans le monde, subissent toujours la violence des hommes…

11. A voix haute de Stéphane De Freitas et Ladj Ly (France)

Parce que ce documentaire est une formidable ode à la tolérance, au vivre-ensemble, à l’égalité des chances et surtout à l’art de la parole.
On y suit des jeunes étudiants issus de banlieues ou de milieux populaires dans leur préparation au concours de joute oratoire “Eloquentia”, organisée par l’Université de Seine-Saint-Denis, et c’est absolument passionnant.
D’abord maladroits, timides ou complexés, ces jeunes s’affirment, se révèlent et s’exposent, livrent leurs blessures, leurs espoirs, leurs cris de révolte. Et au-delà de la prise de parole, ils apprennent aussi à écouter les autres, à défendre des idées qui ne sont pas forcément les leurs, pour mieux trouver des arguments pour mener leurs propres combats.
Le tout est filmé sobrement, mais avec beaucoup de finesse, en respectant parfaitement l’équilibre entre les jeunes élèves. Un vrai coup de coeur de cette année 2017!

12. Un homme intègre de Mohammad Rasoulof (Iran)

Parce que Mohammad Rasoulof a le courage de continuer à s’opposer aux dirigeants iraniens avec ses armes à lui, son intelligence, son langage cinématographique, son talent de conteur, malgré les pressions, malgré un passage en prison, au début des années 2010 et la menace d’un banissement de son pays natal.
Ce film noir décrit la descente aux enfers d’un homme intègre, englué malgré lui dans une spirale de violence et de haine, de magouilles et de corruption, prisonnier des méandres de l’administration, des assurances, des sociétés de crédit… Bref, de la société iranienne dans son ensemble, à commencer par ses dirigeants.
Rasoulof brille déjà par son talent de scénariste,  avec ce scénario malin, à la mécanique implacable, mais il séduit aussi par son talent de mise en scène, sa science des cadrages qui renforcent la sensation d’oppression, son art du montage, qui évite toute scène superflue, et sa façon de composer des images qui hanteront longtemps les spectateurs.

13. Une femme fantastique de Sebastian Lelio (Chili)

Parce que, comme Ildiko Enyedi avec Corps & âme, Sebastian Lelio a réussi à sortir de leur torpeur les festivaliers de la Berlinale 2017 en leur proposant un mélodrame envoûtant, construit comme un thriller hitchcockien, et qu’il a réussi à traiter de son sujet, la transidentité, avec beaucoup de pudeur et de sensibilité. Et aussi parce que Daniela Vega, comédienne transgenre, est une véritable révélation dans le rôle-titre.

14. Mother! de Darren Aronofsky (Etats-Unis)

Parce qu’il s’agit d’une belle allégorie de la création artistique et de la façon dont l’artiste doit se laisser contaminer par la folie du monde qui l’entoure pour laisser s’exprimer ses pulsions créatrices et que cela occasionne une succession de scènes hallucinantes, voyant la maison d’un couple envahie par des centaines de parasites et autres casses-pieds, puis transformée en champ de bataille, avant de servir d’autel sacrificiel terrifiant.
Et parce que cette fameuse séquence a choqué le bourgeois lors de la dernière Mostra de Venise, suscitant des débats houleux autour de l’oeuvre…

15. Les Fantômes d’Ismael d’Arnaud Desplechin (France)

Parce que Desplechin prend toujours autant de plaisir à raconter les déboires de son alter-ego, Paul Dedalus, et que ce plaisir est communicatif.
Le film aurait mérité une place en compétition cannoise.

16. La Région sauvage d’Amat Escalante (Mexique)

Parce que la position du poulpe revue et corrigé par Amat Escalante, cela donne forcément un film étrange et dérangeant.
On aime l’originalité de ce film de science-fiction atypique, qui critique une société mexicaine abritant, derrière des attitudes ultra-conservatrices et dévotes, violence et frustrations sexuelles.

17. The Square de Ruben Ostlund (Suède)

Parce que la Palme d’Or 2017 est bâtie comme une oeuvre d’art contemporain, empilant les thématiques et les idées, parfois géniales, parfois à la limite de la blague potache, alliant expérimentations sonores ou visuelles. Comme les oeuvres d’art modernes, elle divise ceux qui n’y voient qu’un dispositif abscons et tape-à-l’oeil et ceux qui crient au génie. On met le curseur plutôt vers le second cran, mais de toute façon, le film est réussi puisqu’il suscite le débat, provoque le malaise (la scène du gorille humain, notamment, est un des sommets de l’année) et la réflexion. C’est bien là le propre de l’art!

18. Coco de Lee Unkrich et Adrian Molina (Etats-Unis)

Parce que nous y sommes allés à reculons, en se disant qu’on allait voir un remake de La Légende de Manolo à la sauce Disney et que nous en sommes sortis avec les yeux humides, bouleversés par ce beau film sur le deuil et ses personnages attachants.
C’est là tout l’art de Pixar, réussir à divertir les enfants tout en touchant aussi les parents. On dit bravo!

19. En attendant les hirondelles de Karim Moussaoui (Algérie/France)

Parce que ce beau film, joliment construit autour de trois arcs narratifs entrelacés, réussit à dresser un portrait tout en finesse de la société algérienne contemporaine. Parce qu’il témoigne du renouveau du cinéma Arabe et parce qu’il révèle le talent d’un jeune cinéaste, qui signe là un premier film prometteur.

20. The Florida project de Sean S.Baker (Etats-Unis)

Parce que l’idée de montrer l’envers du rêve américain en racontant la vie des pauvres vivant à la périphérie de Disneyworld, en Floride, est assez géniale. Et parce que le film est empreint d’une vraie tendresse pour ses personnages. Sean S. Baker, déjà auteur du remarqué Tangerine, confirme qu’il possède un vrai talent pour filmer les êtres à la dérive, les écorchés vifs, les démunis.

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Rédacteur en chef de Angle[s] de vue, Boustoune est un cinéphile passionné qui fréquente assidument les salles obscures et les festivals depuis plus de vingt ans (rhôô, le vieux...) Il aime tous les genres cinématographiques, mais il a un faible pour le cinéma alternatif, riche et complexe. Autant dire que les oeuvres de David Lynch ou de Peter Greenaway le mettent littéralement en transe, ce qui le fait passer pour un doux dingue vaguement masochiste auprès des gens dit « normaux »… Ah, et il possède aussi un humour assez particulier, ironique et porté sur, aux choix, le calembour foireux ou le bon mot de génie…

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