Notre gars, c’est le type même du bon con : un peu rustre, un peu lourdaud, mais pas méchant. Il peut pas être méchant, d’t’façon, il est « de l’idée de gauche », et quand on est « de l’idée de gauche », on peut pas être foncièrement méchant. D’ailleurs, quand il se met à filer l’autre con aviné qui se vante d’avoir des millions en biftons planqués dans le tiroir de sa commode, notre gars, il compte pas lui faire du mal : juste que étant « de l’idée de gauche », il se dit que le partage, c’est un peu la base… et que si l’autre con pouvait partager quelques patates avec lui, ça l’aiderait bien. D’autant que Karine, la femme de notre gars, elle aime bien l’oseille, et que si bibi il ramène l’oseille à la maison, Karine elle va lui faire des choses que j’peux même pas écrire ici sans y accoler un logo « interdit au moins de 18 ans » !
Le problème, c’est que l’autre con, là, aviné qu’il était à meugler sur les toits qu’il créchait sur une montagne de pognon, bah, une fois à la maison, c’est sobre et avec un calibre à la main qu’il l’accueille, notre gars. Alors, c’est qui le con, maintenant qu’on se retrouve du mauvais côté du canon et qu’on est obligé d’obéir au doigt et à l’œil de ce bizarre de bonhomme ?
Plans foireux, cadavres dans la cave, séquestration, manipulation et télé-achat sont au menu de cette adaptation d’un roman noir où bêtise humaine et poésie de comptoir tire la bourre aux rebondissements tordus et autres coups de Trafalgar. Une adaptation pour laquelle le scénariste s’en donne à cœur joie en usant et abusant de l’argot-parigot aux accents san-antonien, où le dessinateur – d’un trait bien gras – affuble le héros de faux airs de notre gros Gégé Depardieu national, le tout mis en scène dans des cases en cinémascope noircies au lavis grisâtre, comme si nos deux cons s’agitaient dans une pauvre banlieue pisseuse tout droit sortie d’un vieux film d’Henri Verneuil !
* La cage aux cons, de Matthieu Angotti & Robin Retch (Ed. Delcourt)