– L’homme qui tua Chris Kyle, de Nury & Brüno –

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Sniper d’élite dans le corps des Navy Seals, Chris Kyle se targuait d’avoir à son actif 160 âmes abattues lors de ses différentes campagnes en Irak. Un bilan record qui atteindrait même les 250 morts si l’on ajoute ses victimes « non-officielles » mais néanmoins revendiquées à son « tableau de chasse ». Le terme vous choque alors que l’on parle d’humains ? Peut-être le devez-vous à votre approche européenne, car aux Etats Unis, ce palmarès lui a valu le statut de héros : surnommé « The Legend », Chris Kyle fut porté aux nues par son pays, une statue en son honneur érigée, sa biographie parmi les livres les plus vendus, et un film inspiré de son histoire réalisé par l’illustre Clint Eastwood himself.
Ah, oui : et il fut assassiné.

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Dans L’homme qui tua Chris Kyle, Nury & Brüno nous proposent une vue d’ensemble sur « le phénomène » Chris Kyle sous une forme de documentaire revenant sur les différents protagonistes ayant eu trait à cette affaire : Chris Kyle, bien évidemment, sa passion pour les armes, son passé de cow-boy, l’amour inconditionnel pour sa patrie, ses « exploits » sur le champ de bataille, son (impossible ?) retour à la vie normale, son besoin de se « créer » de nouveaux ennemis à abattre ; mais aussi son meurtrier, un jeune militaire victime de PTSD (Post Traumatic Stress Disorder) hanté à jamais par la guerre et déconsidéré par ses pairs car n’ayant jamais réellement pris part à un combat ; sa femme, veuve d’un héros au statut proche de celui d’une star ; Bradley Cooper, l’acteur casté et « formé » pour interprété Chris Kyle dans le film retraçant son parcours ; ou encore Clint Eastwood, réalisateur du film mais aussi fervent partisan des armes à feu, à l’écran comme à la vie.

Un documentaire que les auteurs nous exposent sans jamais nous imposer leur avis grâce à une démarche objective et factuelle, basée sur des articles, des témoignages et des interviews retranscrits tels quels ou simplement additionnés d’un commentaire en voix off, une phrase courte et au présent simple décrivant uniquement les faits sans y ajouter aucun avis ni mettre une idée en avant autre que celle énoncée par le protagoniste.

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Graphiquement, Brüno nous offre une nouvelle fois un visuel implacable, adaptant son trait au propos en poussant d’une part le curseur vers un style plus réaliste, restituant à la perfection les statures et expressions des personnes réelles qu’il illustre, et d’autre part, en accentuant davantage encore sa ligne claire très stylisée, parfois presque géométrique, pour jouer sur les postures, les angles de vue, ou certains détails et leur donner un aspect quasi-symbolique. On notera également un encrage particulièrement intense et profond, jouant habilement sur les ombres et se mariant parfaitement aux couleurs de Laurence Croix pour créer des ambiances incroyables, non sans rappeler des maîtres du comics US comme Charles Burns ou Frank Miller.

Grâce à un travail d’enquête hallucinant et à ce graphisme incroyable, Nury & Brüno nous offrent avec ce livre un documentaire hyper-maîtrisé, parfois glacial et effrayant quant au rapport qu’entretiennent les américains avec les armes à feu, mais surtout extrêmement intelligent dans son traitement et aussi captivant qu’un bon thriller.

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* L’homme qui tua Chris Kyle, de Fabien Nury & Brüno (Ed. Dargaud)

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