Ha, il est loin le temps des « boums », où nous, jeunes ados aussi timides que boutonneux, attendions le fameux quart d’heure américain, espérant – la boule au ventre – qu’une fille daigne nous proposer une danse… évitant ainsi le calvaire d’avoir à user de nos techniques de dragues aussi maladroites qu’inefficaces !
Non : maintenant, on se cale tranquillement les fesses dans notre canap’, l’ordinateur posé sur les genoux, on adresse à tours de bras le même mail copié/collé à une poignée de potentielles conquêtes choisies principalement grâce à leur photo de profil, et on sirote une bonne p’tite bière bien fraiche en guettant frénétiquement la première à accepter un rencard…
Ces nouvelles pratiques – et leur dérives – Koren Shadmi les expose et les exploite avec joie et talent dans son dernier livre Love Addict.
En suivant le parcours de K., trentenaire new-yorkais au sortir d’une longue relation et cherchant le réconfort sur les sites de rencontre, l’auteur nous propose d’assister à la transformation d’un jeune-homme timide et peu sûr de lui en une véritable bête de sexe enchainant les aventures à un rythme incroyable. De rendez-vous en rendez-vous, nous verrons ses plans d’approche s’affiner, ses performances s’accentuer, sa confiance en lui s’affirmer, mais également une certaine arrogance s’installer, un insatiable appétit sexuel s’emparer de son corps et de son esprit, et finalement, une incapacité à se fixer – voire-même à aimer – s’imposer à lui comme une terrible fatalité.
Au travers des pérégrinations sentimentalo-sexuelles de K., Koren Shadmi dresse donc un portrait âpre et amer de notre société, gangrénée par ces nouveaux modes de communication et autres réseaux sociaux biaisant les rapports humains. Pourtant, jamais ce bouquin ne nous paraîtra déprimant ni plombant, car l’auteur saura toujours y apporter la touche d’humour nécessaire, ainsi qu’une certaine tendresse et compassion insufflant ce côté humain et sincère que ses personnage ont tendance à négliger.
Un bouquin qui saura aussi nous ravir visuellement, enfin, car Koren Shadmi confirme ici qu’il est aussi habile aux pinceaux qu’avec les mots, nous gratifiant d’un trait extrêmement lisible et fluide, sachant emprunter pile ce qu’il faut aux comics US indé’ et à la BD européenne pour un mixe parfait et des plus personnels : original, élégant, expressif et sensuel… aussi efficace pour resituer une émotion sur un visage que pour rendre un vibrant hommage au corps féminin !
En ces pages, il y a du Nick Hornby, du Alex Robinson, il y a du Frederik Peeters, il y a du Robert Crumb, et même parfois du Joe Matt…
…en ces pages, il y a tout ça et bien plus encore : il y a du Koren Shadmi, et c’est bon !
Love Addict, de Koren Shadmi (ed. Ici-Même).