– Mutafukaz, de Run –

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Au début, il y a Angelino, un loser qui partage un appart’ miteux avec son pote Vinz’ – un squelette chétif au crâne enflammé, sorte d’ersatz minable de Ghost Rider – et passe la plupart de son temps à s’abrutir devant la télé, affalé sur le canap’ en compagnie d’une colonie de cafards auxquels il s’est finalement attaché…

Un jour, alors qu’il livrait des pizzas sur son p’tit scoot’, il est victime d’un accident de la route.
Pas bien grave, l’accident, mais qui lui laissera pourtant des séquelles : depuis, il voit des ombres bizarres et inquiétantes apparaître derrière les gens qu’il croise.

Hallucination ou révélation mystique ?

De là, tout s’enchaine : débarquement d’une élite spéciale de la police dans son appart’, hommes en noir à ses basques, yakuza à ses trousses, immersion au sein d’un gang de « niggaz », capture par des néo-nazis, sauvetage par des catcheurs masqués, gunfights et combats au katana, apparition d’étranges pouvoirs…
…et au cœur de tout ça, une invasion extra-terrestre ?!

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Comment ça, « ça part dans tous les sens » ?
Mais pas du tout !
Là où, justement, on pourrait craindre un immonde bordel sans nom, on assiste à un gros mix’ jouissif extrêmement maitrisé ! Un peu tel un Tarantino de la bédé, Run insuffle ici toutes ses influences, ces coups de cœur, ses souvenirs emplis de nostalgie, parfaitement digérés et restitués à sa propre sauce… épicée, la sauce !

Un mélange des genres qui fait également des étincelles au niveau visuel : inspiré par des univers extrêmement différents, le lascar s’invente un style à la frontière du franco-belge et du comics, fortement relevé au cartoon, au street-art, et à la sub-culture latino !
Et si nos héros se planquent dans Little Tokyo ou se tapent un flash-back, hop, on change encore de trait pour s’aventurer vers le manga où le vieux pulp à grosse trame, poussant même le vice jusqu’à adapter le papier et la texture des pages en question afin d’offrir à nos p’tits doigts le toucher adéquat !

Et tout ceci, à un rythme de folie : toujours plus vite, toujours plus loin, toujours plus grand, toujours plus balaise… toujours plus impressionnant !

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Un summum atteint dans le quatrième tome, où les aliens dévoilent leur visages à la face du monde et entrent en guerre contre l’Humanité, où les pires gangs rivaux cessent de s’entretuer et unissent leur forces pour leur tenir tête, où la police et l’armée s’associent au peuple pour sauver notre planète, où les luchadores tombent le masque et s’improvisent cavaliers de l’Apocalypse pour exténuer le Mal par le feu et le sang, où Angelino part à la recherche de ses origines pour comprendre et maitriser toute l’ampleur de sa puissance… c’est une véritable bombe atomique que l’on se prend en pleine face !

Comment ça, « on va frôler l’overdose dans le cinquième tome » ?
Mais pas du tout !
Là où, justement, on pourrait craindre que de cette montée en puissance ne finisse par éclore une bombe hors de contrôle prête à nous péter à la gueule, Run à l’intelligence de jouer pile la stratégie inverse : dans cet ultime tome, chaque histoire se clôt petit à petit (de manière plus ou moins tragique) pour finir par se recentrer tout doucement sur les personnages d’origine, offrant la part belle à ce p’tit bâtard de Willy, le fidèle Vinz’, et bien sûr, notre cher Lino, qui livrera ici tous ses secrets… histoire de tirer enfin au clair tout le bordel qui se passe dans sa tête, dans son corps, mais aussi dans son cœur !

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Un tome plus intime, donc, teinté de mélancolie, où l’auteur dit adieu (au revoir ?) à ses personnages qu’il a magnifiquement accompagnés durant 10 belles années, à cet univers de folie qu’il a su créer et développer de manière hallucinante… tant d’un point de vue scénaristique, que narratif ou graphique !

Une impression de mélancolie qui se prolongera dans le long épilogue qui – en se focalisant sur leur vie au lendemain des évènements – donnera l’occasion à plusieurs personnages secondaires de tirer leur révérence… et à Run de revenir sur des moments clés de sa propre aventure éditoriale.

Finalement, avec cette jolie conclusion et toute la folie qui nous y a menés, ne tiendrait-on pas là une des séries les plus originales, innovantes, intelligentes et divertissantes des années 2000 ?

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Muta 3 Muta 4

Muta 5 +

Muta Meta Muta 0

Mutafukaz (Série principale en 5 Tomes + 1 Tome 0 + 1 HS), de Run (ed. Ankama – Label 619).

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