Le polar.
Le genre où l’on peut trouver ce qui se fait de plus simple d’un point de vue scénar’ (braquo’, mallette bourrée de fric et / ou de drogue, trahison, vengeance, fusillade, et basta !), et pourtant, le genre où seuls les scénaristes les plus malins parviennent à se sortir du lot…
…mélangez mal les cinq ingrédients sus-cités, et vous obtiendrez une daube au mieux, fadasse, au pire, indigeste ! Par contre, tirez comme il se doit les quelques ficelles à votre disposition – aussi grosses soient-elles – et vous obtiendrez un petit chef d’œuvre qui fleure bon la poudre et le sang !
Bon, le scénariste ne fait pas tout non plus, hein ? Ce qu’il faut, pour un bon polar, c’est également que le mec aux manettes ne soit pas un branque’… au cinéma comme en bande dessinée !
Là, pour le coup, avec Tyler Cross, on est servi : les ingrédients indispensables sont bien là (braquo’, mallette, trahison, vengeance, fusillade), et on les retrouve entre les mains d’un duo ayant déjà fait ses preuves auparavant niveau qualité (cf. Atar Gull).
A l’aide d’une voix off que l’on imagine sombre et graveleuse, Nury dresse une série de portraits que Brüno cisaille de sa fameuse ligne claire « retro-moderne », qui irait presque trainer cette fois-ci vers les vieux maîtres du comics US…
Et si son « économie » de traits peut – au premier abord – paraître dérisoire face à ces grandes cases en cinémascope, son sens du découpage et du cadrage fait des merveilles et nous offre des scènes d’actions qui décapent !
Ainsi, on découvre un tueur à gage au sang plus froid que le serpent, quelques vieux mafieux irascibles, la belle blonde éplorée d’une part ou la femme fatale de l’autre, et bien sûr, toute une sacrée brochette de pourritures qui opèrent selon le guide du parfait tyran…
…autant de portraits distillés comme des pièces d’un puzzle pour former au bout du compte un putain de tableau apocalyptique où tout pète dans tous les sens !
Et que ce soit dans un premier tome jouant les codes du western spaghetti et du pur polar de gangsters des années 50, ou un second s’inspirant des grands films de prison et nous trainant jusque dans les marais poisseux du bayou, la recette est respectée… pour ne pas dire sublimée !
Il y a du Scorsese derrière tout ça, il y a du Coppola également, du Sergio Leone aussi, et pourquoi pas même du Robert Rodriguez ou du Tarantino ; mais on n’est pas au cinéma, bordel, ici on parle bédé ! Alors oublions ces grands cinéastes et les références glissées un peu partout en ces pages : Tyler Cross, c’est tout simplement du Nury & Brüno… et c’est tout aussi bon !
Tyler Cross (2 tomes), de Nury & Brüno (ed. Dargaud).
PS : Mention spéciale également à Laurence Croix et ses couleurs qui – une nouvelle fois – soulignent à la perfection l’encrage profond de Brüno, et apportent une saveur toute particulière aux ambiances.