– Lincoln, de Oliver, Jérôme & Anne-Claire Jouvray –

Quel plaisir aujourd’hui de vous parler de Lincoln.
Non, pas Abraham Lincoln le fameux président des Etats-Unis, ni Abraham Lincoln le chasseur de vampires de cet épouvantable film d’épouvante qui sévit actuellement sur nos écrans, mais Lincoln – tout court – le héros de BD créé par la Jouvray family !

Lincoln, c’est un cow-boy solitaire… mais rien à voir avec l’autre lonesome cowboy qui tire plus vite que son ombre, car Lincoln, lui, n’a rien du héros au grand cœur. S’il est solitaire, c’est tout simplement parce qu’il ne veut surtout pas qu’on lui prenne la tête ! Ronchon et taciturne, tirant éternellement la tronche, Lincoln ne pense qu’à sa gueule, et ça lui suffit largement…

Et pourtant, c’est lui que choisira Dieu quand il débarquera sur Terre – sous la forme d’un p’tit barbu jovial – pour se trouver un nouveau sauveur.
Bon, vu la description du lascar, vous imaginez aisément que le père Lincoln, ça ne l’enchante pas vraiment de jouer au défenseur de l’opprimé, mais les voix du Seigneur sont impénétrables, et mine rien, le cowboy finira bon gré mal gré par aider son prochain… même si ses méthodes paraîtront souvent bien peu orthodoxes !

Un principe de base idéal pour traiter de différents sujets des plus sérieux d’une manière des plus légères : au travers des six premiers tomes, les péripéties de Lincoln le trainant de l’Ouest sauvage au Mexique en passant par un New York en plein essor, les Jouvray sauront le confronter au massacre des indiens par les cow-boys, à la corruption des grandes villes par les gangs et la police elle-même, à lamaltraitance des prisonniers par des matons de pénitencier illuminés, à la révolution mexicaine écrabouillée par la junte militaire, aux exilés mexicains martyrisés par les minute-men du Sud bouseux de l’Amérique, ou encore, la plus grande des épreuves : l’Amour…
…et tout ça sous le regard bienveillant ou malicieux, amusé ou dépité, de Dieu-le-père et de son inséparable compère, le diable himself !

Après un tel programme, on comprendra aisément le choix de notre râleur de cow-boy quand on le retrouvera au début de ce septième tome en vieil ermite barbu, isolé dans sa montagne enneigé.
La vie de rêve pour un asocial de sa trempe, qui ne descendra plus à la ville que pour vendre quelques peaux de bêtes…et se payer une bonne grosse cuite au saloon du coin !
Du coup, on comprendra également son désarroi quand les bigotes du coin parviendront à imposer l’interdiction de la production et de la consommation d’alcool, le privant ainsi de son seul et unique petit plaisir.

 

Et voilà encore une belle occasion d’aborder des sujets de fond tel que la prohibition, l’alcoolisme, ou la condition de la femme à cette époque, tout en se tapant une bonne tranche de rigolade en découvrant les effets foudroyant du tord-boyaux que Lincoln distillera lui-même, ou se en délectant des belles chansons de son imbibé de pote clodo’ qui lui colle aux basques…

Un parfait mélange de philosophie et de folie, des scénar’ aussi intelligents que cons (si, si !), des dialogues incisifs qui font mouche à tous les coups, un trait hyper-énergique au juste milieu entre dessin réaliste et humoristique, des couleurs aux p’tits oignons sachant se faire discrètes ou flamboyantes selon la situation…
…pardonnez du blasphème, mais, foutre-Dieu que cette série est bonne !

Lincoln (7 tomes), de Olivier, Jérôme & Anne-Claire Jouvray (ed. Paquet).

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