Monuments men, le nouveau film de George Clooney, raconte une histoire authentique, mais peu connue, de la seconde Guerre Mondiale.
Celle d’un groupe d’hommes ayant travaillé, pendant le conflit, à la préservation du patrimoine artistique et architectural de l’Humanité, et, après la capitulation de l’Allemagne, à la restitution des oeuvres d’art dérobées aux grands musées nationaux et spoliées aux familles Juives.

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Le Président Roosevelt a décidé de la création de cette unité spéciale en 1943, après la destruction d’une ancienne abbaye en France, lors d’un bombardement allié, et la mise en péril, toujours suite à un tir américain, d’une oeuvre majeure comme “La Cène” de Leonard de Vinci.
Leur mission principale : identifier les sites et les oeuvres à protéger lors des opérations militaires préalables au débarquement des alliés et à la grande offensive de l’été 1944  contre l’armée allemande, pour éviter les dégâts collatéraux en France, en Belgique ou en Italie. Ils ont par exemple contribué à sauver les fresques du Camposanto monumentale de Pise qui ont failli être ravagées par les flammes lors du bombardement de la ville.

Mais l’autre partie de leur mission consistait à retrouver la trace des oeuvres d’art dérobées par les nazis. Hitler rêvait d’un grand musée berlinois, dans lequel il pourrait exposer les plus grandes toiles et les plus belles sculptures. Il avait chargé Göring de l’approvisionner régulièrement en nouvelle pièces et celui-ci en profitait pour enrichir également sa collection d’art personnelle. Des centaines d’oeuvres importantes ont ainsi été pillées dans les musées, les églises, les abbayes. Avec l’avancée des troupes de la coalition, ces oeuvres se trouvaient en danger, car il était impossible de les localiser et donc de les protéger en cas d’attaque, mais aussi parce qu’Hitler avait demandé à ses hommes de détruire les oeuvres d’art plutôt que de les laisser entre les mains des alliés.

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Tiré d’un roman de Robert M.Edsel (1), lui-même construit à partir de témoignages authentiques, le film s’intéresse à la mission commando menée par Frank Stokes (inspiré par George Stout, le responsable des vrais  Monuments Men, et joué par Clooney himself) juste après le débarquement en Normandie.
Nous sommes alors en juillet 1944. Après avoir pris connaissance du mémo d’Hitler sur le sort réservé aux oeuvres volées en cas d’avancée significative des alliés, l’homme réunit en urgence un commando composé de directeurs et des conservateurs de musées, d’artistes, d’architectes, et d’historiens d’art (Matt Damon, Bill Murray, John Goodman, Jean Dujardin, Hugh Bonneville et Bob Balaban)  pour partir en Europe et trouver la trace des entrepôts nazis.
Après une formation martiale express, ils sont envoyés sur le terrain, pour un périple qui va les mener des plages de Normandie aux portes de Berlin, en passant par Paris, Bruges et la Silésie. Une course contre la montre haletante qui leur permettra de sauver plus de 5000 oeuvres d’art tombées entre les mains des nazis, parmi lesquelles la Madone de Bruges, de Michel-Ange, ou l’”Adoration de l’agneau mystique” de la Cathédrale de Gand.

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Au début du film, on se demande où vont nous emmener George Clooney et son co-scénariste, Grant Heslov. Le ton initial est plutôt léger et badin, à l’image de l’entraînement prodigué à ces six hommes qui n’ont absolument aucune aptitude martiale et font preuve d’une discipline plutôt aléatoire. Les auteurs semblent plus lorgner du côté de Ocean’s eleven que de celui des 12 salopards ou des Canons de Navarone. On craint alors que cette légèreté ne nuise au propos du film, qui entend rendre hommage à ces héros méconnus et à leur action.
De par leur sujet, Clooney et Heslov s’aventuraient déjà sur un terrain glissant, en devant louer les mérites d’un groupe d’hommes plus préoccupés par le sort des tableaux et des statues plutôt que celui des autres êtres humains, lors d’un conflit particulièrement meurtrier. Aussi, en optant résolument pour l’humour et une mise en scène hollywoodienne des plus classiques, ils prennent le risque de décrédibiliser totalement leur personnage et l’authenticité de l’histoire qu’ils racontent.

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Fort heureusement, une fois passée la frontière franco-belge, le ton général de l’oeuvre évolue. L’humour s’estompe et cède progressivement sa place au drame. L’action et le suspense prennent le pas sur la comédie.  Les pseudos-soldats sont confrontés à la réalité du conflit. Plus de balles à blanc, plus de déplacements en terrain conquis, l’ennemi est bien présent et n’hésite pas à faire feu pour protéger sa retraite vers l’Allemagne.
Même si on reste bien loin du réalisme d’un Il faut sauver le soldat Ryan, par exemple, on ressent toutefois nettement plus l’âpreté du conflit. Et même l’ampleur de la barbarie nazie à l’encontre des Juifs et des populations tziganes, à travers les macabres découvertes des Monuments men, comme cette caisse remplie à ras-bord de dents en or, arrachées à d’innocentes victimes.

Surtout, par petites touches, le cinéaste parvient à faire passer son message. Evidemment, sauver une vie humaine est plus importante dan l’absolu que de sauver une oeuvre d’art. Mais sauver une toile, une sculpture, un objet précieux, c’est aussi sauver le patrimoine de l’humanité, sa mémoire collective. Et c’est aussi s’opposer à l’ignoble processus de purification ethnique des dignitaires nazis qui, non content d’éradiquer  des familles entières de Juifs, détruisaient aussi toutes leurs possessions, afin de faire disparaître toute trace de leur existence.
Là encore, la démonstration n’est pas au niveau d’un film comme Shoah ou de La Liste de Schindler, pour se cantonner au seul cinéma hollywoodien, mais le film rend in fine hommage à ces Monuments men, héros méconnus de la guerre 1939/1945, et c’est là l’essentiel.

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On découvre leur histoire à travers un film plutôt rondement mené, porté par un casting sans failles – les sept précités, plus Cate Blanchett en résistante française et quelques caméos savoureux, dont le compositeur Alexandre Desplats, Grant Heslov et Nick Clooney, le père du cinéaste.
Le résultat est plutôt plaisant, même si on peut regretter que la mise en scène, terriblement classique, manque d’ampleur. On peut aussi regretter que le sujet ne soit pas plus approfondi que cela.
Mais Clooney a fait le film à sa façon. Il n’a pas le génie de Tarantino pour transcender un film de guerre en expérience cinématographique inédite. Il n’est ni Kubrick, ni Spielberg, ni Malick non plus. Il s’est contenté de livrer un film d’aventures hollywoodien à l’ancienne, refusant les effets numériques outranciers pour s’appuyer sur un mélange de charme, d’humour et une pointe de pathos assez bien dosée.
Ses détracteurs, apparemment nombreux des deux côtés de l’Atlantique, lui reprochent peut-être ce côté désuet et ces choix anti-spectaculaires, mais le déferlement de critiques négatives nous semble quand même disproportionné au regard du contenu. Même si ce long-métrage ne marquera pas l’histoire du septième art, on a envie de sauver le soldat Clooney du feu nourri de vacheries que lui adressent nos confrères.
Monuments men
  se distingue quand même assez nettement de tous ces blockbusters pleins de bruit et de fureur que nous propose régulièrement l’usine à rêves californienne et qui ne suscitent pas un tel tollé…
(1) : “Monuments men” de Robert M.Edsel – éd. J.C Lattès
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The Monuments men

Réalisateur : George Clooney
Avec : George Clooney, Matt Damon, Cate Blanchett, Bill Murray, John Goodman, Jean Dujardin, Bob Balaban
Origine : Etats-Unis
Genre : l’Art de la guerre
Durée : 1h58
Date de sortie France : 12/03/2014
Note pour ce film :●●●●
Contrepoint critique : Le Monde

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