11 juillet 1979, Le Skylab, première station spatiale américaine, sorte de grosse boîte de conserve de 90 tonnes satellisée autour de la Terre, finit par quitter son orbite et à filer à toute vitesse vers notre planète.
Les journaux télévisés annoncent que des débris pourraient s’abattre sur l’ouest de la France.
Ceci inquiète un peu Anna (Julie Delpy), Jean (Eric Elmosnino) et Albertine (Lou Alvarez), leur fille de onze ans. Mais cela ne les empêche pas de monter dans le train qui les emmène à Saint-Malo, afin de fêter les 67 ans de la mère de Jean (Bernadette Lafont).

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Toute la famille est réunie pour l’occasion.
Les frères et soeurs, leurs conjoints, leurs enfants et même l’oncle Hubert (Albert Delpy, le père de la cinéaste), qui perd un peu la boule et a des tendances suicidaires… Ca représente pas mal de monde…
On trouve des bretons, forcément, mais aussi des parigots et des “pièces rapportées” corses (Aure Atika) ou espagnoles (Candide Sanchez). De quoi alimenter les habituelles rivalités régionales…
On trouve des militaires de carrière, vétérans de l’Indochine ou de la guerre d’Algérie, et des artistes. De quoi occasionner quelques incompréhensions mutuelles…
On trouve des partisans du pouvoir giscardien alors en place et des gauchistes rêvant de la victoire de Mitterrand à la Présidentielle de 1981. De quoi provoquer des débats houleux…
Et comme il y a quelques tempéraments bouillants qui se retrouvent face-à-face, il suffirait d’un rien pour qu’éclate un pugilat général…

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Mais si tous ces adultes ne sont pas toujours d’accord les uns avec les autres, ils sont bien obligés d’enterrer la hache de guerre. C’est la famille, quand même! On ne se bat pas entre frères! Et pas le jour de l’anniversaire de mémé!
Alors, à l’instar des enfants, qui se chamaillent pour des broutilles avant de jouer ensemble comme si de rien n’était, ils s’engueulent copieusement puis oublient leurs différends autour d’un verre et de l’évocation d’un souvenir de famille heureux.
On boit, on mange…
On se charrie, on rigole pour des bêtises…
On est ébahi par les nouveauté technologiques révolutionnaires, comme ce pouf aspirateur “silencieux” à fil auto-rétractable…
On chante des tubes de l’époque (“La ballade des gens heureux”, “L’été indien”) ou des chansons un peu plus anciennes (“Bambino”, “Ni trop tôt, ni trop tard”)…
On danse sur des musiques “de jeunes” (de la disco pour les 17/18 ans, du pogo punk pour 10/12 ans)… On joue au foot ou à la pétanque. On court, on saute, on nage…
On regarde des dessins animés à la télé (pour les plus jeunes) ou on fait le coq devant les filles (pour les ados aux hormones en folie)… Bref, on vit, quoi…

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Autant dire que tout le monde s’en fout du Skylab…
Sauf peut-être Albertine, qui est en train de prendre conscience du côté éphémère de la vie et n’a pas franchement envie de voir ceux qu’elle aime écrasés par un bout de ferraille radioactif venu de l’espace, ni de mourir elle-même, alors qu’elle n’est pas encore formée. Mais elle aussi va vite avoir d’autres chats à fouetter.
Pire que le Skylab, c’est un Mathieu qui lui tombe sur la tête. Un petit blondinet un peu plus âgé qu’elle, adepte de naturisme et de pêche sous-marine, et disc-jockey à ses heures perdues. Premier coup de foudre, premier slow langoureux (sur “Alone again (naturally)”) et première déception amoureuse…

Oui, la fin de l’enfance, c’est un peu comme un Skylab qui s’écrase, avec quelques illusions et un brin de naïveté qui se désintègrent à l’entrée de l’atmosphère de l’adolescence, avant l’atterrissage en plein âge âge adulte… Mais quand on a des parents soixante-huitards plutôt décomplexés, qui vous laissent découvrir, à onze ans, des films comme Le Tambour et Apocalypse now, on est quand même sacrément préparé pour cette mission dangereuse…

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5 octobre 2011,
Le Skylab
, le nouveau long-métrage de Julie Delpy sort en salles de cinéma françaises.
La cinéaste y raconte, avec humour et un brin de nostalgie, ce weekend familial mouvementé, issu de ses souvenirs d’enfance. Un fragment de temps suspendu. Une petite tranche de vie pleine de bruit et de fureur, mais aussi de tendresse et de complicité…

Au premier abord, on aurait pu craindre que le film n’intéresse que les spectateurs de plus de 35 ans, c’est à dire ceux qui ont connu cette époque-là.
Sauf que l’on chante encore des tubes du moment, que l’on se trémousse toujours sur des danses jugées ringardes par les générations suivantes. Qu’on est encore ébahi par les nouvelles technologies – qui ont un peu évolué, certes… Que l’on joue toujours au foot et à la pétanque. Qu’on court, qu’on saute, qu’on nage… (C’est juste un peu plus difficile pour ceux qui, gamins à l’époque, sont aujourd’hui quadragénaires…). Que les artistes s’opposent toujours aux militaires. Que la crise économique est toujours là. Que les partisans du pouvoir sarkozien en place s’engueulent copieusement avec les militants de gauche qui rêvent d’une victoire à la prochaine présidentielle…
Bref, que rien n’a vraiment changé…

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Ainsi, chaque spectateur, quelque soit son âge, pourra reconnaître un peu, beaucoup, passionnément ou à la folie, ses parents, ses proches ou sa propre personne dans cette comédie douce-amère sur la famille, l’enfance, la vieillesse et les choses de la vie en général.
Le film de Julie Delpy traite de façon très fluide, très douce, de choses universelles et réussit pleinement son pari : faire sourire et émouvoir le public.
Cela paraît simple, comme cela. Mais il fallait quand même un peu de talent pour réussir à nous tenir en haleine pendant près de deux heures sans véritable scénario, juste avec des petits instants volés, qui donnent à ses acteurs, tous magnifiques, l’occasion de briller, le temps d’une petite séquence.

Alors on lui pardonne volontiers quelques longueurs et quelques situations un peu trop appuyées – l’ancien para dépressif à cause de la fin du colonialisme, par exemple – pour ne retenir que le meilleur de ce joli film.

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L’actualité s’est d’ailleurs chargée, mieux que nous, de le célébrer comme il se doit : Par une drôle de coïncidence, un autre objet venu de l’espace – le satellite américain UARS – vient de faire frissonner les populations mondiales en filant vers la Terre à plus de 26.000 km/h et en menaçant de s’écraser sur une zone habitée, avant de tomber dans l’Océan Pacifique, sans faire de victimes.

Rien n’a changé, on vous dit…
Sauf peut-être une pointe de désabusement plus perceptible chez les gens, depuis que les utopies nées lors de la “parenthèse enchantée” ont été broyées par la grosse machine ultra-libérale.
Alors, pour vous redonner un peu de baume au coeur,  nous vous conseillons chaudement de découvrir en salle ce petit film plein de joie de vivre, et porteur des rêves pas si ringards d’une époque pas si lointaine…

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Le Skylab Le Skylab
Le Skylab
Réalisatrice : Julie Delpy
Avec : Lou Alvarez, Eric Elmosnino, Julie Delpy, Bernadette Lafont, Aure Atika, Noémie Lvovsky, Vincent Lacoste
Origine : France
Genre : madeleine proustienne
Durée : 1h53
Date de sortie France : 05/10/2011
Note pour ce film : ●●●●
contrepoint critique chez : L’Humanité ________________________________________________________________________________

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