The-Search-de-Michel-Hazanavicius-affiche En 2011, The Artist triomphait sur la Croisette, avant de connaître une impressionnante carrière  internationale, auréolée de plusieurs récompenses majeures. Le public a adoré, la presse a globalement aimé – et nous avons été parmi les premiers à dire tout le bien que l’on pensait de l’oeuvre et de ses artisans.
Un succès mérité, donc, mais aussi, avec le recul, une malédiction…
Une malédiction parce que, aveuglé par les louanges, Michel Hazanavicius s’est mis à penser qu’il était au niveau des tous meilleurs cinéastes de la planète, et qu’il pouvait donc s’attaquer à une oeuvre plus ambitieuse, plus ample, plus sérieuse, à savoir le remake de The Search de Fred Zinnemann (Les Anges marqués en VF), transposé dans le contexte moderne de la guerre en Tchétchénie. Pourquoi pas… Mais, au vu du résultat, calamiteux, force est de constater qu’il n’a pas encore la carrure pour mener à bien ce genre de projet…

Il faut dire qu’il ne s’est pas simplifié la tâche en choisissant une intrigue initialement composée de deux arcs narratifs parallèles : d’une part le périple d’une jeune femme à la recherche de son petit frère dans des paysages dévastés par les conflits et hantés par des êtres humains fantomatiques, traumatisés par les horreurs de la guerre, et d’autre part la rencontre du gamin en question, muré dans la peur et le silence, avec une jeune femme envoyée par l’Union Européenne pour rédiger un rapport sur la situation.
Deux récits convergents que le cinéaste a déjà bien du mal à entrelacer de façon harmonieuse, mais qu’il plombe encore avec une troisième sous-intrigue : le parcours d’un jeune soldat russe entrainé malgré lui dans ce conflit sanglant, et formaté pour perpétrer les pires atrocités.

Là, ca devient compliqué… The Search passe du statut de remake périlleux à film-choral casse-gueule. On le dit souvent, l’exercice est peut-être le plus difficile à gérer pour un cinéaste. Même des grands maitres s’y sont cassé les dents. Alors, sans vouloir manquer de respect à Michel Hazanavicius, il n’était pas suffisamment aguerri pour tenter l’expérience.
Sa narration est bancale, et le dispositif global nuit, hélas, à l’intérêt individuel des trois segments qui, pris séparément et correctement traités, auraient pu donner des films formidables. Il y a bien des idées très intéressantes dans le film, mais elles sont soit inabouties, soit mal exploitées, soit étouffées par cette narration indigeste.

The search - 2

Mais si le film est à ce point raté, c’est surtout parce que ce qui devraient être ses points forts, le jeu de Bérénice Béjo et la relation qui se noue entre son personnage et le petit garçon tchétchène, s’avèrent être finalement ses plus gros points faibles. L’actrice, dont le talent n’est plus à démontrer, et a d’ailleurs été récompensé d’un prix d’interprétation sur la Croisette, est ici assez mauvaise. On ne croit pas à son personnage. Son jeu sonne faux. Mais, à sa décharge, elle n’est pas aidé par des dialogues très mal écrits et des situations assez grotesques (La scène disco sur la musique des Bee-Gees est un grand moment de N’importe quoi…)

On cherche des choses à sauver dans The Search mais hélas, même avec la meilleure volonté du monde, on ne trouve pas… Personne ne reprochera pas à Michel Hazanavicius d’avoir essayé de proposer quelque chose de différent et d’ambitieux, mais il faut qu’il ait la lucidité de comprendre que son film est raté. On espère néanmoins qu’il pourra revenir très vite avec un nouveau film plus “simple”, plus “humble”, qui fera oublier cette erreur de parcours.

Cannes-Poster-2014

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Rédacteur en chef de Angle[s] de vue, Boustoune est un cinéphile passionné qui fréquente assidument les salles obscures et les festivals depuis plus de vingt ans (rhôô, le vieux...) Il aime tous les genres cinématographiques, mais il a un faible pour le cinéma alternatif, riche et complexe. Autant dire que les oeuvres de David Lynch ou de Peter Greenaway le mettent littéralement en transe, ce qui le fait passer pour un doux dingue vaguement masochiste auprès des gens dit « normaux »… Ah, et il possède aussi un humour assez particulier, ironique et porté sur, aux choix, le calembour foireux ou le bon mot de génie…

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