Bodeen, un bled paumé au fin fond du Texas… Des filles de seize ou dix-sept ans participent à un concours de miss local, parfaitement coiffées, maquillées et manucurées, défilent dans des robes de princesses et débitent des banalités bien pensantes à un jury de culs-bénis.
Objectif inavoué de ces compétitions : se faire remarquer par son élégance et avoir l’opportunité de côtoyer des hommes plus distingués et plus fortunés, histoire de faire un mariage réussi. Comprenez, pas avec les gars du coin, au mieux des paresseux qui passent leur temps à regarder les matchs de foot à la télé une bière à la main, au pire, des brutes épaisses dont le seul acte de bravoure jamais enregistré est d’avoir réussi à dévorer un hamburger géant en moins de deux minutes chrono au fast-food de la ville…
Mais en gros, le choix se résume à devenir potiche de luxe pour un yuppie coincé ou femme au foyer servant un beauf absolu… Sympa les perspectives d’avenir !

Bliss, une adolescente de dix-sept ans, refuse cette fatalité. Elle commence à en avoir marre de ces concours débiles qui n’enthousiasment que sa mère. Marre qu’on dirige sa vie, qu’on prenne les décisions à sa place, marre de ne pas pouvoir faire un truc qu’elle aime vraiment. Un jour, par hasard, elle découvre l’univers des derbys de roller féminin, une compétition de courses par équipe où tous les coups sont permis ou presque. Elle est subjuguée par ce mélange de vitesse et de puissance, de grâce et de brutalité mêlée, et la liberté qu’il semble provoquer… Alors, trichant sur son âge et mentant à ses parents, elle décide de se mettre à ce sport plutôt viril. Elle se fait rapidement remarquer par sa vitesse et son enthousiasme…

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Adaptation du roman autobiographique de Shauna Cross (1), Bliss est une ode à la liberté, à la fantaisie et à l’émancipation de la femme, offrant un autre modèle féminin que celui de la poupée sage, lisse et docile. Barbie destroy – surnom de Bliss dans l’équipe – plutôt que Barbie princesse…

On ne sera guère étonné d’apprendre que c’est Drew Barrymore qui est aux commandes de ce « film de filles » fort sympathique. Il y a bien des similitudes entre le parcours de la jeune héroïne et celui de l’actrice. Enfant star très jeune (2), Drew Barrymore a ensuite connu une adolescence difficile, marquée par ses frasques à répétition, ses abus de drogues, d’alcool et de sexe. Elle aussi a eu du mal à être reconnue dans sa propre famille, à faire valoir son indépendance, à se faire accepter telle qu’elle est, avant de retrouver le chemin des plateaux et de s’imposer en tant qu’actrice de caractère, à la fois fantasque, gouailleuse et touchante, puis comme productrice, un fait suffisamment rare dans l’univers plutôt machiste du cinéma hollywoodien. Et donc réalisatrice avec ce premier long-métrage assez réussi.

Sa mise en scène n’a rien d’exceptionnelle, mouvements de caméra basiques, plans simples et montage platement narratif, mais ces lacunes techniques sont compensées par une énergie fortement communicative et un ton très fun, très rock’n roll, qui se retrouve d’ailleurs dans la bande-originale, soignée et riche en titres enthousiasmants.

Bliss - 3

Et, comme souvent dans les films réalisés par des comédiens, casting et direction d’acteurs sont parfaits. Outre l’excellente Ellen Page, qui prête à Bliss sa frimousse encore juvénile et ses airs malicieux, on retrouve des actrices de caractère. Déjà dans les équipes de roller-derby : Juliette Lewis incarne « Iron Madone », patineuse rugueuse et impitoyable, Zoé Bell, l’ancienne cascadeuse découverte dans le Boulevard de la mort de Tarantino, est « Bloody Holly » et Kristen Wiig joue « Maggie Grabuge », à la fois mère de famille et rolleuse coriace… Plus Ari Graynor (« Eva destruction »), Sydney Bennett (« Kami Kaze ») et d’autres second rôles aux noms évocateurs de « Jabba the slut », « Pocket rocket » ou les « sœurs Manson »… Et Drew Barrymore elle-même qui s’est octroyé le rôle irrésistible d’une casse-cou encaissant sans rien dire fractures et contusions.
Ensuite dans l’entourage de Bliss, avec Marcia Gay Harden en mère déboussolée ou Alia Shawkat, vue l’an passé dans Amerrika
Côté masculin, ce n’est pas mal non plus avec Daniel Stern en père tranquille, Andrew Wilson en entraîneur colérique et Landon Pigg, rocker cool au sourire angélique, fera craquer plus d’une demoiselle…

Bliss est donc une comédie sympathique et enjouée, emmenée par une troupe d’actrices – et d’acteurs – très complice. Une façon de commencer l’année cinématographique comme sur des roulettes…


(1) : « Derby girl » de Shauna Cross – éd. Henry Holt and Co. (en anglais, pas de traduction française disponible pour le moment)

(2) : Pour rappel, la petite fille de E.T. l’extra-terrestre, c’était elle…

 

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BlissBliss
Whip it

Réalisatrice : Drew Barrymore
Avec : Ellen Page, Marcia Gay Harden, Daniel Stern, Juliette Lewis, Kristen Wiig, Alia Shawkat, Zoe Bell
Origine : Etats-Unis
Genre : rollerball non-futuriste et féministe
Durée : 1h51
Date de sortie France : 06/01/2010

Note pour ce film : ˜˜˜˜  

contrepoint critique chez : In the mood for cinéma

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