Ca y est, le 13ème festival du Film asiatique de Deauville se termine.

De l’avis général, cette édition a été plutôt marquée par des films très (trop) longs, très (trop) lents et pas franchement drôles. Autant dire que bon nombre de spectateurs attendaient du dernier film en compétition, Cold fish, qu’il secoue un peu l’assistance. Ils n’ont pas dû être déçus !
En effet, le film de Sono Sion est une oeuvre particulièrement violente et sanglante qui a effarouché de nombreux spectateurs.

Cold fish - 2

Tout commence comme une chronique familiale. Un couple et leur fille dînent ensemble à la maison ; l’adolescente reçoit un appel et part rejoindre son copain. Mais le minutage de l’action, façon fait divers, laisse plutôt à penser qu’un drame est en cours. De fait, le téléphone sonne, annonçant que la jeune fille a des ennuis… On pense qu’elle a eu un accident ou pire… Raté, elle a juste été arrêtée pour un larcin commis dans un supermarché du coin. Le vigile est prêt à appeler la police, mais l’intervention d’un riche commerçant local le persuade d’abandonner les poursuites. Mais c’est là que commencent vraiment les ennuis… Car le bonhomme, derrière son apparente jovialité, dissimule de noirs secrets. L’intrigue prend plusieurs virages différents, mais bascule imperceptiblement vers le film noir, très très noir…
Difficile d’en dire plus au risque de gâcher le plaisir des spectateurs qui voudront voir le film. Disons simplement que le film s’inspire d’un drame criminel réel, l’un des plus traumatisants dossiers de la police criminelle japonaise… Autant dire que les âmes sensibles peuvent s’abstenir et que les chochottes qui s’évanouissent à la projection de 127 heures peuvent préparer leurs civières…
Personnellement, j’ai trouvé que le film pâtissait d’un dernier quart d’heure versant dans la surenchère gore, perdant un peu de son intensité dramatique. 

The old donkey

Dans un tout autre registre, j’ai rattrapé The Old donkey, film chinois racontant le double combat d’un vieux paysan, contre un entrepreneur voulant acheter ses terres pour y construire une usine chimique, et contre le désert, qui menace de recouvrir de sable la tombe de ses parents et de son épouse. Hors de question pour lui d’abandonner ses terres, sa vie. Il est aussi têtu que sa mule, ce vieillard ayant traversé l’histoire de la Chine du XXème siècle, le temps des riches propriétaires, la révolution culturelle de Mao et l’ouverture récente du pays à l’économie de marché, tout en gardant la structure politique héritée du communisme…
Ceci permet au cinéaste d’opposer les points de vue de générations différentes sur son pays, avec, en filigrane un regard très critique sur la société chinoise actuelle, qui semble ici cumuler les travers des deux grands systèmes économiques. Sa vision, et le ressenti du vieil homme, est celle d’un pays subissant encore le poids de l’administration communiste et évoluant vers de plus en plus d’individualisme, laissant notamment sur le carreau les “anciens” sur le carreau.
On peut aussi voir le film comme une allégorie de l’exode rural, la “désertification” des campagnes chinoises, les jeunes quittant la province pour tenter leur chance en ville.
Mais c’est avant tout une belle histoire d’amour entre un homme et sa fille, seule membre de la famille à veiller encore sur lui, et à respecter son courage et son abnégation face à l’injustice…
Quand je pense à tous les échos négatifs que j’ai pu entendre sur ce film – trop lent, trop peu intéressant, trop amateur… – je me dis que j’ai bien fait de ne pas me fier à la vox populi et de découvrir par moi-même ce film poignant, que l’on devine lui aussi réalisé à force de volonté, dans des conditions difficiles. Bien sûr, il souffre de ce fait d’une esthétique trop  “vidéo”, alors que certains plans, sublimes, auraient mérité un travail sur l’image plus conséquent. Mais c’est assurément l’un des plus beaux films que j’ai vus au cours de ce festival. 

Mais ce ne sont ni Cold fish, ni The Old Donkey qui ont les faveurs des pronostics. Si le jury opte pour le consensualisme, alors Buddha mountain et Udaan ont toutes leurs chances car ils ont été très applaudis. S’il privilégie un cinéma plus audacieux et radical, alors Birth right  tient la corde…
Verdict très prochainement…

maudite pluie - 2

Mais avant les récompenses, il reste encore un film à découvrir, hors compétition : Maudite pluie! Une fable écologique et humaniste qui parle du drame de la sécheresse dans les coins les plus reculés de l’Inde. Là-bas, la pluie est un élément à la fois espéré et craint. Elle est nécessaire pour faire pousser la végétation sur des sols complètements arides, mais, trop abondante à la saison de la mousson, elle peut aussi détruire totalement les récoltes. Or, pour la population, très pauvre et surendettée auprès d’usuriers locaux, l’absence de récolte peut avoir des conséquences humaines désastreuses, poussant les paysans au suicide…
Le sujet est fort, mais son traitement souffre, là aussi, d’un manque de moyens certain et d’un côté un peu trop “amateur”. C’est néanmoins une façon d’ouvrir les regards sur le drame vécu par certaines populations vivant en marge de la société dans ces pays au développement économique rapide…
En tout cas, c’est une belle façon de fermer un festival dont la programmation a offert un regard sur les problèmes du Monde en général et des peuples d’Asie en particulier.
Une pointe d’espoir et d’optimisme n’aurait pas été superflue, mais les oeuvres présentées étaient néanmoins variées, complémentaires et d’un niveau honorable.
De quoi avoir envie de renouveler l’expérience l’année prochaine !

Je profite de ce dernier billet en direct de Deauville pour remercier Céline Petit, Alexis Delage-Toriel  et leur équipe pour l’accueil qui a été réservé aux journalistes et web rédacteurs au cours de ce festival, ainsi que le personnel du CID et des salles partenaires ; pour adresser une amicale pensée à tous les amis cinéphiles, anciens et nouveaux, que j’ai eu le plaisir de côtoyer durant ces cinq jours de festival ; et de vous remercier vous, lecteurs, d’avoir suivi mes comptes-rendus quotidiens.

A l’année prochaine – je l’espère – pour de nouvelles chroniques asiatiques…
(Mais avant cela, place au palmarès…) 
    
    
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Rédacteur en chef de Angle[s] de vue, Boustoune est un cinéphile passionné qui fréquente assidument les salles obscures et les festivals depuis plus de vingt ans (rhôô, le vieux...) Il aime tous les genres cinématographiques, mais il a un faible pour le cinéma alternatif, riche et complexe. Autant dire que les oeuvres de David Lynch ou de Peter Greenaway le mettent littéralement en transe, ce qui le fait passer pour un doux dingue vaguement masochiste auprès des gens dit « normaux »… Ah, et il possède aussi un humour assez particulier, ironique et porté sur, aux choix, le calembour foireux ou le bon mot de génie…

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