– Interview de Bablet, Singelin, & Run (Label 619 / Ankama) –

Le festival Quai des Bulles fut une jolie occasion de se retrouver entre passionnés de bande dessinée, d’assister à de belles expositions autour du neuvième art, mais aussi de rencontrer des auteurs dans d’agréables conditions, et discuter tranquillement avec eux sur fond de mer et de ciel bleu…

Les auteurs du jour seront Mathieu Bablet, Guillaume Singelin, et Run, trois lascars officiant sous Label 619 d’Ankama et à qui l’on doit des titres explosifs comme La Belle Mort  (click), The Grocery  (click), Mutafukaz, ou encore le génial concept Doggy Bags  (click) !

PaKa : Pour commencer, j’aimerais qu’on parle un peu BD… Gamins, vous lisiez quoi ?

Mathieu Bablet : Moi, j’ai été baigné dans les vieux Strange  et les vieux Marvel  de mes parents, donc tout petit, une vraie base comics des années 70 : John Romita, Stan Lee…
Le manga est arrivé un peu sur le tard avec Akira  ou Dragon Ball.
Donc, au final, des influences américaines et japonaises plutôt que des bédés traditionnelles françaises.

Guillaume Singelin : Moi, c’étaient plus des trucs vraiment classiques franchouillards-belges comme les Schtroumpfs, Tintin, Spirou, et après, un peu de Métal Hurlant  aussi… mais au début, plutôt franco-belge, ouais.
Après, il y a eu l’arrivée manga, avec Dragon Ball, Akira, Appleseed
Les comics sont venus bien après. En fait, je commence juste à lire maintenant : mes premiers comics, c’était il y a deux trois ans, un truc comme ça…

Pk (à Run) : Et le vieux monsieur, il lisait quoi ?

Run : Bah, moi, vu mon âge, j’avais pas le choix : c’était que du franco-belge, forcément ! Donc, première BD : les Schtroumpfs Olympiques, deuxième BD : les Schtroumpfs Noirs  ! Et là, révélation : j’ai adoré cet album parce que justement je trouvais génial de voir un schtroumpf d’une autre couleur, c’était vraiment le truc qui m’avait vraiment botté à l’époque. Et puis voilà, effectivement, j’avais pas le choix parce qu’il y avait pas de comics, pas de manga, y avait que dalle. Si, il y avait bien les Strange, mais je trouvais ça bizarre quand j’étais petit : des meufs avec des poitrines, et tout…!
Donc, j’étais resté vachement franco-belge, et puis un jour, j’ai un voisin qui a eu un dégât des eaux dans sa bibliothèque et il m’a refilé des vieilles BD toutes moisies : y avait le Dark Knight, du Frank Miller, Watchmen, Liberty… Moi, j’étais ado’, j’avais laissé tomber la BD, je me disais que j’avais grandi et que la BD c’était pour les gosses, mais à travers ces bouquins-là, j’ai redécouvert la BD… et j’en suis resté là, d’ailleurs !

Pk : Aujourd’hui, vous en lisez encore beaucoup ?

GS : Non, pas tant que ça, non : maintenant, il y a d’autres influences que la BD dans mon truc, genre les séries, tout ça. En gros, c’est ce qui caractérise le style 619  : les influences, elles sont vraiment de partout, et j’pense que ça se ressent.

Pk : C’est vrai qu’entre Doggy Bags  qui est une sorte de GrindHouse  en BD, ou La Belle Mort  qui bénéficie d’un découpage très cinématographique…

MB : Ouais, je pense que dans ma narration, on retrouve plus de ce qui se fait au cinéma que dans la BD, niveau découpage.

 

Pk : Question ciné, t’es plus sur quoi ?

MB : Ah là, j’suis plus sur tout sans problème. Bon, pas trop les films français chiants, c’est vrai… mais y en a quand même des biens, pour le coup, hein ?!
J’ai eu ma période où je regardais pas mal Starship Troopers  et les films un peu pourris de séries B ou Z, et donc c’est un peu ce qui m’a influencé sur La Belle Mort ; mais sinon, en général, vraiment de tout.

GS : Je matte un peu de tout aussi : autant des films d’auteur que des trucs genre Starship Troopers, mais c’est vraiment dans les séries TV qu’il y a beaucoup de trucs qui m’ont influencé. Bon, bien sûr, à la base il y a The Wire, mais j’en regarde plein d’autres : Les Sopranos, The Shield, The Corner… J’aime bien cette forme de découpage, chapitré, vachement rythmé. C’est pour ça que sur The Grocery, on a essayé de faire un truc un peu dans cet esprit : chaque scène c’est un épisode, en fait.

Pk : En parlant de ciné, un long-métrage tiré de Mutafukaz  était prévu, non ?

Run : Ouais, mais là, on en est à la phase critique : on vient de terminer une pré-production, donc c’est bien avancé, mais c’est aussi possible que ça s’arrête net. C’est maintenant qu’il faut convaincre des gens, des décideurs. Si on arrive à les convaincre ça se fait, si on y arrive pas, j’abandonne l’idée. Tu vois, avec la BD il y a quand même une certaine liberté vu qu’il y a pas les même enjeux commerciaux, ni financiers ; alors que dans le ciné, c’est pas du tout la même chose : y a beaucoup d’intermédiaires, y a beaucoup de thunes en jeu, y a beaucoup de gens qui se greffent… et donc, ça devient vitre très compliqué, et si je comprends pas tout de A à Z , je préfère rien faire que de gérer ça à moitié.

Pk : S’il se fait, ce sera de la 3D ou de l’anim’ à l’ancienne ?

Run : A l’ancienne, de la tradi’ ! Et puis, j’aimerais préserver l’esprit original du truc, tu sais, avec les ruptures graphiques qu’on peut trouver dans les albums, et tout ?!
C’est cool, mais c’est très chronophage. En plus, là, je suis en train de me taper toute l’animatique, c’est pas juste « tenez v’là l’truc et démerdez-vous » : je participe à 100% ! Donc, ce serait d’autant plus douloureux que ça se fasse pas, mais je préfère que ça se fasse pas plutôt que ça se fasse mal.

Pk : Et le tome 4 dans tout ça ?

Run : Bah, entre l’adaptation en dessin animé et la gestion du label qui prend pas mal de temps aussi, la BD, finalement je fais ça presque comme si c’était un hobby : le week-end et les jours fériés ! Du coup, j’ai très peu de temps pour bosser sur le tome 4, mais dès que je m’y mets, je suis à fond la caisse !
J’en suis satisfait pour l’instant, et ça, c’est un exploit : je suis jamais content de rien, donc si je commence à avoir une espèce de contentement, c’est que j’arrive à un bon truc, là !

Pk : Il est prévu pour quand ?

Run : Pour celui-ci, je me garde un peu plus de temps, parce que j’ai vraiment envie de faire un truc bien : je voudrais laisser aucune porte ouverte et conclure cet arc en beauté ! Donc, je me suis fixé une date assez éloignée pour me permettre de finir ça bien et à ma manière, et en plus ce sera une date qui sera bien raccord avec ce que je raconte : 21 décembre 2012, la fin du monde !

Pk : Beau programme ! D’autre one-shot dans l’esprit du Tome 0  ou de Méta-Muta  sont prévus ?

Run : Pas pour l’instant, j’ai pas envie d’exploiter le filon de manière complètement désordonnée. Quand on a fait le Tome 0, avec Bicargo, c’était vraiment pour approfondir l’univers de Mutafukaz, et avec Jérémie Labsolu, c’était véritablement un coup de cœur, mais ça a jamais été histoire d’exploiter un filon… et je veux surtout pas que ce soit ça, donc pour l’instant : rien de prévu.

 

Pk : Oui, la collaboration avec Labsolu était vraiment quelque chose d’étonnant. Autre collaboration étonnante, celle d’Aurélien Ducoudray et de Guillaume sur The Grocery. Comment vous êtes-vous rencontrés ?

GS : L’univers de The Grocery, c’est quelque chose que j’avais déjà développé de façon personnelle à l’époque où je matais The Wire. J’aimais bien dessiner des sortes de p’tits puppets comme ça, alors je me suis amusé à faire des p’tites scénettes, des p’tits perso’, et Aurélien est tombé sur mon site où j’avais posté des trucs, et il m’a dit : « bah tiens, c’est marrant, on a exactement les même références niveau séries, films, et tout ; si tu veux, j’ai une histoire à te proposer. »  Et voilà : ça c’est fait super-simplement. C’était cool, vu qu’on était tous les deux fans de la série, on avait les même idées, on savait déjà où on voulait aller, quelle ambiance on avait… et puis, il avait déjà bien craqué sur le style de mes p’tits perso qui se mélangeraient à une histoire réaliste.

 

Run : C’est ce décalage qui m’a décidé à 200%.

GS : A la fois, ça détend un peu l’atmosphère, ça donne un univers un peu plus léger, et en même temps, quand c’est violent ou quand c’est triste, ça l’est peut-être d’autant plus que si c’était traité de manière réaliste. Tu vois, la scène du cimetière, où il part en pleurant, avec des perso réalistes, ça aurait peut-être été trop larmoyant ou plus misérable, alors que là y a un peu plus d’intensité.

[De là, s’engage une longue conversation sur Meet The Feebles, Peter Jackson, les vidéoclubs, les VHS, et Jacques Pradel… que je vous épargnerai, NDLR]

Pk : Tu pars sur combien de tomes ?

GS : C’est prévu en trois tomes, et j’essaye d’aller assez vite, donc si ça pouvait sortir en septembre l’année prochaine, ça pourrait être carrément bien.

Pk : Par rapport aux déferlements de violence qu’on peut voir chez tes deux collègues, toi, Mathieu, avec ton album super-joli et poétique, t’es un peu le gentil du groupe, non ?

Run : Attends de voir le prochain Doggy Bags, héhé !

MB : Ouais, j’ai peut-être l’air gentil à coté d’eux, mais dans Doggy Bags, je me rattrape carrément. Ce sera tiré d’un fait divers américain qui s’est réellement passé, bien sordide, et tout… un huis clos avec une grosse montée en puissance. De toute façon, c’est une histoire qui pouvait se passer qu’aux Etats Unis, parce qu’ils sont complètement névrosés ces gars-là !

Pk : J’en salive ! Et qui sera sur les autres histoires ?

Run : Ozanam, l’auteur de We Are The Night, et notre p’tit Blacky [Singelin, NDLR]  avec moi au scénar’ ! Ca va commencer sur un parking de supermarché, avec des mecs genre minutemen, tu vois, qui surveillent la frontière américano mexicaine de manière radicale et super-hardcore… des pourris quoi ? Et après, on part sur le truc du chasseur-chassé, ils vont se retrouver devant un truc un peu surnaturel, et la situation va se retourne… Moi, j’ai amené mes p’tites idées surtout sur la configuration de base, parce que j’avais une idée bien précise de l’ouverture, mais après, je laisse la liberté à Blacky : sur les scènes d’action, il va tout déchirer !

 

Pk : Prévu pour quand ?

Marie [attachée de presse qui cartonne] : Mars !

Pk : Vivement ! D’autres suivront ?

Run : Oh oui, bien sûr ! Le premier, j’avoue, c’était un test, parce que c’était un peu compliqué à mettre en place, mais maintenant, c’est cool, ça roule. On a booké des mecs jusqu’au trois pour l’instant !

Pk : Hé bien, encore de belles choses en vue sous le Label 619… et beaucoup de taf ! Je ne vous retiens donc pas plus longtemps, les gars, et vous remercie pour cette discussion bien agréable.

* La Belle Mort, de Mathieu Bablet (One-shot).
* The Grocery, de Singelin & Ducoudray (1 tome sur 3).
* Mutafukaz, de Run (3 tomes sur 4).
* Doggy Bags, avec Run, Singelin, Bablet, Maudoux, Ozanam… (bientôt 2 tomes sur plein).

* Label 619 : le site.

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