Messieurs, si vous vous demandez comment séduire de jeunes et jolies jeunes femmes sur les plages pendant l’été, vous pouvez oublier tout de suite le look tongs/bermuda/T-shirt de surfeur. Non, pour faire fantasmer les nymphettes, cette année, la tenue qu’il vous faut, c’est sandales/robe de bure/cape…
C’est du moins ce que l’on peut conclure du nouveau film de Dominik Moll, Le Moine, adaptation du roman éponyme de Matthew G. Lewis (1)…

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On y voit Vincent Cassell  revêtir l’habit d’un moine capucin du XVIIème siècle et envoûter successivement de ses prêches moralisateurs les très belles Deborah François et Joséphine Japy, avec qui il va commettre quelques péchés charnels. Ah, le saligaud… Monica Bellucci ne lui suffit plus? Il pourrait en laisser aux autres, quand même…

Bon, trêve de plaisanterie, Le Moine n’est pas franchement un film amusant, loin de là, c’est une oeuvre sombre et désespérée, qui brasse des thèmes comme la pédophilie, l’inceste, le viol, la torture, la sorcellerie…

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Le personnage central, Ambrosio a été abandonné, encore nourrisson, à la porte d’un couvent espagnol. Elevé par les frères, il est finalement devenu le plus zélé d’entre eux, prêchant avec ferveur et faisant régner l’ordre moral avec autorité, avec des conséquences fâcheuses pour les fidèles pris en faute. Il est animé par une foi qu’il pense inébranlable et se croit à l’abri de toute tentation.
Pourtant, dès l’introduction du film, une scène de confession où un gentilhomme avoue des viols pédophiles répétés sur sa nièce, on le sent vaciller face au plaisir pervers que semble prendre l’individu en lui racontant ses exactions. Il a beau se persuader que  “Satan n’a que le pouvoir qu’on veut bien lui donner” le mal vient de s’infiltrer dans  la brèche et le film raconte comment ce moine vertueux va peu à peu s’abandonner à la tentation et commettre les pires péchés.

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Tout commence quand un mystérieux novice débarque au monastère. Rosario,  porte constamment un masque et semble doué d’étranges pouvoirs, notamment le soulagement des douleurs par l’apposition des mains. Et il nourrit de troubles sentiments pour frère Ambrosio, entre idolâtrie et désir…
Dans le même temps, Ambrosio est irrésistiblement attiré par la jeune Antonia, une fidèle venue lui demander son aide pour aider à la guérison de sa mère, gravement malade.
Le moine vertueux a beau lutter, le Mal s’insinue en lui tel le venin de la scolopendre qui l’a mordu, la nuit, dans sa roseraie…
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On devine que c’est cela qui a intéressé Dominik Moll. L’intrusion, dans un microcosme paisible d’un élément extérieur à la fois fascinant et dangereux, pervertissant les personnages les plus vertueux, les plus sages, les plus heureux.
C’est le thème majeur de son oeuvre : Dans son premier film, Intimité, une jeune femme apparemment heureuse et épanouie était poussée par sa meilleure amie à prendre un amant et quitter son mari. Le principe était encore exploité, en plus angoissant, dans Harry un ami qui vous veut du bien, où le personnage incarné par Sergi Lopez, d’abord amical et jovial, se révélait de plus en plus malfaisant au gré des minutes, poussant le couple modèle joué par Laurent Lucas et Mathilde Seigner à dévoiler une part sombre de leur personnalité. Et c’était aussi le coeur de Lemming, dans lequel un couple était perturbé par la présence de deux autres personnages inquiétants, ainsi que par la découverte d’un lemming mort dans leur évier…
Ces trois films, bien qu’appartenant à des genres très différents – drame intimiste, thriller, fantastique – reposent sur des thématiques communes autour du désir, de l’innocence et de la perversion, et peuvent tous trois être appréhendés d’un point de vue psychanalytique.

C’est encore le cas ici, même si le récit flirte plus ouvertement vers le surnaturel, pour coller à l’aspect faustien du roman original. Le film brasse beaucoup de thèmes chers à la psychanalyse, du complexe d’Oedipe à la quête identitaire, et l’on peut aussi sérieusement se demander si le moine cède vraiment à un démon venu le manipuler où s’il ne fait que laisser s’exprimer ses propres pulsions, trop longtemps refoulées…

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D’ailleurs, d’un point de vue formel, le cinéma de Dominik Moll flirte plus que jamais avec celui de son idole, David Lynch, auquel de nombreux éléments font penser. A commencer par le masque étrange de Rosario, qui rappelle (un peu) celui porté par le petit garçon de la Black Lodge dans Twin Peaks Fire walk with me.
Cependant, il y a encore une nette différence de niveau entre les deux cinéastes. Alors que les puzzles lynchiens sont tortueux et complexes à souhait, le film de Dominik Moll pèche par son manque d’ambiguïté. Et tandis que  le cinéaste américain réussit systématiquement à nous traumatiser avec des scènes d’anthologie, le réalisateur de Lemming ne parvient jamais à nous entraîner dans son étrange histoire.

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Les  acteurs ne sont pas en cause. Vincent Cassel parvient à bien montrer la lutte intérieure du moine contre les/ses démons, Géraldine Chaplin est glaçante en mère supérieure intraitable avec les écarts faits à la morale, Catherine Mouchet a toujours la foi (mais non, elle ne joue pas une nonne…), Deborah François est une envoûtante sorcière et Joséphine Japy inspire très certainement le désir (argh… je crois que Satan m’habite (2)… Oups, désolé, on avait dit qu’on restait sérieux… J’le ferai plus…).
Le problème vient plus, d’une part, de la mise en scène, qui verse trop souvent dans l’outrance, et d’autre part du scénario, qui “édulcore” (si on peut parler ainsi) la fin du roman, beaucoup plus sombre et nihiliste que ce que l’on voit à l’écran.

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Le résultat est donc mitigé, mais à la décharge du cinéaste, l’adaptation de ce roman est loin d’être chose aisée, de par les thèmes abordés et le côté volontairement stéréotypé des protagonistes (le roman était une charge anticléricale évidente). Même le grand Luis Bunuel (3) n’a pas réussi à en tirer quelque chose de correct (cela dit, il n‘a pas mis en scène lui-même son scénario, abandonnant la réalisation à son confrère surréaliste Ado Kyrou).
Il ne fallait donc pas Satan…dre à des miracles.
Oups, on avait dit sérieux… Ah, il est temps de conclure avant de laisser le démon des jeux de mots me posséder complètement…

(1) : “Le Moine” de Matthew G. Lewis – éd. Actes Sud
(2) : A ma euh.. décharge, la vanne a été utilisée par Jean-Pierre Mocky dans la bande-annonce de son Miraculé. “Je crois que Satan m’habite. C’est pour ça que je me Con Fesse”…
(3) : Avec l’aide de son complice Jean-Claude Carrière.

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Le Moine Le Moine
Le Moine

Réalisateur : Dominik Moll
Avec : Vincent Cassel, Deborah François, Joséphine Japy, Catherine Mouchet, Géraldine Chaplin, Sergi Lopez
Origine : France
Genre : Satan bouche un coin
Durée : 1h41
Date de sortie France : 13/07/2011
Note pour ce film :

contrepoint critique chez : Libération

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