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Lilas (Lola Bessis) est une jeune artiste française qui est partie s’installer à New York pour échapper à l’ombre écrasante de sa mère (Anne Consigny), figure reconnue de l’art abstrait, qui expose dans les plus prestigieux musées du monde.
Hélas, son escapade lui a juste permis de rencontrer un peintre new age, sorte de gourou régnant sur une communauté d’artistes aussi frappés les uns que les autres. Fatiguée de servir de modèle – nue et saucissonnée façon bondage – à ce fou furieux, elle part se réfugier auprès d’une copine barmaid, qui négocie pour elle le droit de squatter quelques jours chez Leeward (Dustin Guy Defa).
Lui est musicien. Il compose ses ballades folk à l’aide des jouets musicaux de sa fille Rainbow (flûte-piano, mini-piano, xylophone et globe musical…). En bon altermondialiste opposé au diktat capitaliste, il refuse de compromettre commercialement ses oeuvres, et a bien du mal à vivre de son art.

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C’est son épouse, Mary (Brooke Bloom) qui trime chaque jour pour rapporter de quoi nourrir le foyer et payer les charges. Et elle commence à fatiguer de cette vie de galère. Elle aime son conjoint, comprend ses idéaux, mais se dit qu’il est peut-être temps pour lui de lâcher un peu de lest pour devenir un père responsable, soucieux des intérêts de sa famille. Elle en a assez de tous les copains artistes qui viennent faire la fête à la maison, des filles qui squattent le salon gratuitement,… Elle rêve de déménager dans une maison plus grande, dont ils pourraient être propriétaires. Elle sait que Leeward a des opportunités de travail très rémunératrices, comme cette proposition d’écrire la musique d’une publicité. Evidemment, son homme hésite – la pub va à l’encontre de ses principes – mais elle entend bien le faire plier.

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Seul problème : l’irruption de Lilas dans leur vie. La jeune artiste partage les mêmes idéaux bohème que Leeward. Alors qu’elle conçoit un audacieux dispositif vidéo pour tenter sa chance dans un grand musée newyorkais, elle l’encourage à enregistrer ses propres albums. Une perspective bien plus réjouissante que d’enregistrer une publicité…

Swim little fish swim est une jolie comédie douce-amère sur la vie d’artiste et ses contraintes, sur la difficulté de rester fidèle à ses idéaux généreux et collectivistes dans un univers aussi matérialiste et individualiste, sur les choix que l’on est amené à faire, les compromis nécessaires entre ses aspirations personnelles et le bien-être de ses proches…
C’est aussi un film sur la difficulté de vivre dans l’ombre d’une mère célèbre – cette fameuse Mummy qui expose au MoMa. Une problématique que connaît sans doute bien l’actrice/réalisatrice Lola Bessis, fille de l’animatrice télé Daniela Lumbroso, qui a dû se frayer seule un chemin vers la carrière d’actrice et est elle aussi partie à New-York pour y trouver l’inspiration… et l’indépendance.

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“Indépendance”. Le mot n’est ici pas galvaudé.
Le film traite bien d’indépendance, sous toutes ses formes. Indépendance artistique, indépendance vis-à-vis des contraintes économiques, indépendance vis-à-vis des autres, des parents. Indépendance vis-à-vis du système hollywoodien, également, car Lola Bessis et son compagnon Ruben Amar ont conçu ce film en dehors des circuits de production habituels et se sont attelés à retrouver l’essence du cinéma newyorkais indépendant des années 1970/1980. Sans vouloir faire de comparaisons écrasantes, Swim little fish swim évoque les premiers films de John Cassavetes ou de Spike Lee, le Coffee & cigarettes de Jim Jarmusch. On pense aussi, chez les cinéastes contemporains, aux frères Sadfie ou à Peter Sollett. Des cinéastes qui, comme eux, s’emploient à filmer les villes sous d’autres angles. New-York, ici, n’est pas représentée par ses gratte-ciel et ses avenues gigantesques, mais est dépeinte comme une ville solaire et bouillonnante, un véritable creuset créatif, où de nombreux artistes cohabitent, s’inspirent, s’entraident. Peu deviendront célèbres, mais ils vivent leur passion jusqu’au bout, loin des contraintes.

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Célèbres, on espère que les deux auteurs de ce joli premier film le deviendront un jour. Ils le mériteraient assurément, car ils possèdent un talent certain pour le cinéma. On peut évidemment leur reprocher quelques erreurs de jeunesse, mais leur style est déjà bien affirmé.
On n’est pas prêt d’oublier la petite musique (au sens propre comme au figuré) de ce film singulier, riche en émotion et vecteur de valeurs essentielles.

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Swim little fish swim

Réalisateurs : Lola Bessis, Ruben Amar
Avec : Dustin Guy Defa, Brooke Bloom, Lola Bessis, Anne Consigny, Makeda Declet, Olivia Costello
Origine : France, Etats-Unis
Genre : film arty indépendant
Durée : 1h40
Date de sortie France : 04/06/2014
Note pour ce film :
Contrepoint critique : Le Journal du Dimanche

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