Shield of strawUne jeune fille est retrouvée morte, violée et assassinée. Les tests ADN sont formels : elle a été agressée par un prédateur sexuel, fiché pour des forfaits similaires.
La police le recherche, mais est prise de court par l’initiative du grand-père de la victime, un richissime homme d’affaires qui offre un milliard de yens à quiconque lui apportera la tête du criminel.
Déjà compliquée, la situation du fugitif devient intenable. Le jeune homme se retrouve menacé par ses plus proches amis, prêts à le tuer pour empocher le pactole.
Il se livre alors au commissariat le plus proche. Bon c’est un peu idiot, vu qu’il va être de toute façon condamné à mort pour son crime barbare… Mais admettons… Le type préfère peut-être mourir “en douceur”, par la voie officielle, plutôt que zigouillé salement et lentement au coin de la rue, par n’importe quel quidam alléché par la prime promise.
Les directeurs de la police, soucieux de leur image, forment une brigade d’élite, composée de cinq flics réputés incorruptibles, pour protéger le suspect jusqu’à sa comparution au tribunal. Leur tâche va être compliquée, car la somme offerte pour la mort du prisonnier ferait craquer n’importe quel citoyen… et n’importe quel flic.

Disons-le tout de go, pour avoir une possibilité d’apprécier le nouveau film de Takashi Miike, il faut déjà gober cette idée de départ, totalement improbable.
Mais une fois admise l’énormité de la situation, on peut se laisser aller à un récit plutôt bien mené, haletant et riche en rebondissements.
Car évidemment, le trajet du commissariat jusqu’au tribunal, à Tokyo, va être semé d’embûches, malgré l’ampleur du dispositif, ou plutôt à cause de l’ampleur du dispositif. Les cinq flics incorruptibles vont  devoir calmer les ardeurs de la population, mais aussi des collègues policiers qui les entourent, au cours d’un périple en fourgon, en train, en voiture, et pour finir, à pied.
Ils vont aussi devoir trouver qui, parmi eux, est le traître qui renseigne le milliardaire sur leur position… Ambiance…

Il faut prendre Shield of straw pour ce qu’il est : une série B au scénario délirant, façon manga (1), un film d’action mené tambour battant qui aurait gagné à être présenté à Cannes en séance de minuit plutôt qu’au sein de la très sérieuse compétition officielle, où il fait évidemment pâle figure comparé aux films de Farhadi, des frères Coen et consorts…

Shield of straw - 3

Mais on peut comprendre les raisons qui ont poussé les sélectionneurs du Festival à l’inclure à la programmation. Car derrière l’apparence clinquante du film de genre, Takashi Miike continue de développer sa thématique autour de l’honneur, entamée avec ses films de samouraï, et notamment Hara-Kiri. Il met en scène des personnages psychologiquement torturés, complexes, ambigus, mis à l’épreuve par cette énorme somme d’argent qui pourrait être la leur en éliminant un salaud de la surface du globe. Les personnages sont forcés de se poser la question : cela vaut-il la peine de risquer sa vie pour protéger un criminel brutal, qui n’éprouve aucun remords pour ses viols et meurtres? Ne vaut-il pas mieux tuer cette ordure, qui, de toute façon, va être condamné à mort, et empocher au passage ce qu’ils ne gagneront jamais en toute une vie de labeur? Il ne fait nul doute que ce sont ces questionnements moraux qui ont intéressé Takashi Miike. Et la possibilité de filmer une spectaculaire course-poursuite sur l’autoroute, une fusillade dans un TGV et autres moments de bravoure déjantés dont il a le secret.

Alors, non, ce n’est pas très crédible. Non, ce n’est pas un modèle de finesse. Et non, ce n’est pas le film de l’année, loin de là. Mais on a envie d’être indulgent avec ce film, quand même bien plus fun et bien plus fin que certains thrillers hollywoodiens. Pour un prix au palmarès, c’est une autre histoire…

(1) : Le film est tiré d’un manga de Kazuhiro Kiuchi

Notre note : ●●

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Rédacteur en chef de Angle[s] de vue, Boustoune est un cinéphile passionné qui fréquente assidument les salles obscures et les festivals depuis plus de vingt ans (rhôô, le vieux...) Il aime tous les genres cinématographiques, mais il a un faible pour le cinéma alternatif, riche et complexe. Autant dire que les oeuvres de David Lynch ou de Peter Greenaway le mettent littéralement en transe, ce qui le fait passer pour un doux dingue vaguement masochiste auprès des gens dit « normaux »… Ah, et il possède aussi un humour assez particulier, ironique et porté sur, aux choix, le calembour foireux ou le bon mot de génie…

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