Après deux comédies très sympathiques, à défaut d’être inoubliables, Richard Berry s’était frotté avec bonheur au polar avec La Boîte noire, un thriller psychologique complexe, avec José Garcia et Marion Cotillard.
Il y revient en adaptant « L’immortel », le roman de Franz-Olivier Giesbert (1). Une histoire de règlement de comptes entre truands, inspirée de la rivalité meurtrière entre Jacky Imbert, dit « le mat » (2) et Tony Zampa, deux figures du « milieu » marseillais, avec son lot de trahisons, de vengeances, et qui traite des thèmes de la loyauté, la famille et l’honneur, la Sainte-Trinité des truands…
Une trame suffisamment dense pour donner matière à une nouvelle réussite…

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Mais, dès les premières images, on émet quelques craintes quant à la mise en scène : des mouvements de caméra inutilement alambiqués suivent le véhicule dans lequel le personnage principal, Charly Mattei (Jean Reno), un ancien parrain marseillais retiré des affaires se rend à son domicile. Un air de « La Tosca » s’échappe de l’autoradio. Lorsque le véhicule se gare dans le parking – et que l’aria atteint son apogée – Mattei est flingué – au ralenti, s’il vous plaît – par un groupe de truands, et laissé pour mort. Violence gratuitement esthétisée, recyclant bêtement de vieux clichés du genre…

La suite est encore plus agaçante. Encore en vie, Mattei est emmené à l’hôpital. Le montage nous montre comment les médecins tentent de le sauver et, en parallèle, nous présente les différents protagonistes : Tony Zacchia (Kad Merad), ami de Mattei mais aussi commanditaire de l’assassinat, Marie Goldman (Marina Foïs), la femme-flic chargée de l’affaire, Martin (Jean-Pierre Darroussin), l’avocat et ami de Mattei, et bien d’autres encore… On comprend la démarche de Richard Berry : poser rapidement les bases du récit pour entrer dans le vif du sujet, une fois que Mattei sera tiré d’affaire. Le problème, c’est que cette alternance de scène un peu trop rapide s’avère vite assez confuse, et le choix de rajouter à ce séquençage déjà surchargé quelques souvenirs – couleur sépia – du truand n’arrange rien à l’affaire…
Bref : montage speed et esthétique toc, on va droit dans le mur.

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Mais heureusement, dès que l’intrigue se focalise exclusivement sur le présent, avec un Mattei revanchard tentant de retrouver ceux qui ont essayé d’avoir sa peau, le film adopte une structure plus classique, plus posée.
Richard Berry semble se souvenir, enfin, des leçons des cinéastes rôdés au thriller avec lesquels il a pu tourner, les Bob Swaim, Alexandre Arcady et Gilles Béhat. Sa mise en scène, même si elle reste encombrée, ça et là, de quelques tics gênants, se fait plus efficace et le film gagne en intensité narrative.
Les meurtres sanglants se succèdent avec une régularité de métronome, mais la réalisation évite cette fois de céder à la tentation de l’esthétisation. Ce sont des éclats de violence cruels, qui mettent un terme à des destins déjà scellés depuis longtemps, dès l’entrée de ces hommes au service du crime organisé, en fait. Et qui font aller crescendo la tension régnant entre les deux clans, celui de Mattei et celui de Zacchia…
Mais si le rythme ne faiblit pas, Berry prend aussi le temps de s’intéresser à ses personnages, notamment à son personnage principal. Du coup, les acteurs ne ratent pas cette opportunité d’imposer leur jeu, leur présence, et contribuent alors à la relative réussite de l’œuvre.

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Il y a déjà Jean Reno, dont la carrure imposante, le visage marqué et le charisme naturel, déjà appréciés dans de nombreux polars – Léon, de son ami Luc Besson ou Le Premier cercle, de Laurent Tuel, entre autres – fait une nouvelle fois merveille ici. Le rôle, plein de nuances, permet à l’acteur de montrer toutes les facettes de son talent, de la force brute, physique, à la sensibilité.
On retrouve également Marina Foïs, plutôt convaincante en femme-flic tourmentée par la perte de son mari, policier lui-aussi et tué dans l’exercice de ses fonctions ; Jean-Pierre Darroussin, parfait en avocat veule, à la loyauté incertaine ; et Kad Merad, nettement moins crédible, lui, en parrain haineux, migraineux et bègue (d’ailleurs, il perd son bégaiement de façon assez inexplicable au cours du film. Si quelqu’un pouvait nous expliquer, ce serait sympa…)

Mais le film doit surtout beaucoup aux seconds rôles, très soignés. Richard Berry, acteur à la base, sait tirer le meilleur de ses comédiens, qui s’en donnent à cœur-joie dans ces rôles de truands et de salauds : Moussa Maaskri, Dominique Thomas, Martial Bezot, Daniel Lundh, Luc Palun, Carlo Brandt, Joeystarr en taulard vicieux et Venantino Venantini en vieux parrain plein de sagesse…

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Au final, L’immortel laisse une impression plutôt positive. De quoi nourrir quelques regrets quant à cette entrée en matière médiocre, qui semble un peu trop lorgner du côté des maîtres italo-américains, Scorsese et Coppola en tête, sans être, évidemment, à la hauteur.
Il y a toujours eu de l’idée, de l’envie et de l’énergie dans le cinéma de Richard Berry, et la même propension à se disperser un peu trop. Mais si, pour ses trois derniers films, on mettait cela sur le compte de l’inexpérience, et on l’excusait volontiers, on attend aujourd’hui un peu plus de rigueur de la part d’un cinéaste désormais confirmé.
On espère que le cinéaste saura tirer un enseignement de ses petites erreurs et nous offrir très prochainement un film vraiment abouti et maîtrisé.

(1) : « L’immortel » de Franz-Olivier Giesbert – coll. Policiers – éd. J’ai lu
(2) Jacky le mat a bien échappé miraculeusement à une tentative d’assassinat commandité par Tony Zampa, en 1977, malgré les 22 ( !) balles reçues. S’en est ensuivi une série de règlements de comptes sanglants et la chute de Zampa. Mais, à la différence de Charly Mattei qui, dans le film, range définitivement les flingues pour s’occuper de sa famille, Jacky Imbert ne semble pas vraiment être rentré dans le rang. Il a en effet exercé ses activités criminelles jusqu’à la fin des années 1980, mais on le soupçonne d’avoir aidé son ami Francis le Belge dans diverses affaires criminelles et il a été condamné, en 2006, à une peine de prison pour extorsion de fond… Assagi, peut-être, mais toujours virulent…

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L'immortel L’immortel
L’immortel

Réalisateur : Richard Berry
Avec : Jean Reno, Kad Merad, Marina Foïs, Jean-Pierre Darroussin, Joeystarr, Richard Berry, Moussa Maaskri
Origine : France
Genre :  Le Parrain, version pastis
Durée : 1h55
Date de sortie France : 24/03/2010

Note pour ce film : ●●●○○○

contrepoint critique chez : Excessif
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2 COMMENTS

  1. Oui, charisme… J’assume…
    1) Le bonhomme possède une présence physique indéniable. Si tu l’avais déjà eu en vrai en face de toi, tu comprendrais…
    2) C’est Messire Godefroy de Montmirail, s’il-te-plaît! Et Léon, le nettoyeur, alors fais gaffe à ce que tu dis…
    3) Ce n’est pas parce que c’est un copain de Sarko qu’il faut lui taper dessus…
    4) Ce n’est pas parce que c’est le copain de Luc Besson qu’il faut lui taper dessus…
    5) C’est loin d’être un mauvais acteur…
    … après on aime ou pas…

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