Après une pause musicale, le cinéma a retrouvé ses droits à L’Etrange Festival, pour cette cinquième soirée…
A voir les titres au  programme (Délivrez-nous du mal, Le Dernier exorcisme), on pouvait s’attendre à voir débarquer une armée de prêtres équipés de crucifix mastocs et prêts à liquider du démon.

le dernier exorcisme - 2

En fait, ce n’est pas tout à fait exact… Si Le Dernier exorcisme est bien une variante du célèbre film de William Friedkin, juste agrémentée (façon de parler…) d’une approche documenteuse façon Le Projet Blair Witch (ouais!), Cloverfield (mouais…) ou Paranormal activity (pweehhh!), le personnage principal n’est pas un véritable homme d’Eglise animé par une foi pure et un sens du sacrifice, non… C’est un prédicateur/charlatant qui doute de l’existence de Dieu comme de celle des démons de l’Enfer… Quant à la victime, on doute également jusqu’au bout de la nature de son mal étrange… Je ne développe pas plus, car la critique complète suivra très prochainement sur le site. Disons juste que le film fonctionne plutôt bien pendant une heure avant de gâcher son beau concept avec des tics de mise en scène agaçants, hérités du film de Friedkin, qui décrédibilisent le récit, et une fin assez ridicule qui retombe dans les travers habituels de ce type de pseudo-documentaire horrifique. Et c’est quand même bien mieux que Paranormal activity… 

Daniel Stamm (réalisateur) et Eli Roth (producteur) du Dernier Exorcisme

Quant à Délivrez-nous du mal, il ne s’agit pas du tout d’une histoire d’exorcisme, mais d’un polar très noir, assez sauvage, dans la lignée des Chiens de paille de Peckinpah. Ole Bornedal nous convie dans un petit bled paumé au fin fond du Danemark, entre péquenauds imbibés et bigots luthériens. Un simple accident de la route, la lâcheté du chauffard et la présence au village d’un coupable idéal, un étranger ayant fui l’ex-Yougoslavie en guerre vont faire basculer bon nombre d’habitants dans l’hystérie et la barbarie. L’oeuvre est très âpre car chacun des personnages, même les plus positifs, se retrouvent confrontés à leur part d’ombre, leur violence intérieure. Ici, pas de gentils ou de méchants, juste des victimes, des gens simples confrontés à un déchaînement de violence qui les dépasse…
Malgré une interprétation pas toujours très inspirée, il s’agit d’un bon film qui confirme , après Just another love story, un autre thriller particulièrement habile, le retour au premier plan d’Ole Bornedal…

Délivrez-nous du mal - 2

Du noir d’un côté, du bleu de l’autre, avec Les Gauloises bleues et A l’ombre de la canaille bleue, deux films n’ayant aucun rapport l’un avec l’autre, si ce n’est une certaine poésie et le fait de comporter Jean-Pierre Kalfon dans leur distribution.
Le premier, signé Michel Cournot et sorti en 1968, mêle passé, présent et futur, réalité et imaginaire : un homme, attendant que sa femme accouche de leur premier enfant, se remémore sa jeunesse et imagine ce que sera l’avenir de son fils.
Le second est un “poème cinématographique” tiré d’un texte d’Achmi Gahcem et réalisé par Pierre Clément entre 1978 et 1985. Il suit la descente aux enfers d’un homme plongé dans un univers de drogue, de sexe, de violence et de mort, et poursuivi par une police parallèle dans un Paris populaire méconnaissable.
Ce film était conçu par son réalisateur comme une oeuvre en perpétuelle évolution. Il a notamment été sonorisé “en direct” lors d’une projection réunissant spectateurs, acteurs et musiciens. Une curiosité qui a évidemment toute sa place à L’Etrange Festival.

Egalement au programme, la suite de la compétition de courts-métrages, la suite, également, de la carte blanche à Jodorowsky (avec Aftermath de Nacho Cerda et L’inconnu de Tod Browning), et le début de l’hommage à Mimsy Farmer, avec la présentation de La route de Salina, une oeuvre atypique dans la carrière de George Lautner.

Citons également la projection d’un court-métrage passionnant, The Delian mode, portrait d’une pionnière de la musique électronique, Delia Derbyshire, qui faisait des composition assez incroyable à une époque où n’existaient ni synthétiseurs, ni ordinateurs. On lui doit notamment le   thème de la série télé “Dr Who”.

Rammbock

Pour clore la soirée, le public avait droit à une thématique spéciale “chair humaine”, avec, au choix, les cannibales mexicains de Nous sommes ce que nous sommes, brûlot sanglant sur l’exclusion sociale, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs cette année, et les zombies teutons de Rammbock.
Ayant déjà vu le film mexicain – bancal et inégal – à Cannes, j’ai pu découvrir le curieux film de zombies de Marvin Kren. Un film assez court mais dense et efficace, qui fait la part belle au romantisme et à la montée de la tension à huis-clos qu’à la surenchère gore et aux attaques de créatures avides de chair fraîche… Une réussite qui prouve, après Shaun of the dead et [Rec], que le renouvellement du genre passe par l’audace des cinéastes européens…

A demain pour la suite de ce beau voyage dans le fascinant monde de l’étrange…

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