A 75 ans passés et plusieurs récompenses prestigieuses dans son escarcelle – dont une Palme d’or obtenue en 2006 – Ken Loach n’a plus grand chose à prouver. Si ses films continuent d’être ancrés dans le réel, avec un contexte social toujours très marqué, le cinéaste britannique peut désormais s’autoriser un peu plus de légèreté, et  réaliser des pures comédies.
Ce fut le cas il y a trois ans avec son Looking for Eric, amusante satire sociale autour d’un supporter de football fan d’Eric Cantona. Et c’est également le cas de son nouveau film, La Part des anges, comédie pur malt qui confronte de jeunes gens issus de classes populaires, un brin paumés, à l’univers autrement plus guindé des collectionneurs de whiskies millésimés. 

Le film s’ouvre fort logiquement dans les vapeurs d’alcool, avec un garçon complètement ivre qui déambule sur la voie ferrée, dans une gare écossaise. Il échappe miraculeusement à la collision avec un train, mais se retrouve illico face au juge, qui le condamne à des travaux d’intérêt général. D’autres jeunes gens, désoeuvrés ou petits délinquants, sont déférés devant le juge et condamnés à la même peine.
Parmi eux, on trouve Robbie (Paul Brannigan). Le jeune homme l’a échappé belle. Déjà fiché pour une agression gratuite et particulièrement violente, il a récidivé en rendant plus que coup pour coup à des voyous qui l’avaient provoqué. Le juge était à deux doigts d’expédier Robbie en prison pour le calmer, mais il s’est laissé convaincre par les arguments du garçon qui, sur le point d’être père, entend bien renoncer à la violence et devenir un citoyen ordinaire.

La Part des anges - 2

Le problème, c’est qu’avec sa tête balafrée et sa mauvaise réputation, il n’est pas aisé pour lui de trouver du boulot, surtout au fin fond de l’Ecosse… Et les voyous rivaux ne rêvent que de lui faire la peau à la première occasion. Robbie doit donc partir d’ici, et vite…
La chance de sa vie, c’est Harry (John Henshaw) qui va la lui donner. L’homme est éducateur et est chargé d’encadrer le groupe lors des travaux d’intérêt général. Il sait se montrer à la fois ferme et compréhensif avec les jeunes, trouve les mots pour les apaiser, les conseiller, canaliser leur colère… 
Quand Robbie apprend que sa femme est sur le point d’accoucher, Harry n’hésite pas à délaisser le reste du groupe pour l’accompagner à la clinique, et il invite le jeune papa à célébrer l’évènement comme il se doit, autour d’une excellente bouteille de whisky. Une initiation pour Robbie, qui ne buvait jusqu’alors que des bières et des sodas. Et une révélation… 
Passé la première impression désagréable laissée par la brûlure de l’alcool fort, il découvre d’étonnantes sensations gustatives et olfactives.
Heureux d’avoir pu faire découvrir quelque chose de nouveau à son protégé, Harry emmène tout le groupe à une visite de distillerie. Au cours de la visite, Robbie réalise qu’il possède un don pour décrypter les arômes et les saveurs, et que ce don pourrait lui ouvrir de nouveaux horizons professionnels…

La Part des anges - 2

Mais comme il est pressé de commencer sa nouvelle vie, Robbie est obligé de forcer le destin. Quand il apprend qu’une barrique de whisky d’exception va être mise en vente aux enchères, il décide, avec le reste du groupe, de monter une combine pour subtiliser le divin nectar et le remplacer par un whisky de moins bonne qualité. Il pense que les acheteurs ne sauront pas faire la différence entre un bon whisky et un whisky d’exception. Son objectif est de pouvoir revendre les précieuses bouteilles à de riches collectionneurs et de toucher un pactole lui permettant de démarrer sa nouvelle vie.
  
Réussira-t-il son coup? Réponse au terme d’un amusant périple dans les Highlands – en kilt et sans caleçon, comme le veut la tradition…

Disons-le franchement, La Part des anges n’est pas un film majeur dans la carrière de Ken Loach. Trop léger et pas assez percutant, il reste assez loin de chefs d’oeuvres comme Raining stones ou Ladybird et on ne comprend toujours pas pourquoi le jury de Nanni Moretti  lui a donné le Prix du Jury du dernier festival de Cannes.  Mais rassurez-vous, il reste suffisamment de matière pour donner une oeuvre tout à fait regardable, et plus si affinités.

Un peu moins appuyé que d’ordinaire, l’aspect social du film reste tout de même très présent. Le cinéaste britannique permet à des “petits”, des marginaux, des “sans-grade” de jouer un mauvais tour aux puissants, aux élites qui dépensent des fortunes pour des futilités quand des milliers de familles vivent sous le seuil de pauvreté. Il s’amuse et nous amuse avec les tribulations de cette troupe de pieds-nickelés qui évoquent un peu, en version écossaise, les cambrioleurs amateurs du Pigeon  de Monicelli. La démarche est ici la même : traiter de problèmes de société à l’aide d’une farce joliment rythmée.

La Part des anges - 3

Par ailleurs, les comédiens sont tous épatants et confirment autant le flair de Loach pour dénicher de nouveaux talents que la justesse de sa direction d’acteurs.
Parmi la joyeuse troupe, on avoue un petit faible pour le jeune voyou incarné par Gary Maitland, probablement l’un des délinquants les plus idiots du Royaume-Uni. Il nous a fait rire de bon coeur lors d’une scène où il découvre les méfaits du port traditionnel du kilt – sans caleçon, donc – pour une partie sensible de son anatomie…

Tout ceci fait de La Part des anges une comédie souvent irrésistible, enivrante (c’est de circonstance), et à l’énergie communicative. En ces temps de crise économique et sociale, de rigueur, de morosité ambiante, un peu de rire et d’optimisme, cela fait quand même sacrément du bien.

A voir après avoir dégusté un pur malt de 30 ans d’âge ou, vu la chaleur ambiante, une bonne bière ambrée écossaise…

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La Part des angesLa Part des anges
The Angels’ share

Réalisateur : Ken Loach
Avec : Paul Brannigan, John Henshaw, Gary Maitland, Jasmin Riggins, Roger Allam, Siobhan Reilly
Origine : Royaume-Uni
Genre : comédie enivrante 
Durée : 1h41

Date de sortie France : 27/06/2012
Note pour ce film :

contrepoint critique chez : Critikat
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