Après avoir incarné Mark Zuckerberg dans The Social network, Jesse Eisenberg hérite encore d’un personnage ambigu, misant sur le contraste entre son physique juvénile et l’intensité de son jeu, tout en intériorité.

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Dans Jewish connection, premier film de Kevin Asch, il joue le rôle de Sam Gold, un jeune homme de vingt ans sage et vertueux, élevé dans les préceptes religieux très stricts imposés par son milieu, une communauté juive orthodoxe new-yorkaise. Sa famille le destine à devenir rabbin. Il préférerait aider son père à tenir la boutique familiale, un commerce de tissus, pour l’aider à prospérer et offrir ainsi un meilleur niveau de vie à sa famille.
Il ambitionne aussi d’épouser la belle Zeldny, une fille du voisinage. Mais quand il fait sa demande en mariage, les parents de la jeune femme refusent de lui céder sa main. Sam met cette rebuffade sur le compte de la situation financière inconfortable de sa famille et se promet de tout faire pour se hisser socialement et atteindre son but.

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Aussi, quand Yosef Zimmerman (Justin Bartha) lui propose un job très bien payé, il n’hésite pas très longtemps.
Sa mission consiste à aller à Amsterdam, en Hollande et ramener dans ses valises des “médicaments” destinés aux new-yorkais fortunés…  Des “médicaments”, tu parles! : Yosef et son chef, Jackie Solomon (Danny A. Abeckaser) importent en fait illégalement des pilules d’ecstasy depuis la vieille Europe. Ils recrutent leurs mules parmi la communauté juive hassidique, misant sur la naïveté de recrues qui n’ont pas conscience de faire quelque chose d’illégal, et sur la crédulité des douaniers qui ne prennent pas la peine de fouiller ces passagers au-dessus de tout soupçon.
Sam comprend assez vite qu’il s’agit de trafic de drogues, mais il se laisse griser par l’argent facile et les perspectives offertes par ce travail particulier. Gagnant l’amitié de Jackie et l’affection de la petite amie de celui-ci, Rachel (Ari Graynor), il joue rapidement un rôle prépondérant dans l’expansion de ce petit trafic. Mais plus il  grimpe les échelons de l’organisation criminelle, plus il voit sa pureté, son innocence et sa foi fondre comme neige au soleil, l’entraînant vers les bas-fonds de son âme…

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Le film s’inspire d’un fait divers réel. En 2000, la police néerlandaise a bel et bien démantelé un réseau de trafiquants de drogues opérant entre New-York et Amsterdam et utilisant comme passeurs des jeunes gens recrutés dans la communauté juive ultra-orthodoxe de Williamsburg, souvent ignorants de la marchandise qu’ils transportaient. On estime que cette petite combine a permis, au cours des années 1990, de faire entrer des millions de pilules d’ecstasy sur le sol américain.

Cependant, ce n’est pas cet aspect criminel qui a intéressé le cinéaste. Avec son scénariste, Antonio Macia, il a jugé plus intéressant de se focaliser sur le personnage de Sam.
Son histoire est un beau récit initiatique, celui d’une émancipation payée au prix fort. Ce qui est saisissant, ici, c’est le fort contraste entre le milieu dans lequel évoluait jusqu’alors le jeune homme – une communauté très pieuse, vivant un peu repliée sur elle-même, et appliquant un code moral très strict – et celui qu’il découvre – voyages, fêtes nocturnes, sexualité débridée, drogues et alcool. Difficile de trouver un plus grand écart qu’entre ces deux univers… Pourtant, Sam doit trouver sa place, quelque part entre ces deux mondes, entre la voie toute tracée (et peu propice à la rigolade) que la communauté a choisie à sa place et la liberté (trompeuse) qu’offre son activité criminelle.

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Grâce à Jesse Eisenberg, crédible et attachant, on comprend parfaitement les dilemmes moraux qui secouent le personnage, ses frustrations, ses doutes, son besoin de transgression des lois établies, opposées à une foi certes vacillante, mais encore très vivace.
Il est bien aidé par le reste de la distribution. Côté obscur, on retrouve Justin Bartha dans un rôle de type cool mais complètement paumé, englué dans ses petites magouilles, Danny A. Abeckaser en petit caïd façon film de Scorsese et Ari Graynor en femme fatale. Côté clair, Mark Ivanir, Elizabeth Marvel, Hallie Kate Eisenberg (la soeur de Jesse) et Jason Fuchs…

La mise en scène participe aussi à la réussite de l’ensemble. Non, nous ne ferons pas de jeu de mot sur le patronyme du cinéaste – Kevin Asch – même s’il est tout indiqué pour un film sur un trafic de drogue… Non, n’insistez pas, ce n’est pas le genre de la maison (ou si peu…).
En revanche, on peut dire de lui qu’il connaît ses classiques et sait recycler intelligemment ses influences. Il y a un peu de Sidney Lumet dans la façon de filmer du jeune cinéaste. Et un peu de Scorsese aussi. D’ailleurs, la filiation est appuyé par la présence de la belle Stella Keitel, la fille d’un des acteurs-fétiches du cinéaste italo-américain.
Asch livre une composition sobre, à l’esthétique soignée, qui s’avère particulièrement efficace pour traiter son sujet.

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Jewish connection, malgré quelques baisses de rythmes ça et là et un final sans doute un peu trop rapide, est plutôt une bonne surprise. Le film a obtenu le prix de la révélation Cartier lors du dernier festival du film américain de Deauville et a été retenu en compétition à Sundance en 2010.

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Jewish connection Jewish connection
Holy rollers

Réalisateur : Kevin Asch
Avec : Jesse Eisenberg, Ari Graynor, Justin Bartha, Danny A. Abeckaser, Mark Ivanir, Stella Keitel
Origine : Etats-Unis
Genre : mauvaise foi
Durée : 1h29
Date de sortie France : 17/02/2011
Note pour ce film : ●●●●○○

contrepoint critique chez :  Excessif

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