Sur le papier, Insoupçonnable avait suffisamment d’atouts pour séduire les spectateurs et leur offrir un polar de qualité. Des acteurs de talent (Laura Smet, Marc-André Grondin, Charles Berling, Gregori Derangère). Un metteur en scène, Gabriel Le Bomin, dont le premier film avait été remarqué (Les Fragments d’Antonin), et un scénario tiré d’un roman policier de Tanguy Viel (1)…
On ne pouvait donc pas soupçonner qu’à l’écran, le résultat ne serait pas terrible. Et pourtant, les preuves sont là : Insoupçonnable est un thriller ennuyeux, manquant cruellement de charme et de suspense.

Insoupçonnable - 2

Première pièce à conviction, le scénario, qui lorgne vers les films chabroliens. Précision : vers les mauvais films chabroliens (si, si, ça existe… Chabrol lui-même le reconnaît…).
Les auteurs nous plongent dans la bourgeoisie provinciale, au cœur d’une arnaque montée par deux amants Lise (Laura Smet) et Sam (Marc-André Grondin) contre Henri Schaeffer, un commissaire-priseur veuf et dépressif (Charles Berling)
L’idée est que Lise le séduise, le contraigne à l’épouser et joue la femme parfaite pendant quelque temps, avant de disparaître en simulant son propre kidnapping et empocher la rançon à six chiffres.
Du classique…
Evidemment, rien ne va se passer comme prévu. Et paradoxalement, c’est aussi du classique…
On s’attend à tous ces rebondissements tordus, à ne plus savoir qui manipule qui…
L’originalité – et l’ennui – c’est que si les coups de théâtre auront bien lieu, ils seront étrangement condensés en une petite dizaine de minutes, expédiés comme s’il n’y avait plus assez de temps pour développer la seconde partie de l’intrigue.
Pourtant, vu le rythme mollasson de la quasi-totalité de l’œuvre, il y avait moyen de réserver un peu de temps pour soigner le dénouement !

Là, on a la désagréable impression que le film se boucle au moment où il devenait intéressant. Frustrant…

Insoupçonnable - 5

Peut-être est-ce une façon pour le réalisateur de montrer qu’ici, l’intrigue importe peu, que seules comptent les relations complexes unissant les personnages. Celles de Lise et Sam, faux frère et soeur, vrais amants, de Henri et son demi-frère Edouard, marquées par les ressentiments et la jalousie, de Lise et Henri, où chacun est le jouet de l’autre, de Sam et Henri, qui se ressemblent plus qu’ils ne le pensent…
Gabriel Le Bomin voulait probablement s’inscrire dans la grande tradition du thriller psychologique français. Hélas, sur ce point-là aussi, ce n’est pas convaincant.
Les personnages sont esquissés avec un trait trop épais, de façon un peu trop caricaturale pour que l’on s’attache à eux.

Les comédiens font ce qu’ils peuvent pour sauver les meubles : Laura Smet, sensuelle et mystérieuse, est plutôt à l’aise en femme fatale, même si bien moins étincelante que chez Chabrol (La Demoiselle d’honneur), Charles Berling est également très bien en hommes d’affaire égocentrique, habitué à obtenir tout ce qu’il veut en payant le prix. En revanche Gregori Derangère et surtout Marc-André Grondin, sont beaucoup moins fringants. Pour le premier, ce n’est pas bien grave, son temps de présence à l’écran étant limité. Pour le second, c’est plus embêtant, vu qu’il est le pivot de l’oeuvre et que tout repose sur le malaise de son personnage, tiraillé entre l’envie d’aller au bout de l’arnaque pour changer de vie et celle de tout arrêter avant que sa jalousie ne le ronge complètement.
Le jeune acteur canadien a du talent, il l’a prouvé par le passé, mais ici, il en fait un peu trop, avec moult froncements de sourcils, pincements de lèvres et regards noirs pour signifier (sursignifier) la jalousie et la haine… Quel gâchis !

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La réalisation n’est guère plus convaincante. Le cinéaste connaît ses classiques et cherche à recycler ses influences, mais il ne parvient jamais à se montrer digne des Hitchcock, Lang et autres Preminger. Certes, sa mise en scène réussit à créer une ambiance froide et inquiétante, en exploitant habilement les décors, mais elle manque trop de relief pour nous faire adhérer aux destins des personnages, nous plonger au coeur de l’intrigue…

Non décidemment, Insoupçonnable est loin d’être une réussite…
Ce n’est pas, en tout cas, le “thriller de l’été” que certains ont vu en lui.
Mieux vaut aller voir L’Heure du crime, petit film italien qui sort lui-aussi cette semaine, ou attendre la sortie prochaine du nouveau film d’Alain Corneau, Crime d’amour, en espérant qu’il sera à la hauteur des attentes…

(1) : “Insoupçonnable” de Tanguy Viel – éd. Les éditions de Minuit

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Insoupçonnable Insoupçonnable
Insouçonnable

Réalisateur : Gabriel Le Bomin
Avec : Laura Smet, Marc-André Grondin, Charles Berling, Gregori Derangère, Dominique Reymond
Origine : France, Suisse
Genre : (mauvais) Chabrol
Durée : 1h35
Date de sortie France : 04/08/2010

Note pour ce film :

contrepoint critique chez :  Critikat
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