Dans les années 1960/1970, John Waters s’est distingué par la réalisation de films hors normes, provocateurs et portés par un humour sauvage et transgressif, hissant le mauvais goût au rang des Beaux-Arts.
Multiple maniacs, Mondo Trasho, Pink Flamingos, Female trouble ou Polyester ont secoué une Amérique puritaine habituée aux sages productions hollywoodiennes, traumatisé le bourgeois et fait l’objet d’un culte dans les milieux underground. Le cinéaste a ainsi gagné la réputation de “Pape du Trash”.
Mais sa réussite doit tout autant, sinon plus, à son/sa comédien/ne fétiche, Divine, un travesti obèse qui a marqué les oeuvres précitées de son physique imposant, ses looks extravagants et ses comportements dérangeants.

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Dans I am Divine, le documentariste Jeffrey Schwarz lui rend hommage en retraçant, à travers les témoignages de ses proches et des images d’archive,  le parcours qui a transformé Harris Glenn Milstead, gamin rondouillard de Baltimore, mal dans sa peau, en une drag-queen totalement débridée, icône de la contre-culture américaine et star du disco.

Enfant, Harris Glenn était différent des autres garçons, “plus féminin que masculin”, selon les dires de son médecin. Son hypersensibilité et son surpoids en faisaient la cible privilégiée des brimades de ses petits camarades. Il en a beaucoup souffert. Mais cela ne l’a pas empêché de se trouver une petite amie, avec qui il est resté pendant toutes ses années étudiantes.
Leur relation a cessé quand Harris Glenn a découvert la communauté gay underground de Baltimore, et notamment un groupe baptisé les Dreamlanders. Pour la première fois de sa vie, il s’est senti dans son élément. Il a pris conscience de son homosexualité et a noué des liens très forts avec certains membres du groupe, parmi lesquels David Lochary, qui fut son amant, et John Waters, avec qui il partageait l’ambition de faire du cinéma.

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A leur contact, il s’est encanaillé et s’est mis à consommer de sérieuses quantités de drogues douces, qui ont contribué à le désinhiber. C’est aussi à ce moment qu’il a commencé à se travestir. D’abord par jeu, à des soirées costumées où il se déguisait en Liz Taylor puis par provocation, quand il a décidé d’exhiber ses rondeurs et de se moquer des critères conventionnels de la beauté.
C’est ainsi que John Waters a eu l’idée de le faire apparaître dans ses premiers moyens-métrages, Roman candles et Eat your makeup, lui trouvant au passage le surnom de Divine. Ce fut le début d’une collaboration longue de plus de vingt ans et riche de six longs-métrages, qui lui permit d’acquérir une certaine notoriété mais, dans le même temps, d’être rejeté par ses parents.

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Sous la houlette de John Waters, Divine s’est transformé en héraut de l’anticonformisme et en icône punk/anarchiste. Il a tourné des scènes complètement extravagantes, acceptant de se faire violer par un homard géant (Multiple Maniacs) ou de manger une…crotte de chien (Pink Flamingos, qui a, grâce à cette scène-culte, gagné le titre de “film le plus dégoûtant du Monde”)
Il a su cultiver cette image trash sur scène, au théâtre ou en star du disco, tout en cherchant à évoluer et à se faire accepter comme un acteur à part entière.
C’est encore John Waters qui l’a aidé à franchir le cap, grâce à Polyester, où il a partagé l’écran avec l’ancienne gloire hollywoodienne Tab Hunter, mais surtout grâce à Hairspray, où, bien que relégué au rang de second rôle au profit de la jeune Ricki Lake, il a pu livrer une performance étincelante, loin de ses excès provocateurs d’antan.
Hélas, il est décédé juste après la sortie d’Hairspray, alors que la grande famille hollywoodienne était enfin prête à l’accueillir dans son giron, alors qu’il était enfin considéré comme un véritable comédien, alors qu’il venait juste de se réconcilier avec ses proches…

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Son destin pourrait sembler bien cruel et dramatique, mais ce sympathique documentaire préfère n’en retenir que le meilleur : la façon brillante avec laquelle cet homme “différent”, exclu par les autres, exclu même par sa propre famille à cause de son orientation sexuelle, son obésité, sa sensibilité exacerbée, a su prendre sa revanche en se faisant accepter par un large public et par les critiques réputés les plus difficiles.
Bousculant les canons classiques de la beauté et les préjugés, secouant le conformisme ambiant, il est devenu un modèle à suivre pour des centaines de jeunes mal dans leur peau et de marginaux, et méritait bien qu’on lui rende hommage.

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I am Divine

Réalisateur : Jeffrey Schwarz
Avec : Divine, John Waters, Ricki Lake, Frances Milstead, Michael Musto, Greg Gorman
Origine : Etats-Unis
Genre : Documentaire
Durée : 1h30
Date de sortie France : 26/03/2014
Note pour ce film :●●●●
Contrepoint critique : Télérama

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