Harry Brown - 8

Harry Brown, un retraité septuagénaire, vient de perdre son épouse. Il trouve un peu de réconfort auprès de son vieil ami Leonard, qu’il retrouve chaque jour au pub pour jouer aux échecs.
Les deux hommes habitent un des quartiers difficiles de Londres, qui ressemble de plus en plus à une zone de non-droit depuis que des dealers ont investi les lieux.
De sa fenêtre, Harry peut observer quotidiennement les petits trafics qui se déroulent au pied des immeubles, ainsi que les agressions et les actes de vandalisme. Mais il se garde bien d’intervenir, préférant rester loin des problèmes.
Leonard, lui, ne peut plus supporter les brimades des jeunes du quartier, les tentatives de racket, l’ambiance délétère qui règne dans le quartier. Au bout du rouleau, excédé par la passivité de la police, il a décidé de ne plus se laisser faire. Il porte désormais sur lui une vieille baïonnette, pour se défendre d’une éventuelle agression. Harry essaie de raisonner son ami, en vain.
Le lendemain, le corps de Leonard est retrouvé dans le passage souterrain qui relie les différents secteurs de la cité, et qui sert de repaire à un gang local dirigé par le jeune Noel. Le vieillard a été assassiné, tabassé à mort et poignardé…
Une jeune inspectrice est chargée de l’enquête. Elle interpelle plusieurs membres du gang, mais se heurte au silence arrogant des jeunes délinquants. Faute de preuves et d’aveux, elle est contrainte de les relâcher.
Harry Brown, lui, continue de se mêler de ses affaires. Après l’enterrement de son ami, il reste au pub un plus tard qu’à l’accoutumée, histoire de noyer son chagrin dans l’alcool. En sortant, il est agressé par l’un des sbires de Noel.
Au lieu de fuir ou de se laisser dépouiller, Harry laisse libre cours à de vieux réflexes professionnels. Il a en effet été un un militaire d’élite, officier de marine au service de sa Majesté la Reine d’Angleterre, le genre de gars à qui il vaut mieux éviter de se frotter. Il tue l’indésirable et rentre chez lui, tremblant.
Au point où il en est, et face à l’impuissance des forces de l’ordre, Harry décide de se charger lui-même des nuisibles qui peuplent le quartier et de venger la mort de son vieil ami…

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Là, je sens que vous vous dites “Oh non! Pas encore une de ces histoires de ‘vigilante’ qui se charge lui-même de faire régner la loi et l’ordre à coups de flingues…”. Surtout après la sortie récente du calamiteux Que justice soit faite et les nombreux ersatz du Justicier dans la ville ayant pollué les écrans ces dernières années.
Rassurez-vous, Harry Brown vaut bien mieux que les nanars précités et ce, sur tous les plans…

Première différence – et de taille – le personnage principal n’est pas incarné par un acteur médiocre comme Gerard Buttler mais par Sir Michael Caine. Ce qui, vous l’avouerez, est tout de suite plus “classe” et nous donne l’assurance d’une composition toute en finesse, malgré un sujet des plus scabreux…
Outre son impressionnant bagage d’acteur, fort de collaborations avec quelques-uns des meilleurs cinéastes du monde, de Manckiewicz à Nolan, en passant par Woody Allen et Sidney Lumet, et sa présence charismatique, le comédien britannique apporte ici le poids de son expérience personnelle.
Avant de devenir cette vedette reconnue, titulaire de deux oscars s’il-vous-plaît, Caine a grandi dans une famille pauvre du sud de Londres, The Elephant & Castle, c’est-à-dire pile à l’endroit où Daniel Barber a tourné Harry Brown.
Il connaît donc le quartier, les conditions de vie souvent difficiles des habitants qui y vivent, les problèmes sociaux et humains qui y ont cours. Pour lui, faire ce film était une affaire personnelle, une façon de s’exprimer sur un sujet de société qui le révolte.

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Pour lui, comme pour le scénariste et le réalisateur, il était hors de question de faire du personnage un justicier solitaire engagé dans une croisade vengeresse sous le coup de la colère. Le film ne cherche certainement pas à faire l’apologie de l’autodéfense ou de la violence en général. Au contraire. Harry est un homme pacifique, sans doute parce qu’il a participé, de par sa profession, à beaucoup de combats meurtriers. Il n’use de violence que s’il s’y trouve contraint, en dernier recours. Son but n’est pas de tuer le leader des voyous, juste de le livrer aux autorités. Mais s’il le faut, il est prêt à se défendre et même à tuer la vie de salauds que personne ne regrettera…
Dans ce film, la violence n’est ni glorifiée, ni sublimée. Elle fait juste partie de la vie de ces quartiers populaires. Elle est ancrée dans de nombreuses personnes, surtout des jeunes livrés à eux-mêmes.
Il s’agit d’un constat brut, terrible, glaçant.

Cette trame de polar bien noir ne sert que de véhicule à une réflexion sur toute une série de dysfonctionnements politiques, sociaux, éducatifs, qui pourrissent la vie de milliers de personnes dans les zones les plus sensibles d’une Angleterre sinistrée.
Des honnêtes gens comme Harry, qui a consacré toute sa carrière à la défense du Royaume, se voient contraints, faute de ressources suffisantes, d’habiter dans des immeubles miteux, dans un environnement d’insécurité et de misère.
La jeunesse n’a pas de perspectives d’avenir, alors elle se cherche dans la rue et la délinquance. A quoi bon suivre des études si c’est pour se retrouver au chômage ou esclave d’un job contraignant et mal payé ? Mieux vaut opter pour le trafic de drogue, c’est bien plus lucratif… Et mieux vaut être violent que de subir la violence…
Peut-on faire quelque chose pour changer cet état de fait, pour changer les mentalités? Peut-on sortir de cette spirale de la violence? C’est la question que pose, en filigrane, le cinéaste aux spectateurs et aux politiciens de son pays.

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Cette dimension politique, ce constat social préoccupant, apportent de la richesse à une oeuvre déjà très intéressante en tant que “simple” film de genre.
Daniel Barber a du talent, indéniablement, et du style. Il y a dans Harry Brown un gros travail de mise en scène, tant dans les cadrages que dans l’environnement visuel – jeu sur les couleurs, les lumières, pour donner au film un climat poisseux et grisâtre. Le résultat est percutant et se démarque des polars traditionnels.
Certes, le jeune cinéaste anglais connaît ses classiques en la matière, et les recycle ici. Son “héros” est une pure figure de roman noir – un personnage qui n’a plus rien à perdre, qui trouve en lui des ressources pour se transcender et mener à bien sa croisade risquée. C’est un personnage tourmenté, qui s’en veut de n’avoir été là ni au moment de la mort de sa femme, ni au moment où son ami se faisait assassiner.
Mais le film lorgne aussi vers le western, tendance crépusculaire. Son auteur aime à le définir comme un “western urbain”, et il est vrai que l’on pense beaucoup aux trames des grands chefs d’oeuvres du genre, ceux où des héros solitaires s’attaquaient aux groupes de bandits terrorisant de petites villes tranquilles. Et on n’est guère étonnés que le final se déroule dans un bar sombre aux allures de saloon.
Si l’on ajoute à cela le fameux réalisme social, point fort du cinéma anglais depuis de nombreuses années, on obtient un cocktail assez explosif, qui secoue autant qu’il ne séduit.

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Pour en finir avec l’éloge de ce premier long-métrage réussi, ajoutons que la distribution compte, en plus de Michael Caine, plusieurs comédiens extrêmement justes, comme la ravissante Emily Mortimer, parfaite en femme-flic idéaliste, le jeune Ben Drew ou encore Charlie Creed-Miles, Liam Cunningham ou David Bradley. Sans oublier Sean Harris, dont la “gueule” fait une fois de plus merveille, si on ose dire, dans un rôle de dealer paranoïaque.

Pour ce casting solide, pour son acteur principal, toujours impeccable, pour son ambiance soignée et la mise en scène inspirée de Daniel Barber – retenez bien ce nom, on en reparlera sûrement – sans oublier son sujet scabreux traité avec finesse et intelligence, cet Harry Brown est assurément un ami qui nous veut du bien, et nous vous recommandons chaudement sa compagnie dans les salles obscures.

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Harry Brown Harry Brown
Harry Brown

Réalisateur : Daniel Barber
Avec : Michael Caine, Emily Mortimer, Ben Drew, Charlie Creed-Miles, Liam Cunningham
Origine : Royaume-Uni
Genre : western urbain
Durée : 1h43

Date de sortie France : 12/01/2011
Note pour ce film :

contrepoint critique chez :  Excessif

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