Adaptation d’un classique de la littérature enfantine écrit par le britannique Roald Dahl (1), Fantastic Mr.Fox raconte les mésaventures d’un renard chapardeur aux prises avec trois fermiers qui ont juré d’avoir sa peau.

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Mr. Fox – c’est son nom – a pris le risque de défier les trois propriétaires terriens les plus prospères du village voisin. Furieux, les trois hommes se sont unis pour traquer l’impudent et ont assiégé son terrier, situé dans une souche d’arbre en haut d’une colline.
Fox et ses proches réussissent à fuir en creusant un tunnel, mais sont bloqués sous terre. Là, ils tombent sur d’autres animaux affamés– blaireaux, lapins, mulots – qui ont eux aussi été contraints de fuir les groupes d’humanoïdes patrouillant en surface.
Le renard, conscient que la situation est de sa faute, décide de reprendre les choses en main. Il utilise sa ruse légendaire pour élaborer un plan qui va procurer de la nourriture à tous ses amis et jouer au passage un vilain tour aux trois affreux qui les harcèlent.

Quand on a appris que c’est Wes Anderson qui allait réaliser la version cinématographique de cette fable, on a tout d’abord cru à une erreur.
Déjà parce qu’il s’agit d’un film d’animation et que le réalisateur américain ne possède aucune expérience dans le domaine. Ensuite parce qu’on ne voyait pas comment son style si particulier, léger mais fortement mélancolique, résolument adulte, pourrait coller à une gentille fable pour enfants.

Et pourtant… Fantastic Mr. Fox porte assurément la griffe de Wes Anderson.
Grâce, d’une part, à une animation rudimentaire, à l’ancienne (2), qui confère à ce long-métrage le charme désuet et la poésie visuelle caractérisant habituellement les films du cinéaste.
Grâce aussi à d’habiles aménagements scénaristiques, qui permettent au récit d’aborder tous les thèmes récurrents de l’œuvre du cinéaste.

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Ici, Mr. Fox est bien plus qu’un simple renard chapardeur. Au début du film, il renonce à sa vie de larcins, à son statut de voleur de poules pour devenir un honnête renard, journaliste-chroniqueur dans un « canard » local. Tout cela pour amour pour sa flamboyante renarde et pour la sûreté de leur renardeau en gestation.
Celui-ci aussi a été quelque peu revu par rapport à l’œuvre originale. Dans le bouquin, le couple de renards avait quatre petits dont le rôle dans l’intrigue était négligeable. Ici, ils ont un fils unique, Ash, qui intervient de façon prépondérante dans le déroulement du récit. Un être plein de complexes, physiques et psychologiques, qui jalouse les multiples qualités de son cousin Kristofferson, et dépérit à force de rester dans l’ombre…

En somme le héros-type des films de Wes Anderson, dépressif et tourmenté. Aussi, on n’est guère surpris de voir le personnage doublé par Jason Schwartzman, l’acteur-fétiche du cinéaste…
Dans Fantastic Mr. Fox, les personnages cherchent leur voie, hésitent entre plusieurs directions. Les jeunes tentent de réaliser des rêves absurdes. Les plus âgés se penchent sur leur vie avec mélancolie, nourrissent le regret, justement, d’avoir abandonné leurs rêves pour vivre une existence formatée, « normale ». Tous font des choix, se trompent ou se révèlent. Et ils progressent, gagnant en maturité…

De maturité, il en est beaucoup question dans le film. Tout comme les notions de responsabilité, de paternité et de transmission, d’hérédité et d’éducation. De fraternité, aussi…
Des obsessions déjà abordées dans les cinq premiers long-métrages de Wes Anderson, de La famille Tennenbaum à A bord du Darjeeling limited, où les protagonistes, vrais ou faux-frères, pères et fils biologiques ou d’adoption, jeunes gens sur le point de devenir des hommes ou vieillards sur le point de mourir, s’interrogent sur leur propre identité et leur place au sein d’une famille.

Fantastic Mr.Fox réussit la gageure de prolonger les thématiques du cinéaste sans jamais trahir l’esprit du matériau original de Roald Dahl.
Il s’agit d’une œuvre profonde, philosophique, très personnelle et universelle en même temps. Mais il s’agit aussi d’une comédie familiale pleine d’humour et d’aventures, d’une fable morale destinée aussi bien aux petits qu’aux grands.
Tout le monde devrait trouver y son compte. Les enfants et les adultes. Le public intello comme les amateurs de divertissements…

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Les cinéphiles aussi, qui s’amuseront à voir Anderson, une fois n’est pas coutume, rendre hommage à ses maîtres cinématographiques en glissant dans son œuvre quelques clins d’oeil amusants.
Ici, il évoque évidemment les pionniers de l’animation et les magiciens des trucages d’antan, ceux responsables du King Kong d’Ernest B. Schoedsack et Merian C.Cooper ou de La belle et la bête de Cocteau. Ou Starevitch, évidemment. Il pastiche tout un pan du cinéma de genre : des films d’arts martiaux aux films de guerre (grand moment que l’attaque du village par les animaux), en passant par le western, lors de la confrontation finale (3).
Et puis, bien sûr, un hommage aux comédies policières où des truands sympathiques planifient des casses mémorables. La présence de George Clooney au générique, assurant la voix de Mr. Fox, évoque immanquablement le personnage de Danny Ocean dans la série des Ocean’s eleven, mais on peut aussi voir l’intrigue comme une référence au premier long-métrage d’Anderson, Bottle Rocket, où trois nigauds planifiaient des cambriolages épiques.

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Evidemment, il se trouvera toujours quelques rabat-joie pour critiquer la qualité de l’animation, très rudimentaire. Mais il faut bien comprendre que cette façon de procéder est un vrai parti pris de mise en scène. Pour Anderson, il était hors de question de faire appel à des effets numériques modernes. Le côté « brut » de l’animation donne un côté plus adulte à l’ensemble et lui octroie le côté étrange, décalé, qui fait la marque de fabrique du cinéaste depuis ses débuts… De toute façon, il n’est nul besoin de toutes les technologies modernes pour faire naître beauté et poésie…

Fantastic Mr. Fox est à l’image des films de Wes Anderson, drôle et touchant, trépidant et plein de bonne humeur. Et une vraie leçon de cinéma, avec de l’inventivité à chaque plan et de superbes mouvements de caméra – les travellings latéraux qui ont fait sa réputation !
Alors hâtez-vous de le découvrir en salles. Il serait dommage de poser un lapin à ce maître renard, magnifié par un des chiens fous les plus intéressants du cinéma américain, qui a compris mieux que quiconque certains tourments du genre humain…

(1) : « Fantastique Maître Renard » de Roald Dahl – coll. Folio Cadet – éd. Gallimard
(2) : Il rend hommage notamment au cinéma plein de grâce du génial Ladislas Starevitch, un des anciens maîtres du cinéma d’animation, auteur d’une superbe version du
Roman de Renart, en 193.
(3) : Sans oublier un pastiche rongeur de
West Side Story

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Fantastic Mr. FoxFantastic Mr. Fox
Fantastic Mr.Fox

Réalisateur : Wes Anderson
Avec les voix de : George Clooney, Meryl Streep, Jason Schwartzman, Bill Murray, Adrian Brody, Owen Wilson (VO) ; Mathieu Amalric, Isabelle Huppert (VF)
Origine : Etats-Unis
Genre : Fable animalière
Durée : 1h28
Date de sortie France : 17/02/2010
Note pour ce film : ●●●●●

contrepoint critique chez : Télérama

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