Nǐ hǎo les humains, Mǐ hǎo les p’tits chats,

Encore une journée bien chargée en films et en émotions.

Deauville Asia 2012 - Jour 4 - 1

Déjà, avec une passionnante masterclass de Kiyoshi Kurosawa.
Je sais que je me répète, mais le bonhomme est un auteur à découvrir absolument. Il possède un style bien à lui, un talent pour rendre inquiétant le quotidien et analyser avec acuité la société japonaise. Donc, si vous habitez en région parisienne, ne manquez pas la rétrospective que lui consacrera la Cinémathèque Française du 14 mars au 19 avril.
Le cinéaste japonais a pris presque 2h de son temps pour parler de son parcours, de son oeuvre, de ses thématiques principales. Il a décortiqué certaines des scènes-clé de ses longs-métrages, avec cette humilité et cette pudeur qui caractérisent certains génies du 7ème art, est revenu sur ses oeuvres de jeunesse, marquées par l’influence de Godard – on aimerait bien voir ses pinku-eiga façon Nouvelle Vague – et le cinéma américain des années 1970. Ce fut instructif et intéressant pour tous les admirateurs du cinéaste comme pour les cinéphiles attentifs à cette génération de cinéaste japonais dont les oeuvres font le bonheur des festivals depuis une quinzaine d’années.
On aurait aimé que l’échange avec Jean-Philippe Tessé, des Cahiers du Cinéma, dure sans fin, et que M.Kurosawa reste encore et encore pour nous entraîner un peu plus dans son univers fascinant, si particulier.

Deauville Asia 2012 - Jour 4 - 2

En compétition officielle, deux films étaient présentés aujourd’hui.
D’une part, I carried you home, film thaïlandais de Tongpong Chantarangkul. Un road movie (étonnant…) qui parle de famille et de deuil (étonnant, bis…), puisqu’il raconte le voyage de deux soeurs ramenant le corps de leur mère en ambulance de la ville jusqu’à son lieu de naissance, où doit avoir lieu les funérailles rituelles.
D’autre part, 11 fleurs, un film historique et initiatique parlant de l’époque de la révolution culturelle en Chine, vue par les yeux d’un petit garçon.

En compétition Action Asia, deux films également.
Le premier, War of the arrows, est comme son nom l’indique, un film de guerre qui présente la particularité de voir s’affronter des maîtres-archers.
Voilà de quoi apprendre des nouvelles techniques de combat intéressantes pour me venger de ces fichues mouettes qui me narguent depuis là-haut…
Bon, en fait, le film ne tient ses promesses que lors de ses trente dernières minutes, avec un affrontement final entre le héros, un guerrier sud-coréen déchu et les seigneurs de guerre mandchous qui ont envahi le territoire (les vilains!) et capturé sa soeur (la belle! . Mais le film est assez plaisant à suivre, dans le genre pur divertissement.
Il n’y a pas grand-chose à en dire, hormis qu’il s’agit d’un film formellement très classique, juste plombé par le recours à des effets visuels parfois très laids. Je pense ici à ce tigre en images de synthèse, complètement raté. Ils auraient dû m’engager moi pour jouer le tigre. Hé, le premier qui dit que je n’ai pas la carrure; je lui griffe la couenne!

war of the arrows - 2

Le second film était le très attendu The Raid. Enfin, très attendu surtout par certains geeks amateurs de films d’action hard-boiled, et de combats dantesques, parce que la salle était finalement loin d’être pleine. Il faut dire que c’était aussi le soir du dîner de gala du festival, auquel assistaient les différents jurys et les invités de la ville de Deauville. 
Mais ceux qui ont assisté à la séance ont mis un peu d’ambiance, ponctuant d’applaudissements les nombreux morceaux de bravoure du film. Il faut bien avouer que ce film-là est complètement dingue, du bonheur en barres pour les amateurs d’action pure. Oh, ne cherchez pas la finesse psychologiques des personnages, le message socio-culturel du film ou la cohérence du scénario, tout le monde s’en moque ici, à commencer par le cinéaste, dont le seul souci semble être l’efficacité de ses scènes d’action. 
Et de ce point de vue là, c’est une franche réussite. Fusillades monstrueuses, combats à l’arme blanche ou à mains nues, têtes fracassées contre les murs ou les portes, bras cassés, côtes brisées, explosions en tout genre… C’est du grand spectacle parfaitement chorégraphié.

The Raid - 2

Le pitch est tout simple : une équipe de policiers lance l’assaut pour reprendre le contrôle d’un immeuble abritant de longue date un gang de voyous et de trafiquants de drogue, mais se retrouve piégée dans le bâtiment, traquée par les truands. Un peu comme La Horde, sans les zombies, mais avec à la place des experts en arts martiaux qui ne retiennent pas vraiment leurs coups. J’avoue avoir été impressionné par le personnage de Mad dog (comme quoi, je peux supporter les “chiens”, hi hi…), qui distribue mandales, manchettes et coups de pieds avec un plaisir sadique, et surtout par son interprète, Yayan Ruhian, tête de tueur vicelard façon Danny Trejo et techniques martiales dignes de Tony Jaa.
C’est sûr que si vous ne jurez que par le cinéma art & essai intello/chiant avec des plans fixes qui durent des plombes, ce film n’est pas fait pour vous. De même, si vous aimez la petite comédie gentillette du dimanche soir à la télé, vous allez être déçus. Mais si vous avez envie de voir un des films d’action les plus fous réalisés ces dernières années, vous pouvez y aller en toute confiance. Après Hong-Kong et ses délirants polars des années 1990, puis la Thaïlande dans les années 2000, l’Indonésie sera-t-elle la nouvelle référence du film d’action made in Asia? A suivre…

The Raid - 3

Hors compétition, nous avons pu découvrir Headshot, un excellent film noir qui, comme l’indiquait le dossier de presse, mêle bien meurtre, corruption et karma.
Le spectateur se retrouve aussi manipulé que le héros du film et se laisse surprendre par les méandres d’un scénario aux rebondissements multiples.
La séquence introductive montre un homme mystérieux remplissant un dossier à la machine à écrire et le glissant, accompagné de la photo d’un homme politique, dans une enveloppe. On voit le personnage principal, Tul, recevoir l’enveloppe et se préparer à accomplir sa mission : assassiner le politicien en question.
Le truc a déjà été vu mille fois, et on pense alors se diriger une fois encore vers une histoire de tueur transformé en cible par ses employeurs. C’est un peu le cas, mais le cheminement est plus complexe que cela.
Déjà, on se retrouve fort surpris de voir le tueur se prendre une balle dans la tête dès la séquence suivante. Il réussit sa mission, mais est frappé de plein fouet par le tir d’un garde du corps. Pas le temps de réagir que – hop!- on le retrouve sur un lit d’hôpital, émergeant de trois mois de coma, avec pour séquelle une vision inversée – pour lui, tous les gens ont la tête en bas. En attendant de pouvoir sortir de la clinique, il repense aux raisons qui l’ont poussé à se muer en tueur à gages.
Là encore, c’est surprenant! Avant d’exercer cette profession, Tul était… policier! 

Headshot - 2

Mais chut, mieux vaut ne pas trop en dire pour vous permettre de découvrir un jour ce film surprenant. Disons simplement que ce cheminement inclut des femmes fatales, des avocats véreux, des politiciens corrompus, un docteur ayant publié un ouvrage sur la nature humaine, profondément viciée et mauvaise selon lui, et des moines…
Chez d’autres cinéastes, ce dispositif composé de rebondissement de plus en plus tirés par les cheveux agacerait prodigieusement. Mais ici, on est portés par la narration très fluide de Pen-ek Ratanaruang et sa mise en scène qui donne à la fois l’impression d’une rigueur extrême et d’un dilettantisme assumé. Et évidemment, l’aspect polar n’est qu’un prétexte pour parler de la corruption au sein de la société thaïlandaise et de traiter d’une chose plus spirituelle autour du karma et de la nécessité d’expier ses fautes.
Un film aussi renversant que la vision de son personnage principal. (Oui, c’est un peu facile, mais l’enchaînement des projection commence à fatiguer ma féline personne).

Bon, faut que je vous laisse, je vais me tenter un raid sur la ferme d’à-côté. Ma mission : récupérer coûte que coûte un de ces délicieux pots de crème fraîche normande gardés dans le frigo du patron des lieux. Pour cela, je risque de devoir affronter des hordes de vaches et le “mad dog” qui garde les lieux. Pfff. Même pas peur. Je les combats à pattes nues, je préfère. Ca fait monter l’adrénaline… Yaaaaaahhhhh!

Plein de ronrons – yaaaaaaah- et Chat-yonaraaaaaaaah

Scaramouche

스카라무슈 (en coréen)
スカラムーシュ (en japonais)
美人如玉剑如虹 (en chinois)

raid scaramouche

deauville bannière 2012 - 2

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Scaramouche est un... chat. Son heureux maître, Boustoune, l'a baptisé ainsi après l'avoir vu escalader les rideaux et pratiquer l'escrime contre les plantes vertes, à la manière d'un héros de film de cape et d'épée. (Il a longtemps hésité avec Channibal et Cat Vador, mais bon...) Evidemment, avec un tel nom, l'animal ne pouvait que devenir cinéphile. Comme il n'avait rien d'autre à faire que de glander toute la journée sur le canapé, il s'est gavé de DVD et s'est forgé sa culture cinématographique, avant d'accepter de devenir critique pour Angle[s] de vue. Sa spécialité ? Les films dont les félins sont les héros. Et les films qui parlent de boxe et de sports de combat (il kiffe). Mais il doit aussi se farcir la plupart des critiques de films pour enfants (il kiffe aussi, sans l'avouer...). Il aime donner quelques coups de griffes aux films qu'il n'aime pas, et complimenter ceux qu'il aime de sa plus belle plume (volée à un pigeon trop téméraire). En tout cas, il n'aime pas les critiques qui ronronnent. Qu'on se le dise...

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