In order of disappearance - 3

Chapitre 8 : Blanc comme neige

Soudain une vague de froid s’abattit sur Beaune. En cette matinée d’avril, le soleil céda sa place à une petite pluie fine et la douceur s’effaça au profit de températures nettement plus fraîches. Mais la météo n’était peut-être pas seule responsable de ce changement de climat. Le suspect, un film norvégien intitulé In order of disappearance  se trouvait, une fois n’est pas coutume, dans la salle 1 du Cap Cinéma, attendant mon évaluation cinématographico-policière. Il bénéficiait d’un à-priori favorable, car des témoins qui l’avaient vu à Berlin, deux mois auparavant, l’avaient qualifié de “comédie noire”, “très légère”, un “pur moment de plaisir”. Mais encore fallait-il en avoir le coeur net. Je me sacrifiai donc pour la bonne cause et vis le film. Voici ce que j’écrivis dans mon rapport :

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In order of disappearance
de Hans Petter Moland

Au début, on est très loin du film drôle et léger annoncé. Le récit démarre dans une ambiance glaciale : Un chasse-neige qui déblaie une route. Des truands qui kidnappe deux jeunes hommes. L’un d’eux parvient à s’échapper, mal en point. Le second est tué par overdose d’héroïne et abandonné sur un banc public. Il s’agit du fils du conducteur du chasse-neige, Dickman (Stellan Skarsgaard). La police conclue à une banale overdose et classe l’affaire. Dickman, lui, est persuadé qu’il s’agit d’un meurtre. Il apprend finalement que son fils s’est retrouvé embarqué malgré lui dans un deal de cocaïne qui a mal tourné, et qu’il a été éliminé par un gang de narcotrafiquants redoutables. Il décide de remonter la filière et de buter un à un tous les maillons qui ont participé à la mort de son enfant unique, du simple exécutant jusqu’au grand chef.

Les séquences s’enchaînent selon la même mécanique, froide et sèche : Dickman repère sa proie, l’intercepte, lui fait avouer qui est son supérieur hiérarchique et la zigouille assez brutalement. Un panneau indique alors le nom, le surnom et la religion de la victime.  Et hop, au suivant…
Très vite, on se demande comment le film va pouvoir tenir la route en répétant ce motif sur près de deux heures. Et on se demande ce que peut bien avoir de léger et comique cette histoire de vengeance implacable.
Mais effectivement, le ton ne tarde pas à changer, avec l’apparition du leader du gang, sorte de clone nordique de Julien Doré. Un type à la fois dangereux et grotesque, qui essaie de gérer ses affaires mafieuses tout en veillant à l’alimentation de son fils – cinq fruits et légumes par jour, c’est important – et qui est capable de tuer un homme sur un accès de colère, tout en étant fort démuni face aux procédures engagées par son ex-épouse. Le film assure alors un virage vers l’humour noir décalé, dans la lignée du Fargo des frères Coen ou du Pulp fiction de Tarantino, mais aussi de Un chic type, le précédent film du cinéaste.
On y croise un politicien centriste opportuniste, des truands philosophes qui réfléchissent aux différences entre les états nordiques et les pays du sud de l’Europe, des mafieux serbes qui vantent le confort des prisons norvégiennes, un tueur à gages qui se fait appeler “le chinois” mais qui est en fait danois et japonais. Mais aussi des gros durs qui découvrent les joies des sports d’hiver, un repenti qui disserte sur les surnoms donnés aux truands et un gamin très mur pour son âge, que l’on peut toutefois endormir en lisant des prospectus sur les chasse-neige.

In order of disappearance - 2

Tous ces éléments mis bout à bout, et plaqués sur cette  vengeance implacable, font évoluer le film vers tout autre chose que le vulgaire vigilante movie que son scénario laissait craindre.
Avec finesse et humour, le cinéaste livre une réflexion assez subtile sur l’idée de “civilisation”.
Si le personnage principal est chargé de déblayer les routes enneigée, c’est pour relier leur village à la grande ville la plus proche, la nature sauvage à la “civilisation”. Mais évidemment, cette idée n’est qu’un leurre. Car en ville comme à la campagne, dans les pays du sud comme dans les pays nordiques, dans les systèmes libéraux comme dans les systèmes rigides, les aspects les plus vils de l’âme humaine finissent toujours par ressurgir, menant les individus à leur perte.
Les hommes sont faibles et vulnérables. Ils ont beau jouer les gros durs, sortir les flingues et exécuter froidement leurs semblables, ils restent totalement dérisoires et insignifiants. La nature humaine s’écrase forcément face à la Nature “sauvage”, imposante et majestueuse.

Certains trouveront peut-être le film trop “sous influence” ou trop “léger”, mais In order of disappearance possède assurément toutes les qualités pour séduire un large public, comme il a su séduire le public du festival du film policier de Beaune.

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Mon analyse fut sans appel : Hans Petter Moland était totalement innocent dans cette affaire de vague de froid. Son film avait au contraire contribué à réchauffer les coeurs d’une grande majorité de spectateurs. Et il avait échauffé les esprits de ses détracteurs, une minorité d’irréductibles qui se lançaient dans des débats enflammés pour faire valoir leur point de vue. cqfd.
“Chef, le type est blanc comme neige” concluai-je, non sans un brin de malice…

beaune 2014 J3 - 1

Chapitre 9 : Stone, le monde est stone

Ma mission suivante me conduisit sur les traces d’un joueur invétéré.
Le sud-coréen Cho Se-rae était soupçonné d’avoir triché, présentant au festival du film policier de Beaune un film qui n’avait rien d’un thriller. Je dus donc analyser The Stone pour statuer sur cette accusation.
J’écrivis le procès-verbal suivant :

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The Stone  de Cho Se-Rae

Sur le papier, la rencontre entre un adolescent, doué pour le jeu de go, et un redoutable chef de gang laissait présager un énième film d’initiation au crime organisé, jalonné de crimes et de trahisons. Mais il n’en est rien. Le premier long-métrage de Cho Se-Rae est essentiellement axé autour de la relation père-fils qui se noue entre le gamin et le gangster. Le premier a besoin d’un père pour le secouer un peu et l’éloigner de l’influence nocive de sa mère. Le second réalise que sa vie de crime et de débauche l’a conduit à une impasse et veut, en guise de rédemption, aider le jeune homme à trouver sa voie.
Le film présente aussi la particularité de baigner dans une ambiance zen assez surprenante. Plus que de crimes, de magouilles et d’extorsions, il est beaucoup question de jeu de go, des stratégies et de la philosophie qui y sont associées.
C’est à la fois  la force de l’oeuvre et sa limite.

The stone

Le problème, c’est que les règles du jeu de go sont assez obscures pour le spectateur occidental et que les considérations tactiques et philosophiques sur les parties disputées par les personnages, étalées sur deux heures de film, cela finit singulièrement par plomber l’ambiance. D’autant que les parties de jeu de go n’ont rien de spectaculaire. De toute façon, les films axés autour de jeux de société sont rarement des réussites. Pour un Echiquier de la passion, on doit supporter des dizaines de nanars comme Joueuse  ou Face-à-face. Et hormis, peut-être, les parties de dominos acrobatiques de Chow Yun-fat dans God of gamblers, il faut bien avouer que la représentation du jeu à l’écran est rarement excitante.
Par ailleurs, si The Stone a le mérite d’essayer de sortir des sentiers battus et de proposer autre chose que ces sempiternelles histoires de mafieux asiatiques, tellement formatées qu’elles en deviennent prévisibles et ennuyeuses, il obéit aussi à un cheminement dramatique assez inexorable et débouche sur un final des plus conventionnels.

The Stone n’est pas une oeuvre honteuse, loin de là, mais elle n’est pas franchement intéressante non plus, et ne s’éloigne pas tant que cela des stéréotypes du film noir asiatique.
On ne lui jette pas la pierre, donc, mais on est quand même à deux doigts de s’agacer…
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Non, le cinéaste n’avait pas triché. Il respectait tout à fait les règles du polar, malgré un ton résolument différent. En revanche, on avait de quoi le coffrer pour l’ennui mortel qu’il avait suscité chez une grande majorité de spectateurs.
Son avocat, l’acteur Kim Roi-ha, vint en personne pour assurer sa défense. Il fit une plaidoirie plutôt sympathique, essayant d’amadouer le jury en vantant son amour pour la France et la ville de Beaune. Cela permit à son client de s’en sortir avec des circonstances atténuantes, mais le film, lui, fut condamné aux oubliettes de la mémoire des cinéphiles.

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Chapitre 10 : La voie de l’ennui

Le capitaine me demanda d’aller évaluer le cas d’un cinéaste soupçonné d’être entré de manière illicite aux Etats-Unis pour y faire un film. Après avoir secoué le cinéma hexagonal avec des oeuvres comme Indigènes ou Hors la loi, et avoir fait un détour à Londres pour London river, Rachid Bouchareb avait en effet posé sa caméra sur le sol américain pour La Voie de l’ennemi.
Je dus regarder l’oeuvre pour me faire une opinion sur sa légitimité. Voici ce que j’écrivis :
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La voie de l’ennemi de Rachid Bouchareb

Avec cette transposition de Deux hommes dans la ville, de José Giovanni, à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, Rachid Bouchareb a assurément voulu réaliser son rêve américain. Acteurs US de prestige (Forest Whitaker et Harvey Keitel), grands espaces à filmer, dialogues en langue anglaise… Il s’est sans doute fait plaisir. Mais il a oublié, au passage, de faire plaisir au spectateur…
Prises indépendamment, les séquences pourraient fonctionner. Les images sont de toute beauté, la plupart des plans sont soignés. Forest Whitaker est très convaincant dans la peau de l’ex-détenu en quête d’une vie nouvelle, loin de son passé crapuleux, tout comme l’est Harvey Keitel en shérif haineux, incapable de lui pardonner ses crimes. Brenda Blethyn, elle, obtient un intéressant contre-emploi, dans la peau d’un agent de probation tenace. Cela aurait pu être formidable, pourtant l’ensemble ne fonctionne pas. Les dialogues semblent appuyés et les face-à-face entre les comédiens ne communiquent pas l’intensité escomptée. Et surtout, le cheminement du personnage principal est bien trop prévisible pour maintenir notre intérêt, d’autant que le rythme du film est particulièrement lent et mou du genou.

la voie de l'ennemi - 2

Le seul intérêt de ce polar assez oubliable est la façon avec laquelle Rachid Bouchareb parvient à combiner la trame de José Giovanni, sa déclaration d’amour au cinéma américain et ses propres thématiques, autour de l’immigration, de la difficulté de l’individu de se faire une place dans une société qui le rejette et de la rédemption.
On savait déjà que le cinéaste admirait le cinéma américain. C’était notamment palpable dans le sergio-leonesque Hors la loi. Rien d’étonnant, donc, à ce qu’il ait fini par franchir le pas et réaliser “son” film américain. Hélas, celui-ci est trop plombé par les poncifs et les problèmes de rythme pour constituer une réussite. Dommage…

La démarche du cinéaste n’avait donc rien d’illégitime et je consentis à le libérer, non sans avoir envisagé de le mettre au trou pour avoir ainsi gâché une belle occasion de prouver sa valeur. Mais le garçon avait du talent et aurait, je l’espérais, une nouvelle chance…

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Chapitre 11 : Entre les murs

Nous fûmes mandatés pour convoyer  Laurent Cantet jusqu’au tribunal de Cap Cinéma. L’homme était un cinéaste multi-récidiviste coupable de films comme Ressources humaines, L’Emploi du temps et Vers le sud. Il avait logiquement fini entre les murs de la prison de Cannes. Sorti de prison pour bonne conduite, il s’était ensuite illustré par des faits divers à La Havane et au Canada, dévoyant un groupe de jeunes filles sans histoires pour en faire des Foxfire. A nouveau appréhendé, il fut rapatrié en France. C’est là que nous fûmes chargés de le présenter au jury de la cour Claude Chabrol.

L’homme, charmant et courtois, se laissa mener sans créer de problème. Son procès se déroula lui aussi sans encombres, dans une ambiance totalement sereine et apaisée. Malgré le doux plaidoyer de l’avocat François Guérif, il fut toutefois condamné à la peine maximale : le prix Claude chabrol et l’obligation de continuer à faire de beaux films.

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Chapitre 12 : Million dollars scénariste

Notre mission suivante consista à assurer la protection de Paul Haggis. D’après nos informations, certains habitants étaient furieux contre ce ressortissant américain, soupçonné d’avoir causé une Collision aux effets psychologiques assez dévastateurs.
Nous l’escortâmes jusqu’à la salle Clos des Mouches, où il devait assister à une petite cérémonie célébrant l’amitié entre le festival du film policier de beaune et le cinéma américain.
Nous étions sur nos gardes évidemment, surveillant l’assistance pour que les choses ne dégénèrent pas. Nous avions eu pour consigne de nous méfier particulièrement du  péril jeune. C’est peut être pour cela que nous ne pûmes empêcher Cédric Klapisch, un quincagénaire rebelle, de monter sur scène pour exprimer toute sa jalousie à l’encontre de ce cinéaste et scénariste qui avait travaillé avec Clint Eastwood, Charlize Theron, Tommy Lee Jones et bien d’autres… La salle se leva d’un bond, nous laissant désemparés. Damned! Nous étions faits! Le pauvre Paul Haggis allait être lynché par la foule.
Notre panique, heureusement, laissa place à un profond soulagement. Le public s’était juste levé pour lui offrir une standing-ovation méritée. et même le dénommé Klapisch témoigna de son admiration au cinéaste américain.
Nous n’étions pas passés loin du drame. Il faudrait que nous fassions plus attention la prochaine fois…

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Chapitre 13 : Ripley? Replay

Cela faisait un moment que je m’étais intégré à la brigade maintenant. Aux missions spéciales s’ajoutait tout un travail de routine, comme visionner des films hors compétition pour le festival de Beaune.
Une des oeuvres attira mon attention : The two faces of January de Hossein Amini.
Le scénario, ses enjeux, la façon de filmer, le jeu des acteurs… Tout me rappelait un autre film, sans que je sache trop lequel… Je décidai donc d’aller interroger son auteur, le jeune Hossein Amini et son complice, un certain Viggo Mortensen. Hélas, je dus me contenter du seul Amini, l’acteur n’ayant pas pu se rendre à Beaune. Ce n’était pas trop grave. Lui, très bon dans son rôle d’escroc aux abois, rongé par l’alcool et la jalousie, n’avait rien à se reprocher. J’en étais moins certain pour le cinéaste.
Immédiatement et spontanément, il avoua que sa démarche était de montrer des sentiments humains très sombres sous un soleil de plomb, de réaliser un film noir baigné de lumière du jour, à la façon du Plein Soleil de René Clément. Logique, puisqu’il adaptait lui aussi un roman de Patricia Highsmith, une spécialiste de ce genre de récits psychologiques complexes. Mais quelque chose ne cadrait pas. Je n’arrivais pas à faire le rapprochement entre le chef d’oeuvre de René Clément et ce film très classique, “à l’ancienne”, avec ses images léchées et son trio d’acteurs impeccable (Viggo Mortensen, Oscar Isaac et Kirsten Dunst), mais manquant d’un peu de fraîcheur et d’inventivité. Je décidai de rédiger mon avis sur le film pour essayer de déclencher le déclic, et trouver le chaînon manquant…
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The Two faces of January d’Hossein Amini

Un été, en Grèce, dans les années 1950. Rydal, un guide touristique d’origine américaine (Oscar isaac)  rencontre un couple de touristes, Colette et Chester MacFarland (Kristen Dunst et Viggo Mortensen). Attiré à la fois par le mari, qui ressemble beaucoup à son père fraîchement décédé, et par sa femme, à la beauté envoûtante, mais aussi et surtout à l’apparente fortune du couple, il tente de sympathiser avec eux. Mais, en leur rendant visite à leur hôtel, il se retrouve mêlé malgré lui à un meurtre. Le trio doit tenter de fuir le pays au plus vite. Mais avant cela, il leur faut des faux passeports et un endroit où se préserver des regards indiscrets.
Rydal décide de les emmener en Crète. Au cours de cette cavale, sous l’effet de la fatigue et de la tension nerveuse,  les liens du couple se distendent et Rydal tente d’en profiter pour séduire Colette, ce qui, inévitablement, suscite la jalousie de Chester. Un rapport de force s’instaure entre les deux hommes.

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On sent bien la patte de Patricia Highsmith dans ce récit dont tous les enjeux reposent sur les personnages et les côtés les plus vils de l’espèce humaine : cupidité, jalousie, mensonge, tromperie, infidélité, lâcheté… Hélas, le réalisateur peine à exploiter efficacement son récit. On reste trop en retrait par rapport aux personnages. On ne parvient pas vraiment à s’attacher à eux. Pas à cause des acteurs, qui assurent le métier avec un indéniable talent. Ni à cause du script, assez bien écrit. Juste parce qu’il manque quelque chose qui viendrait transcender la mise en scène, un peu trop atone.
Plein soleil, la référence du cinéaste, était bien plus intense, et il le devait autant au jeu formidable de Delon et Ronet qu’à la réalisation de René Clément. Ici, on est plutôt au niveau du remake américain, Le Talentueux Monsieur Ripley. Mêmes qualités esthétiques et artistiques, même défaut : un manque de rythme et de fluidité, et une mise en scène beaucoup trop sage.
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Bingo! J’avais trouvé la clé de l’énigme. Je faillis inculper Hossein Amini pour outrage à film classique, mais je lui accordai le bénéfice du doute. Après tout, ce n’était que son premier film en tant que réalisateur et il pourrait sûrement s’améliorer au fil du temps.

The Raid 2 - 2

Chapitre 14 : Raid dingue

Pendant que mes collègues étaient partis déguster des grands crus au prestigieux dîner des domaines, j’assurai la permanence à la brigade, en compagnie du Lieutenant Ligier, un homme habitué à lire et relire nos rapports, mais qui n’était pas contre aller un peu sur le terrain pour se confronter aux films.
Soudain, le téléphone sonna. Je décrochai et tombai sur Céline Petit, la dynamique attachée de presse du Public Système cinéma. Sa voix trahissait une certaine panique. Une bombe était sur le point d’exploser dans la salle Clos des Mouches du Cap Cinéma. Pas le temps de prévenir l’équipe de déminage… Le lieutenant Ligier et moi-même partîmes illico pour la salle.
Sur place, la tension était palpable, même si le public, par précaution avait été évacué.
Alors? Où est cette bombe?
– Asseyez-vous dans la salle, ça va commencer…
– Hein, mais que?
– Et accrochez-vous, parce que ça va secouer…

Damned! Quel était ce traquenard ? Nous comprîmes un peu tard que Céline Petit nous avait piégés. Nous étions enfermés dans une salle avec la bombe prête à exploser…

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The Raid 2 : Berandal de Gareth Evans

The Raid premier opus fut un véritable choc cinématographique pour les amateurs de films d’action,  mais aussi pour les cinéphiles plus exigeants, stupéfaits par l’énergie dégagée par ce film indonésien sorti de nulle part, par la violence et la magnificence  des combats, chorégraphiés avec une précision et une fluidité inédites, ou encore par le parti-pris gonflé de l’unité de temps, de lieu et d’action. D’action non stop, même…
Ce second opus est de la même veine. En encore plus fort.

Plutôt que de tomber dans la facilité en reprenant exactement le même schéma – un raid de police dans une barre d’immeubles  entièrement aux mains de dangereux gangsters – il s’appuie sur un scénario totalement différent, conservant le même personnage principal, Rama (Iko  Iwais) mais explorant d’autres voies narratives et jouant sur d’autres codes du genre.
The Raid 2  est à la fois la suite directe du premier épisode, un film carcéral dans sa première partie, un film d’infiltrés dans sa seconde et une variation autour de la guerre des gangs dans le dernier tiers. Rama, après être sorti de l’immeuble avec un flic ripou sous le bras, est chargé d’une mission d’infiltration. Il doit se faire incarcérer sous une fausse identité et gagner la confiance du fils d’un des plus gros chefs de gang de Jakarta, se faire recruter à sa sortie de prison et, une fois dans le gang, accumuler suffisamment d’éléments pour coincer d’autres flics ripoux.
Comme il se doit, chaque étape du parcours est  un vrai morceau de bravoure, qui s’impose instantanément comme une nouvelle référence en matière d’action.
Les deux combats dans la prison en mettent plein les yeux. Dans le premier, Rama doit se battre seul contre une quarantaine d’enragés, une broutille… Dans le second, une bagarre entre détenus éclate et se termine en bataille rangée dans la boue avec l’irruption  des matons.

The Raid 2 - 3

Dans la deuxième partie, on compte une fusillade spectaculaire, l’assassinat non moins spectaculaire d’un homme de main et une course-poursuite en voiture des plus mouvementées qui ringardise toutes les autres en moins de dix minutes chrono.
Quant au final, il est évidemment grandiose, avec au menu un affrontement sauvage entre Rama et deux tueurs psychopathes, une bricol’girl armée d’un marteau et un fan de baseball, puis, surtout, un mano a mano d’anthologie entre le héros et un homme de main encore plus impressionnant Mad Dog, le colosse du premier opus.

Certains trouveront sans doute le film trop long (2h28, tout de même) et déploreront même des sautes de rythme fréquentes. Mais ces pauses sont nécessaires pour permettre au spectateur de profiter pleinement de toutes ces scènes d’action magistrales, chorégraphiées à la perfection.
C’est d’autant plus fort que le cinéaste ne se contente pas d’illustrer platement les combats. Il les filme avec des mouvements de caméra extrêmement élaborés, des plans-séquences virtuoses qui feraient pâlir de jalousie un Johnnie To. Et sa mise en scène brille aussi dans les moments plus calme, à l’image de la scène introductive, un plan fixe et assez large, en plongée, glaçant…

Bref, The Raid 2 : Berandal est tout simplement l’un des films d’action les plus marquants de l’histoire. Un plaisir brut pour amateurs du genre et pour cinéphiles purs et durs, du moins pour ceux qui ne seront pas effarouchés par l’extrême violence de l’oeuvre. A quand un troisième volet, pour clore une magnifique trilogie?

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La bombe nous explosa à la figure au bout de quelques secondes. Puis les détonations se succédèrent pendant plus de deux heures. Nous en réchappâmes par miracle, physiquement éprouvés, psychologiquement épuisés. Nous retrouvâmes l’attachée de presse à la sortie de la salle. Elle souriait, manifestement contente de son coup. La fille était complètement psychopathe. Nous n’étions hélas pas en état de l’arrêter. Le film nous avait plongé dans un tel état de béatitude cinématographique que nous étions complètement sonnés.
Nous appelâmes nos collègues en renfort, les priant d’intervenir au plus vite. Mais eux aussi étaient dans un état second, trop saouls pour se déplacer jusqu’au cinéma. Ils venaient d’être vaincus par un Corton Grand cru et un Beaune de 35 ans d’âge. Même le Lieutenant Rouyer, connu, dans le cercle de la police, pour sa grande sobriété et sa positive attitude, s’était laissé embrumer l’esprit par les breuvages en question. Nous dûmes donc nous résoudre à laisser filer la criminelle, conscients qu’elle tenterait de récidiver, quelques mois plus tard, dans plusieurs cinéma hexagonaux. (Et à vrai dire, nous espérions, au fond de nous même qu’elle réussirait à faire un maximum de victimes…)

(A suivre…)

Beaune 2014 bandeau

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Rédacteur en chef de Angle[s] de vue, Boustoune est un cinéphile passionné qui fréquente assidument les salles obscures et les festivals depuis plus de vingt ans (rhôô, le vieux...) Il aime tous les genres cinématographiques, mais il a un faible pour le cinéma alternatif, riche et complexe. Autant dire que les oeuvres de David Lynch ou de Peter Greenaway le mettent littéralement en transe, ce qui le fait passer pour un doux dingue vaguement masochiste auprès des gens dit « normaux »… Ah, et il possède aussi un humour assez particulier, ironique et porté sur, aux choix, le calembour foireux ou le bon mot de génie…

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