Les époux Beresord sont les moins connus des personnages récurrents d’Agatha Christie, mais cela ne les a pas empêché de bénéficier de leur propre adaptation cinématographique, n France, sous la houlette de Pascal Thomas.
Le cinéaste français a trouvé un second souffle en adaptant Mon petit doigt m’a dit…  Il a transposé l’intrigue de la campagne anglaise à la région Rhône-Alpes et a apporté une touche de fantaisie aux personnages de Prudence et Bélisaire Beresford en les faisant incarner par Catherine Frot et André Dussolier. Et il a surtout réussi à trouver le parfait équilibre entre intrigue policière et comédie décalée, charme désuet et préoccupations contemporaines.
Le succès a été au rendez-vous. Le public a pris du plaisir à suivre les aventures de ce drôle de duo et l’équipe du film, visiblement très complice, a voulu remettre le couvert pour un deuxième épisode.

Mon petit doigt m'a dit

Le hic, c’est que chez Agatha Christie, ces personnages ont essentiellement été utilisés dans des nouvelles – pas des plus palpitantes – et dans quelques romans d’aventures les opposant à des espions nazis. Difficiles à transposer dans une intrigue contemporaine… 
Heureusement,  comme Agatha Christie a écrit de nombreux romans policiers pour ses autres personnages-fétiches, Hercule Poirot et Miss Marple, Pascal Thomas a pu puiser dans les enquêtes de la seconde pour concocter une nouvelle aventure cinématographique pour son tandem d’acteurs.
Cela a donné Le Crime est notre affaire, une enquête plus classique, mais transcendée par la mise en scène espiègle de Thomas et des performances d’acteurs savoureuses. Là encore, gros succès public et critique, et envie de mettre en chantier un nouvel épisode…

A vrai dire, tout en ayant très envie de retrouver cette fine équipe, on appréhendait un peu ce troisième opus. On pensait que Pascal Thomas allait se contenter de décliner la même recette, puiser dans la bibliographie de Miss Christie de quoi mettre sur pied une intrigue criminelle qui tienne la route et permettre à ses comédiens de cabotiner gentiment dans leurs rôles de détectives amateurs. Et livrer un film sans surprise…

Erreur! Le cinéaste a choisi de nous prendre à contrepied.
Si le titre du film, Associés contre le crime… est bien le titre d’un des deux recueils de nouvelles avec les époux Beresford, et que les personnages sont toujours incarnés par les sémillants Catherine Frot et André Dussolier, le film n’a plus grand chose à voir avec l’univers d’Agatha Christie. Certes le scénario s’inspire d’une des nouvelles de la romancière, mais de très loin, pour déboucher sur un script  totalement original et assez tordu…

Associés contre le crime - 3

Dans cette histoire, Bélisaire s’apprête à prendre sa retraite, bien méritée après des années de service (secret). Il a écrt ses mémoires, une autobiographie où il raconte “ses” exploits en les enjolivant et en omettant le rôle parfois crucial joué par son épouse au cours de ses nombreuses missions…
Prudence se sent délaissée et trahie. Et surtout, elle ne supporte pas l’idée de se préparer à une petite vie tranquille, loin du feu de l’action. Là, la seule agitation à prévoir est la visite de leur fille, leur imbécile de gendre et leurs petits-enfants, deux faux jumeaux on ne peut plus différents, sauf quand ils ont décidé de mettre un bazar monstre… Très peu pour elle…

Alors, pour éviter la déprime, elle ouvre une agence de détective privé. Elle sait qu’elle va surtout se coltiner des filatures de maris volages ou d’épouses adultères mais elle espère que dans le lot, une affaire sera plus palpitante que les autres.
Le cas se présente avec la disparition d’une riche héritière russe, volatilisée alors qu’elle était sur le point de se marier. La dernière fois qu’on l’a aperçue, c’est dans une petite ville suisse que les Beresford connaissent bien, puisque leur tante Ada y était hébergée dans Mon petit doigt m’a dit…
C’est d’ailleurs dans la même bâtisse que les mènent leurs investigations. Sauf que la maison de retraite a depuis été transformée en luxueuse clinique de chirurgie esthétique.

Le couple s’aperçoit très vite que des choses pas très nettes – ni très rationnelles – se passent dans cette clinique. Ils se font passer pour des patients et se retrouvent embringués dans une sombre histoire de procédé miracle capable d’offrir aux clients une réelle cure de jouvence et source de toutes les convoitises…

Associés contre le crime - 2

Et les spectateurs s’apercevront très vite, eux, que cette trame n’est que le prétexte à un grand n’importe quoi scénaristique, un vrai bordel narratif qui débouche sur des choses totalement irrationnelles et déraisonnables.
Non mais franchement, ils ont abusé de substances illicites, Pascal Thomas et ses co-scénaristes, pour nous pondre un truc pareil?  Et ceux qui ont produit le film, ils ont lu le scénario avant d’accepter de le financer? La caution Agatha Christie leur a suffi? Raté, l’intrigue n’est pas du tout au niveau de ses classiques du roman policier, ni des deux films précédents de la série…
La mise en place est particulièrement laborieuse, ennuyeuse même, tout juste égayée par les efforts de Catherine Frot pour apporter un peu de rythme et d’humour au film. Et quand la partie policière reprend ses droits, que le suspense pourrait venir redonner un peu de souffle à l’ensemble, on bascule dans un délire surréaliste burlesque qui n’a plus grand chose à voir avec les romans d’Agatha Christie et ressemble plus à un épisode parodique de “La Quatrième dimension” remixé avec des films d’espionnages ou d’aventures parodiques. Un peu comme les OSS 117 ou les Fantomas d’André Hunebelle, mais avec des gags bizarres…
Certains apprécieront peut-être ce genre d’humour loufoque. Mais c’est un peu trop décalé pour nous, merci…

Associés contre le crime - 5

Outre cet humour particulier, il faut aussi supporter le cabotinage des acteurs principaux, qui ici se voit beaucoup, à cause de l’indigence du scénario, et le jeu calamiteux, ultra-faux, des seconds rôles.¨Pauvre Eric Naggar, affublé d’un accent teuton de nazi de série Z. Pauvre Nicolas Marié, pas crédible en docteur sadique. Pauvre Agathe de La Boulaye, qui semble constamment au bord de la crise de nerfs. Pauvre Linh Dan-Pham, qui roule des yeux pour manifester l’angoisse qu’elle éprouve à jouer ce personnage auquel personne ne comprend rien. Pauvre Youri Zagorski, obligé de démontrer par l’exemple que les colosses musculeux ont recours à la “gonflette”…
On ne parle même pas des interventions du jardinier des Beresford, que n’importe quel crétin pris au hasard dans la rue réussirait à jouer de façon plus juste. Ou des acteurs qui jouent dans les scènes de cirque – oui, il y a aussi un cirque, allez savoir pourquoi… – qui ont dû être enrôlés parce qu’ils étaient dans le coin, comme Julos Beaucarne…
A ce stade là, c’est volontaire. C’est sûrement supposé participer au charme décalé du film. Ou alors, c’est du grand foutage de gueule.

Associés contre le crime - 4

D’accord, Pascal Thomas n’a pas cédé à la facilité d’un troisième volet calqué sur les films précédents. Il a eu l’audace de proposer quelque chose de différent. Et on est heureux de voir qu’il s’amuse comme un fou à parsemer son film de références  cinématographiques. Le problème, c’est qu’il est désormais tout seul à s’amuser pendant qu’on s’ennuie ferme ou qu’on se désespère face à l’absurdité de cette parodie de parodie.
Non, finalement, on aurait bien voulu un film dans la ligné des précédents. Sans surprise, certes, mais surtout sans mauvaise surprise…

Fans d’Agatha Christie, amateurs de bons films policiers, cinéphiles de tout poil, associez-vous contre ce crime de lèse-majesté que constitue cette troisième aventure des époux Beresford, évitez soigneusement ce bidule cinématographique sans queue ni tête et revoyez plutôt à la place les deux précédents épisodes autrement plus enthousiasmants…

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Associés contre le crimeAssociés contre le crime… 
Associés contre le crime…

Réalisateur : Pascal Thomas
Avec : Catherine Frot, André Dussolier, Nicolas Marié, Eric Naggar,   Agathe de La Boulaye, Linh Dan-Pham
Origine : France
Genre : Agatha Christie sous ecstasy 
Durée : 1h44

Date de sortie France : 22/08/2012
Note pour ce film :

contrepoint critique chez : Le Journal du dimanche
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