A l’origine, “Until dawn” était un jeu vidéo (1) sorti sur Playstation, une sorte de récit interactif dans lequel le joueur incarnait tour à tour les différents membres d’un groupe d’adolescents coincés dans un chalet isolé en montagne et devant faire face aux assauts d’un tueur psychopathe, jusqu’au bout de la nuit. Son scénario était un hommage au cinéma horrifique, et principalement aux slashers des années 1980/1990.
Avec le franc succès commercial de ce “film interactif” sur consoles, il était logique que son adaptation cinématographique soit rapidement mise en chantier. Comme on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, c’est Sony, via PlayStation Productions, qui assure le développement, avec David F. Sandberg (Annabelle 2, Shazam!) à la réalisation et le duo Blair Butler/Gary Daubermann au scénario.
Ces derniers auraient pu garder l’intrigue du jeu en l’état et se contenter de quelques ajustements, mais ils ont pensé, sans doute à juste titre, qu’une telle démarche risquerait de mécontenter aussi bien les gamers que les cinéphiles. Les premiers auraient été déçus de ne pas se voir proposer une histoire différente, dont ils ne connaissent pas à l’avance les rebondissements, et les seconds, à l’exception de quelques nostalgiques de Jason Voorhees, Ghostface et Ben Willis (2), n’auraient peut-être pas adhéré à banal slasher à l’ancienne. Les auteurs ont bien gardé un point de départ similaire : Un an après que sa soeur Mélanie s’est mystérieusement volatilisée, Clover (Ella Rubin) entraîne quatre de ses amis dans un road trip sur les traces de la disparue. A proximité d’un endroit appelé Glore Valley, alors qu’ils cherchent leur chemin en forêt, ils sont pris par une violente averse et trouvent refuge dans un endroit qui semble mystérieusement épargné par la pluie, une vieille maison qui se revendique “centre d’accueil” sans que l’on comprenne bien pourquoi au vu de l’isolement total de la bâtisse. Dès la tombée de la nuit, ils deviennent les proies d’un tueur masqué prêt à les assassiner un par un.
Mais le carnage ne dure pas très longtemps. En même pas dix minutes chrono, l’ensemble du groupe est décimé, coupé façon puzzle à la hache, énucléé à coups de pioche, la face râpée contre le parquet. Game over ! Pas tout à fait, car ils se réveillent tous à nouveau à leur point de départ, dans la maison, juste un peu moins frais et évidemment chamboulés par leur mort atroce. Pour dynamiser le récit et rendre hommage aux mécanismes du jeu vidéo, où le joueur qui “meurt” a tout loisir de recharger une sauvegarde et de réessayer, les auteurs ont opté pour le principe de la boucle temporelle. Chaque fois que les personnages meurent avant l’aube, leur soirée est réinitialisée et ils ont une nouvelle chance de survivre à cette nuit d’horreur.
Cependant, et c’est là où les scénaristes ont été malins, les personnages ne revivent jamais les mêmes situations. Ce serait trop simple. A partir du moment où vous pouvez vivre encore et encore les mêmes situations, comme Bill Murray dans Un jour sans fin ou, pour rester dans le registre horrifique, comme Jessica Rothe dans Happy Birthdead, vous pouvez anticiper les problèmes et trouver des leviers pour changer les choses, encore et encore. Ici, on comprend vite que le nombre de tentatives n’est pas illimité. Les protagonistes sont marqués aussi bien physiquement et moralement par leurs trépas successifs et le registre de la réception, où figurent les noms d’autres disparus, n’incite pas à l’optimisme. Et surtout, chaque nuit confronte les cinq personnages à des menaces différentes, puisant dans les nombreux sous-genre du cinéma horrifique. Au tueur masqué succèdent une sorcière maléfique, des germes exterminateurs, des créatures monstrueuses. Tout un bestiaire fantastique concentré dans le même lieu, permettant de faire frissonner un large public et d’occasionner une infinité de scènes gore et violentes.
Le hic, c’est que cela fait peut-être beaucoup pour un seul film. Passé la mise en place et l’irruption de la boucle temporelle, il ne reste pas beaucoup de temps pour exploiter tout le potentiel de l’idée. Au point de passer directement de la quatrième nuit à la treizième, reléguant les autres à des extraits sur le smartphone d’un des protagonistes. Frustrant… A partir du moment où Sony envisage clairement de développer sa franchise au cinéma, comme le laisse à penser le plan final, il y avait peut-être moyen de prendre son temps et de développer davantage chaque univers. C’est d’autant plus dommage que, cherchant à tout prix à fournir une explication à cette histoire d’horreur sans fin, les auteurs cheminent vers un dénouement assez tarabiscoté, qui fera sûrement enrager les fans du jeu et laissera probablement perplexes les autres spectateurs qui auront bien du courage à démêler ce qui est du ressort de la psychologie – les traumas de Clover – du surnaturel – les wendigos des légendes indiennes – ou du n’importe nawak scientifico-fantastique autour d’un médecin inquiétant (joué par Peter Stormare, déjà dans le jeu d’origine).
Au niveau de la mise en scène, Until dawn, la mort sans fin reste assez sage. David F. Sandberg s’applique à utiliser les vieilles ficelles de la série B horrifique, chaque plan ayant déjà été éprouvé dans des dizaines de films par le passé. Mais au moins, il maîtrise son sujet. On est dans de la série B horrifique efficace, faisant la part belle aux effets spéciaux, confiés aux équipes d’Applied Arts FX Studio. Mention spéciale au carnage de la troisième nuit, qui va probablement dissuader à vie les spectateurs de boire l’eau du robinet. Avec Perrier qui donne un tout autre sens au “Perrier rondelle”, on va devoir repasser au jaja… Il faut ce qu’il faut.
Côté acteurs, rien de transcendant non plus. Si le jeu pouvait compter sur les versions numérisées de Hayden Panettiere et Rami Malek, les acteurs du films sont un peu plus lisses. Pas sûr qu’il émerge de cette promotion 2025 de nouvelles “scream queens”, même si Ella Rubin, Odessa A’zion,
Ji-young Yoo sont bien mignonnes et assurent le job. Idem pour Belmont Cameli et Michael Cimino, qui ne franchiront pas, avec ce film, “la porte du Paradis” (3).
”Lisse” est bien le terme qui convient. Le film se laisse voir, est efficacement mené, correctement joué, mais il manque un peu d’aspérités, de moments marquants, de changements de rythme qui permettraient de mieux vivre l’expérience et de personnages forts qui aideraient à l’identification aux personnages.
A l’arrivée, Until dawn, la mort sans fin laisse une impression très mitigée, les bonnes idées étant gâchées par d’autres moins inspirées. Ce n’est pas un mauvais film, mais certainement pas un bon film non plus. En fait, on est dans du pur produit de consommation, à l’instar des popcorns insipides dont se bâffreront les spectateurs de ce long-métrage également assez fade. Ce n’est pas très fin, ça se mange sans faim, mais ça ne nourrit pas vraiment. Et effectivement, on suit le récit sans déplaisir, mais on l’oublie illico dès la sortie de la salle. Dommage, car le jeu semble, lui, avoir marqué durablement les gamers. Il n’est jamais simple de passer de la console ou du PC vers le grand écran et des ratages comme Resident Evil ou Alone in the dark le prouvent. Rares sont les films qui parviennent à retranscrire l’ambiance de ces jeux de “survival horror”. Ils se comptent sans doute sur les doigts décharnés d’un wendigo (citons le Silent hill de Christophe Gans, pourtant pas épargné par les gamers). Celui-ci est correct, mais sans plus, et ne révolutionnera certainement pas le genre. Et notre critique ne tournera pas en boucle sans fin jusqu’à affirmer le contraire !
(1) : “Until Dawn” disponible sur PS4, PS5 et sur PC
(2) : Pour les néophytes, ce sont les antagonistes de Vendredi 13, Scream et Souviens-toi l’été dernier
(3) : Pour ceux qui n’auraient pas la ref’, MIchael Cimino est l’homonyme du réalisateur de La Porte du Paradis
Until dawn, la mort sans fin
Until dawn
Réalisateur : David F. Sandberg
Avec : Ella Rubin, Odessa A’zion, Ji-young Yoo, Belmont Cameli, Michael Cimino, Peter Stormare
Genre : Horreurs en boucle
Origine : Etats-Unis
Durée : 1h43
Date de sortie France : 23/04/2025
Contrepoints critiques :
”Évidemment, si on aime le jeu on est un peu frustré par le sentiment que les personnages du film ne sont pas vraiment en situation de risque s’ils revivent chaque nuit, et la bande d’amis manque un peu de charisme pour qu’on s’y attache vraiment. Mais le tout reste est efficace et constitue peut-être même la meilleure adaptation Playstation pour le moment !”
(Océane Cachat – Abus de ciné)
”Aucun enjeu dramatique n’est vraiment identifiable dans ce long métrage, adapté du célèbre jeu vidéo, qui empile les clichés du film d’horreur pour ados.”
(Yohan Haddad – Télérama)
Crédits photos : copyright Sony Pictures