Décidément, ce début d’année cinématographique reflète bien les angoisses de notre société. La crise économique est là, et avec elle son cortège de vies brisées, de difficultés qui menacent de faire sombrer des bonheurs que l’on pensait insubmersibles.
Louise Wimmer dresse le portrait d’une femme en grande précarité, sous la forme d’une chronique sociale simple et poignante, dans la lignée d’un Ken Loach ou des néoréalistes italiens. Dans Une vie meilleure, Cédric Kahn utilise, lui, la forme d’un film noir.
Il raconte la descente aux enfers d’un couple de gens modestes, pris dans l’engrenage fatal du surendettement.

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Au début, Yann et Nadia ont pourtant tout pour être heureux. Il est cuisinier dans une cantine scolaire, elle est serveuse dans un restaurant. Ils se rencontrent et tombe éperdument amoureux l’un de l’autre. La jeune femme à un enfant qu’elle élève seule, Slimane, mais Yann parvient instantanément à nouer une relation complice avec le garçon. Ils envisagent l’avenir avec sérénité.
Un jour, au cours d’une promenade au bord d’un lac, ils découvrent une maison abandonnée. Yann tombe instantanément sous le charme du bâtiment, qu’il trouve idéalement situé pour y implanter son propre restaurant et réaliser ainsi son plus grand rêve. Sur un coup de tête, le couple décide de se lancer dans cette aventure et fait une offre pour acheter la propriété.

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Problème, le bâtiment a un prix assez élevé et nécessite beaucoup de travaux pour être mis aux normes de sécurité et d’hygiène. Or Yann et Nadia n’ont absolument pas d’argent de côté . Ils mystifient la banque en faisant croire qu’ils ont bien un apport personnel alors qu’ils ont en fait contracté plusieurs crédits à la consommation pour réunir cette somme. Calcul risqué, car les intérêts de ses emprunts sont élevés et doivent s’additionner au remboursement du prêt immobilier, plus à l’achat du mobilier et des victuailles. Mais Yann croit beaucoup au potentiel économique d’un restaurant aussi bien situé.

Malheureusement, très vite, les difficultés s’accumulent. Les travaux prennent plus de temps que prévu et, pire, s’avèrent insuffisants pour garantir l’ouverture de l’établissement. Or, pas d’ouverture, pas de rentrées argent, et le couple se retrouve non seulement dans l’incapacité de financer les aménagements demandés, mais aussi de rembourser les mensualités de l’emprunt.
Ils se tournent vers les services sociaux qui refusent de les aider dans la réalisation de ce projet trop hasardeux et leur conseillent de revendre au plus vite le restaurant.
Yann refuse, trop fier pour abandonner son idée à mi-chemin. Nadia, de son côté, prend conscience de la folie de cette entreprise. On lui a proposé un poste mieux payé au Québec et elle a décidé de l’accepter, laissant son compagnon se débrouiller tout seul avec son obsession.

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Avant de partir, elle lui demande toutefois un dernier service : s’occuper de Slimane le temps qu’elle s’installe à Montréal et puisse le faire venir à ses côtés. Mais les mois passent et rien ne se déroule comme prévu. Nadia finit même par ne plus du tout donner de nouvelles. Et pendant ce temps, Yann galère de plus en plus, englué dans les dettes et obligé, de surcroît, de s’occuper d’un enfant.

Dans l’incapacité de trouver des sources de financement ou des partenaires, le jeune homme n’a d’autre choix que de se résoudre à louer son bâtiment pour limiter ses pertes, en passant par l’intermédiaire d’un type plutôt louche.
Mais les problèmes ne s’arrêtent pas pour autant. Yann et Slimane déménagent dans un taudis loué à des “marchands de sommeil” et doivent trouver des astuces pour pouvoir manger et vivre à peu près décemment. Chaque jour passé dans cette précarité grandissante les rapproche un peu plus du moment où Yann sera contraint de revendre son bien…

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Si le film peut être catalogué comme un film noir, cela tient au fait que chaque pas des personnages, chaque action tentée pour résoudre les problèmes, ne fait qu’empirer une situation déjà compliquée. Yann, Nadia et Slimane sont comme pris dans des sables mouvants économiques et sociaux dans lesquels se débattre ne sert qu’à amplifier le calvaire… Et cela repose aussi sur la métamorphose progressive de Yann, obligé de se compromettre moralement pour continuer à vivre.

À la base, le jeune homme est plutôt gentil, attentionné, droit et honnête. Même s’il galère, il entend bien rester intègre et vertueux. Mais plus la situation empire, plus son humeur s’assombrit. Il devient irritable, presque violent parfois, face à un Slimane déboussolé par le silence prolongé de sa mère. Et il réalise avec effarement que l’honnêteté n’est pas toujours bonne conseillère : quand il s’aperçoit que le garçon a dérobé une paire de baskets dans un magasin, il le sermonne méchamment et le contraint à rapporter l’objet du délit, mais se retrouve obligé par le directeur de la boutique de payer les chaussures…

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Alors, puisque la société est à ce point injuste, Yann commence à faire quelques entorses à son éthique personnelle. Il dérobe à son travail quelques denrées que Slimane et lui vont revendre à leurs voisins en échange de quelques euros, pas grand-chose, mais dans leur situation, leur budget se doit d’être calculé au centime près.
Plus tard, quand Yann n’aura d’autre choix que de rejoindre le Canada pour retrouver la trace de Nadia, il devra encore franchir une de ses barrières morales…
Et là-bas, dans le Grand Nord, il découvrira que le parcours de la femme qu’il aime n’est pas plus glorieux que le sien…

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Le constat est sombre et glacial. On est loin de la success story que laissait présager le titre et les premières images du film.
Cédric Kahn dresse le portrait d’une société capitaliste au bord du gouffre, qui pousse les individus à rêver et à investir pour se donner les moyens de les réaliser, sans les alerter des risques encourus. Une société où les organismes sociaux sont dépassés et inadaptés, où la plupart des gens sont soit trop pris à la gorge par leurs propres problèmes, soit trop égoïstes pour aider ceux qui sont dans le besoin.
Une société où de nombreuses personnes exploitent la détresse des plus démunis : organismes de crédits à la consommation qui font miroiter des réserves d’argent confortables en n’insistant pas suffisamment sur les intérêts usuraires qu’ils vont devoir rembourser, marchands de sommeil qui fournissent des taudis à des prix anormalement élevés et usent de violence pour récolter les loyers, voyous profitant de la faiblesse des plus pauvres pour les contraindre à participer à des activités illégales… 
Et le constat n’est guère plus brillant d’un coté ou l’autre de l’Atlantique…

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La seule chose qui éclaire ces ténèbres, c’est la volonté de s’en sortir, la foi en un avenir qui, de toute façon, ne pourra être que meilleur. Et les liens indéfectibles qui unissent les personnages principaux, solidaires dans le malheur et la misère…  
A la fin du film, on les abandonnera sans avoir aucune garantie quant à leur futur. Ils auront probablement encore bien des épreuves difficiles à traverser, mais au moins, ils auront pris conscience qu’ensemble, ils sont mieux armés pour le faire.

Avec une vie meilleure, Cédric Kahn signe un film percutant, trouvant le bon équilibre entre critique sociale et émotion, sans jamais sombrer dans le pathos.
Il se contente d’une mise en scène sobre et élégante qui ne fait jamais d’ombre aux comédiens. On aurait pu craindre que Guillaume Canet et Leïla Bekhti soient un peu trop beaux pour être crédibles dans ces rôles de gens modestes englués dans les problèmes financiers. Ils sont tous deux impeccables. Elle est bouleversante en mère de famille paumée obligée d’abandonner son enfant pour aller tenter sa chance dans nouvel Eldorado – sur le papier du moins. Lui est très juste en antihéros obstiné, s’accrochant vainement à ses rêves de réussite et d’élévation sociale.

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Il ne s’agit peut-être pas là du meilleur film de la semaine, mais c’est une oeuvre totalement en phase avec les problématiques actuelles, qui nous rappelle utilement que beaucoup de gens qui nous entourent vivent dans la précarité ou dans des situations de grande détresse financière.

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Réalisateur : Cédric Kahn
Avec : Guillaume Canet, Leïla Bekhti, Slimane Khettabi, Abraham Belaga, Nicolas Abraham, Brigitte Sy
Origine : France, Canada
Genre : panne d’ascenseur social 
Durée : 1h50
Date de sortie France : 04/01/2012
Note pour ce film : ●●○○
contrepoint critique chez : Le Figaro

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