“Une petite zone de turbulences” d’Alfred Lot

En 2002, Michel Blanc nous régalait avec Embrassez qui vous voudrez, une comédie acide sur les relations humaines, où il restituait avec bonheur le cynisme et la folie douce du roman de Joseph Connoly dont il était tiré (1).
Rien d’étonnant à ce qu’il ait accepté d’adapter le roman d’un autre auteur britannique, Mark Haddon, au style assez similaire, drôle et cruel, « Une situation légèrement délicate » (2).

Le résultat, francisé mais au ton so british, a donné le scénario d’Une petite zone de turbulences. Le texte est assez fidèle au contenu original, malgré quelques coupes nécessaires : un homme hypocondriaque en pleine crise d’angoisse existentielle réagit mal à l’annonce du remariage de sa fille, une enfant gâtée au caractère explosif, avec un beauf au « Q.I. à un chiffre ». D’autant que son fils homosexuel devrait profiter de la cérémonie pour leur présenter son compagnon, que l’amant de sa femme sera peut-être également présent et surtout, qu’il doit faire face à l’apparition d’une vilaine tache sur sa peau, au bas du dos… L’ensemble est prétexte à une variation assez peu originale sur la vie de famille et les embûches que la vie réserve, mais surtout à des répliques assez irrésistibles, parfaitement ciselées, où l’on retrouve la finesse d’écriture et d’adaptation de Michel Blanc.
De quoi donner une comédie drôle et enlevée.

Hélas, à l’écran, cela ne fonctionne qu’à moitié. La faute, principalement, à la mise en scène d’Alfred Lot, à qui a été confiée la réalisation du film. Le jeune cinéaste nous avait pourtant agréablement surpris avec son premier long-métrage, La Chambre des morts, thriller à l’ambiance baroque, aux frontières du fantastique. Ici, il adopte un style au contraire désespérément plat, sans âme, dépourvu de rythme. A-t-il manqué d’expérience vis-à-vis de la comédie, genre exigeant, complexe ? Ou d’inspiration – cela peut arriver ? Ou encore, a-t-il été intimidé par Michel Blanc, acteur et auteur de comédies reconnu ? Toujours est-il que sa mise en scène bien trop timorée plombe complètement la narration et donne l’impression d’un enchaînement de petits sketchs assez banals, parfois drôles, parfois convenus.
De quoi regretter que Michel Blanc n’ait pas accepté de réaliser lui-même le film.

Surtout que le film s’appuie sur un casting plutôt efficace : Blanc incarne lui-même le rôle du père de famille hypocondriaque et hystérique, évoluant dans son registre de prédilection de looser magnifique. Miou-Miou est également parfaite en épouse pas si sage, dépassée par les événements. Mélanie Doutey semble aussi très à l’aise dans le registre de la comédie et s’avère assez irrésistible en fille au bord de la crise de nerfs, « chieuse » mais absolument craquante. A ses côtés, Gilles Lellouche joue sur le côté brute épaisse de son personnage, laissant intelligemment filtrer ses bons côtés pour s’avérer in fine le personnage le plus équilibré du lot. Le jeune Cyril Descours offre également de la nuance à son personnage d’homosexuel incapable de s’engager amoureusement, pourtant un peu sacrifié dans le script.

A l’arrivée, le sentiment est des plus mitigés. Une petite zone de turbulences n’est ni franchement mauvais, ni vraiment ennuyeux, mais on en sort un peu frustrés, conscients d’être passés de peu à côté d’une belle comédie. La zone de turbulences en question ne provoque hélas que bien peu de remous et ne laissera pas un souvenir impérissable. Les fans de Mark Haddon se consoleront peut-être avec l’adaptation hollywoodienne de « L’Etrange incident du chien pendant la nuit » (3), normalement confiée à Steve Kloves dès qu’il aura fini les scénarii des deux derniers épisodes de la saga Harry Potter…

(1) : « Embrassez qui vous voudrez (Vacances anglaises) » 
de Joseph Connoly – éd. Points
(2) : « Une situation légèrement délicate »
de Mark Haddon – coll. Pocket – éd. Nil éditions
(3) : « Le bizarre incident du chien pendant la nuit »
de Mark Haddon – coll. Pocket – éd. Nil éditions

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Une petite zone de turbulences
Une petite zone de turbulences

Réalisateur : Alfred Lot
Avec : Michel Blanc, Miou-Miou, Mélanie Doutey, Gilles Lellouche, Cyril Descours, Wladimir Yordanoff
Origine : France
Genre : comédie dramatique
Durée : 1h48
Date de sortie France : 13/01/2010

Note pour ce film : ●●●○○○

contrepoint critique chez : Le Parisien
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