Marc Palestro (Jean Dujardin)  est apparemment un homme heureux. Marié à la douce Clotilde (Sandrine Kiberlain) et père d’une petite fille de dix ans, il habite une belle villa avec piscine du côté d’Aix-en-Provence et travaille avec son beau-père (Michel Aumont) dans une prestigieuse agence immobilière du sud de la France.
Pourtant, il y a en lui une vieille blessure, liée à son passé, à son enfance, qui n’a jamais vraiment cicatrisé et qui n’attend que l’occasion de se rouvrir…

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Un jour, Marc tombe sur une cliente (Marie-Josée Croze) dont le visage et le regard ravivent en lui des souvenirs jusqu’alors refoulés. Il est persuadé d’avoir retrouvé la belle Cathy, son amour d’enfance, sa petite voisine lorsqu’il habitait Oran, juste avant la guerre d’Algérie. Il est troublé par ces souvenirs qui affluent à la surface et par la force du sentiment qu’il éprouve pour cette femme, d’autant qu’elle semble elle-aussi attiré par lui..
Ils passent une nuit ensemble, puis elle reprend ses distances. Marc essaie de la retrouver, mais peu à peu, il se met à douter de l’identité réelle de la belle cliente. Est-elle vraiment cette petite fille qu’il a connu jadis? Et si non, qui est-elle? Et que veut-elle?

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La trame d’Un balcon sur la mer, le nouveau film de Nicole Garcia, a un petit air de thriller hitchcockien.  L’obsession du personnage joué par Jean Dujardin pour cette blonde mystérieuse surgie d’un passé refoulé, l’identité trouble et l’ambiguïté de cette dernière, font forcément penser au chef-d’oeuvre du maître du suspense, Sueurs froides.
Mais aborder le film exclusivement sous cet angle est le meilleur moyen d’être déçu.
Le problème ne vient pas de l’intrigue en soi. Même si elle n’est pas toujours très crédible, elle est suffisamment bien menée pour réserver quelques surprises. C’est plus le rythme du film qui peine à convaincre, trop mou, trop lent pour un film à suspense.

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C’est qu’en fait, le sujet principal est moins une intrigue criminelle articulée autour d’une transaction immobilière frauduleuse qu’une histoire d’amours contrariées et une variation autour de l’obsession amoureuse.
Ce qui importe ici, c’est la façon dont la vie de Marc et de Cathy est bouleversée par ces retrouvailles inespérées, les failles gigantesques qui s’ouvrent en eux. Et dans ce registre-là, le film est beaucoup plus réussi.
Nicole Garcia, on le sait, est une brillante directrice d’acteurs.  Elle le prouve une fois de plus en exploitant au mieux le potentiel du duo Jean Dujardin/Marie-Josée Croze. Les visages, les regards de l’un et de l’autre, trahissent le trouble profond de ces personnages, en apparence forts et sûrs d’eux, mais en réalité en proie au doute et tiraillés entre raison et sentiments. Des choses pas simples à retranscrire à l’écran, mais qui, grâce aux comédiens et à la cinéaste, sont parfaitement restituées…

Evidemment, les thèmes abordés ne sont pas franchement novateurs, et certains trouveront à redire quant à l’académisme de la mise en scène. L’argument se défend. On peut effectivement préférer un cinéma plus audacieux, plus moderne dans son approche. Cela dit, la mise en scène de la réalisatrice, certes classique, ne manque pas d’élégance, et est sublimée par la photo magnifique de Jean-Marc Fabre. Elle s’inscrit dans la continuité de l’oeuvre de Nicole Garcia et des réalisateurs français avec qui elle a tourné en tant qu’actrice, de Claude Sautet à Michel Deville.

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De même, on ne peut pas reprocher à la cinéaste de continuer à développer des thématiques cohérentes d’un film à l’autre. Ses héros sont toujours des êtres humains en perdition. Des personnes qui cherchent leur place dans la société, ou dans un microcosme, comme la cellule familiale.
Nathalie Baye, dans Un Week-end sur deux, cherchait à assumer un rôle de mère que ni son ex-conjoint, ni ses enfants ne semblaient prêts à lui accorder. Les trois frères joués par Gérard Lanvin, Bernard Giraudeau et Jean-Marc Barr cherchaient leur place au sein d’une structure familiale en crise dans Le Fils préféré. Dans Place Vendôme, Catherine Deneuve incarnait une dépressive alcoolique tentant de refaire surface par le travail, en reprenant en main la bijouterie de son mari. Dans L’Adversaire, Daniel Auteuil, lui, se construisait sa place dans la société à coups de mensonges, avant de se muer en meurtrier pour protéger son secret. Enfin, Selon Charlie faisait se croiser plusieurs personnages en quête d’eux-mêmes, à un moment-clé de leur existence…

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Les films de Nicole Garcia reposent tous sur la profondeur de l’âme humaine et des relations entre les êtres.
Ce film-là ne fait pas exception à la règle. Il traite de la force du désir unissant les deux personnages principaux, qui se cherchent l’un l’autre et se cherchent eux-mêmes, tout en complexifiant la relation avec un trauma enfantin assez fort – les violences de la guerre d’Algérie, l’exode forcé des anciens colons… On ne saura pas si Marc et Cathy tombent amoureux l’un de l’autre par pure attirance physique, par nostalgie pour leur enfance commune, ou parce qu’ils sont liés par un même traumatisme, une souffrance commune qu’ils ne peuvent partager avec personne d’autre… Sans doute un peu des trois.
La cinéaste signe par ailleurs un film très personnel, puisqu’elle a elle-même passé son enfance à Oran, avant de rejoindre la France métropolitaine en 1962, suite à la décolonisation. La part d’ombre de ses personnages, leurs blessures, les souvenirs refoulés, ce sont bien sûr un peu les siens…

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Un balcon sur la mer est donc un film portant très fortement l’empreinte de son auteure, Nicole Garcia. Il possède les mêmes qualités artistiques – image et montage soignés, direction d’acteurs parfaite, y compris au niveau des seconds rôles – Claudia Cardinale, Sandrine Kiberlain, Michel Amont et Toni Servillo n’ont pas de grandes partitions à défendre, mais ils assurent le métier avec talent – et mise en scène classique, la même richesse thématique, mais souffre aussi, hélas, des mêmes scories – émotion corsetée, rythme un peu trop traînant par moments, ambiance un brin déprimante…
Les admirateurs de la cinéaste aimeront probablement, ses détracteurs verront leurs convictions renforcées.
A chacun de se forger sa propre opinion. Pour notre part, nous avons plutôt aimé, même si nos goûts personnels nous poussent vers un cinéma un peu plus audacieux et moins rigide…

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Un balcon sur la mer Un balcon sur la mer
Un balcon sur la mer

Réalisatrice : Nicole Garcia
Avec : Jean Dujardin, Marie-Josée Croze, Toni Servillo, Michel Aumont, Sandrine Kiberlain, Claudia Cardinale
Origine : France
Genre : thriller psychologique intimiste
Durée : 1h45
Date de sortie France : 15/12/2010
Note pour ce film :

contrepoint critique chez :  Le Figaro

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1 COMMENT

  1. Bonjour,

    Merci pour votre message qui fera sûrement plaisir à Jean Dujardin et Nicole Garcia si d’aventure ils nous font l’honneur de lire notre humble critique.

    J’ai masqué vos coordonnées personnelles car je pense qu’il n’est guère prudent de laisser ainsi votre numéro de téléphone sur un site internet. Vous risqueriez des appels de plaisantins ou d’usurpateurs d’identité.

    Le mieux, pour faire aboutir votre projet de scénario, serait de contacter directement les intéressés.
    Je n’ai pas, hélas, leurs coordonnées personnelles, mais vous pouvez contacter la réalisatrice par le biais de son
    agent, dont voici les coordonnées :

    Cécile Felsenberg
    UBBA
    6, rue de Braque
    75003 Paris
    France
    Téléphone : +33 1.44.54.26.40
    Fax : +33 1.44.54.08.44

    Cordialement

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