Ça commence avec un mec qui marche dans la rue en râlant sur les gens. Un branleur misanthrope qui part se lamenter chez sa pote en sifflant quelques bières.
Avec ce dessin hyper simple et naïf, ces couleurs primaires et criardes, on prend ça au premier degré et on s’attend à un livre assez basique, une satire sociale légère et dans l’air du temps décrivant les trentenaires d’aujourd’hui à l’aide d’un humour teinté de cynisme…
Sur la route, il s’arrête à l’épicerie chopper quelques mandarines pour sa copine et tombe sur un gars étrange en pure crise d’angoisse à l’idée de choisir entre deux marques de whisky. Angoisse qui le poussera jusqu’à la catalepsie, complètement paralysé, uniquement capable de répéter en boucle une phrase chelou tirée d’un obscur conte russe.
On se dit alors que l’auteur veut emmener une p’tite touche absurde dans son récit… pourtant, cet événement marquera le véritable départ du bouquin : d’abord doucement intrigué par ce bizarre bonhomme, l’intérêt du héros pour cette transe catatonique tournera rapidement à l’obsession, s’embarquant dans une enquête qui se transformera petit à petit en une véritable quête ; quête intérieure, quête initiatique, quête philosophique…
De même, au fur et à mesure que le personnage avancera dans son introspection, nous verrons que le dessin s’avèrera également bien moins simpliste qu’au premier abord, révélant une construction et une mise en page bien particulières, jouant avec les proportions et les codes, pour, finalement, devenir totalement cohérent avec le décalage proposé – et assumé – par l’auteur.
Un livre étonnant que cet Autre sang, donc, pas forcément évident d’approche, mais qui se révélera à qui saura s’y pencher comme une surprenante réflexion philosophique sur l’importance de nos actes, de nos mots, et plus généralement, sur la personne que l’on choisit d’être… quel que soit notre sang.
* Un autre sang, de Sergi Puyol (Ed. Rackham)