– Au vent mauvais, de Rascal & Murat –

« Les sanglots longs
Des violons
De l’automne
Blessent mon cœur
D’une langueur
Monotone.

Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l’heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure.

Et je m’en vais
Au vent mauvais
Qui m’emporte
Deçà, delà
Pareil à la
Feuille morte. »

Chanson d’automne, Paul Verlaine.

Dans ce poème, sûrement l’un des plus connus de Verlaine, l’auteur traite d’un homme confronté à son sort et balloté dans un monde qui lui est hostile.

En titrant leur album Au vent mauvais, Rascal et Murat se rapprochent de ce poème pour nous relater l’histoire de cet homme qui sort de prison après une longue incarcération, et qui se retrouve perdu dans un monde si différent de celui qu’il connaissait avant.

Ne sachant où aller, cet homme, à l’automne de sa vie, se laisse aller au vent mauvais, deçà delà, pareil à la feuille morte. Il ne choisit pas son destin, mais le subit.

Avant son arrestation, il avait enterré son butin dans une vieille usine désaffectée.
L’usine étant maintenant devenue une fondation d’art moderne, une chape de béton recouvre son butin et le rend inaccessible. Qu’importe, il l’abandonne en se disant que ce sera sa contribution au musée.
Le voilà mécène malgré lui…

Assis sur un banc, un téléphone oublié sonne à ses côtés.
Il répond. Sa propriétaire lui explique qu’elle l’a perdue et lui demande de lui renvoyer par la Poste.
A la Poste, plus d’une heure de queue l’attend. Il a passé trop de temps à attendre en prison. Il repart, donc, le téléphone en poche
Sans trop tarder, il tombe sur cette voiture qu’un homme pressé a laissée tourner le temps d’acheter ses cigarettes. Il s’assoit à son volant, passe une vitesse, et commence alors un long voyage, bien décidé à remettre le téléphone en main propre à cette fille qu’il ne connait pas, mais dont il aime déjà la voix.

Sur le siège arrière, un chien. Ce sera donc son chien, comme celui qu’il avait quand il était gamin.

Chemin faisant, il passe par cette ville où il a grandi, s’arrête sur la tombe de ses parents…

 

Comme Verlaine, il se souvient des jours anciens, et il pleure.
Il ressasse son passé avec quelque nostalgie. Même s’il ne fut pas des plus doux, il y retrouve une certaine tranquillité, une quiétude… quelque chose de rassurant.

Un récit sur les temps passés, le temps qui passe, la difficulté parfois d’y trouver sa place…
Un lent voyage que Rascal choisi de nous raconter entièrement en voix off (à peine 2 répliques dialoguées dans tout l’album) ; une voix off qu’il accole aux dessins de Murat, de belles cases au teintes sépia qui prennent le temps de s’attarder sur un paysage, un visage, une enseigne…
Un peu comme si l’on regardait de vieilles photos jaunies, feuilletant avec l’homme l’album de sa vie.

Et nous, lecteurs ?
On se laisse balader, emporter, transporter, par ce vent bien loin d’être mauvais, ce tourbillon de nostalgie et de mélancolie qui nous touche au plus profond…

Au vent mauvais, de Rascal & Thierry Murat (ed. Futuropolis).

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