– Personne ne me fera de mal, de Giacomo Monti –

Luca va aux putes comme il irait chez le docteur : il se déshabille en lâchant distraitement deux trois banalités, fait ce qu’il a à faire – pas plus enjoué que ça –, se rhabille en continuant son semblant de discussion – dont le seul intérêt étant de combler le vide –, paye son dû, et s’en va reprendre sa morne petite vie.

Morne, car sa vie se résume à peu de chose près à l’anecdote ci-dessus.
Ah ça, il aimerait bien avoir plus de succès avec les filles, s’absenter de son travail plan-plan quelques instants pour un petit coup vite fait bien fait dans les toilettes : ça pimenterait un peu sa vie sexuelle… et ça lui éviterait aussi de se coltiner les repas chez la grand-mère qu’il ne supporte qu’afin de lui extorquer les quelques euros nécessaires à payer ses passes !

Bon, dans cette bédé, y a pas que Luca, non plus : y aussi son pote journaliste, par exemple.
Un exemple pas beaucoup plus reluisant, ceci-dit. Un arriviste sans scrupules, prêt à fournir pour de l’argent des clichés compromettant d’un joueur de foot qu’il appréciait pourtant énormément… avant d’apprendre son homosexualité !
Une révélation – et le cachet en découlant – plus importante que tout à ses yeux. Même lorsqu’il se brisera les os en prenant lesdites photos, l’état de sa pellicule le préoccupera plus que son propre état de santé !

 

Dans cette galerie d’hurluberlus, on trouvera aussi deux vieux machos qui tournent en rond en voiture jusqu’à ce qu’ils tombent sur un transsexuel à tabasser, une fille perdue prête à reprendre son ex insupportable plutôt que de passer une soirée seule, ou encore un hooligan bas-du-front qui avoue à la caissière d’une station-service que si ses potes roupillaient pas dans le bus, ils lui auraient salement retourné sa boutique…

Une bande de loosers aussi égoïstes que limités (et inversement), tellement ancrés dans leur vie médiocre et autocentrée que même l’approche d’une armada d’extra-terrestres ne leur provoque pas plus d’émoi ou d’intérêt que ça…

Peut-être est-ce pour cela que l’auteur traitera cet évènement avec autant de détachement et de monotonie que le reste.

Peut-être aussi est-ce pour cela qu’il choisira ce dessin si simple et austère, brut et abrupt.

Une série d’instantanés où l’humour se pare d’un tel cynisme qu’il en ressort une image bien triste et pessimiste de notre société, où même le fantastique finit par paraître banal, où même l’extraordinaire semble extra-ordinaire.

Personne ne me fera de mal, de Giacomo Monti (ed. Rackham).

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