– Tokyo, de Joann Sfar –

Avec Les lumières de la France (click), on retrouvait le Joann Sfar un peu chien-fou que l’on aimait tant à ses débuts, oubliant ses élucubrations judéo-philosophiques pour revenir à quelque chose de beaucoup plus léger et drôle, où les donzelles se faisaient joyeusement trousser tout en devisant avec les poissons…

Poussant encore plus loin dans cette direction, le bédéaste multifacettes nous livre aujourd’hui un objet étrange, mélangeant dessins et prises de vues réelles, dans lequel il balance en vrac et sans vergogne tout ce qui lui passe par la tête, par le coeur… et même un peu plus !

Avec Tokyo, il nous embarque donc dans un univers foutraque et sans queue ni tête où se croiseront des demoiselles au physique alléchant vêtues de tout petits shorts en cuir, des lions libidineux et des tigres joueurs d’ukulélé, des crocodiles et autres monstres marins issus des profondeurs abyssales autant que de l’eau marécageuse d’un bayou, une banane génétiquement modifiée bien vicelarde et une dessinatrice de BD tout aussi chaude, un ex-militaire écorché et une présentatrice télé adepte du SM… ou encore bien d’autres figures tout aussi fantasques emportées dans un grand tourbillon n’importequoitesque !

Malheureusement, ce grand tourbillon n’aura pas emporté que les personnages : seules quelques bribes de trames scénaristiques subsisteront dans son sillage.
De ce qui aurait pu être une grande fresque trash, primale et jouissive, nourrie de baise et de baston, restera finalement un amoncellement de scènes sans réel lien entre elles… à part les éternelles obsessions de l’auteur.

 

Alors que l’on aurait adoré suivre ces personnages dans un road movie endiablé peuplé de meufs à poil et de corps musclés, on a trop souvent l’impression d’être tombé sur de nouvelles pages d’un carnet intime de Sfar.
Du coup, derrière cet album qui se voudrait (se revendiquait ?) bête et méchant, on découvre plutôt quelque chose de très personnel, une sorte de défouloir bordélique où l’auteur règle ses comptes avec ce qui l’énerve, s’amuse avec ce qu’il aime, ou réfléchit sur ce qui lui trotte dans la tête : sa condition d’artiste, son œuvre et la perception qu’en ont ses lecteurs, son rapport à la bédé… ainsi que ses pulsions les plus profondes et bestiales !

Les fervents amateurs de ses fameux carnets seront sûrement conquis, ceux qui s’attendaient à un pur délire violent et décérébré resteront sur le bord du chemin…

Tokyo, de Joann Sfar (ed. Dargaud).

3 Comments

on “– Tokyo, de Joann Sfar –
3 Comments on “– Tokyo, de Joann Sfar –
  1. Merci Rubrique à brac! C’est bien dommage pour le coté scénario absent! Mais hélas cela devient une marque de fabrique chez cet auteur! Bon, pas grave, c’est plein d’autres sorties intéressantes en ce moment! :)

  2. Pour le 2ème album je pense que J Sfar va, sans surprises, virer la narration, délaisser les images photoshop et tenter de faire plus trash / radical.
    Le problème : Sfar n’est jamais très bon quand il est en roue libre, on l’a vu sur pas mal de ces albums précédents.
    Mais si son éditeur faisait son travail…

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