– Ô dingos, ô châteaux !, de Manchette & Tardi –

Dans la préface de cet album, François Guérif nous relate que quand Manchette publia son roman Ô dingos, ô châteaux !  en 1973 et qu’il reçut pour celui-ci le Grand Prix de la Littérature Policère, la critique fit la grimace en arguant que ce récit était une œuvre de jeunesse peu aboutie et contenant son lot de maladresses.

Personnellement, je ne connaissais pas ce roman, mais je me suis empressé d’en lire l’adaptation en bande dessinée par môssieur Tardi, largement convaincu par leur deux premières collaborations : le Petit Bleu de la Côte Ouest  et la Position du Tireur Couché.

Encore une fois, les deux univers se marient à merveille : le noir et blanc de Tardi se révélant idéal pour transcrire la dureté des mots de Manchette, son amour pour le Paris des années ’70 ou pour les vieilles voitures d’antan illustrant parfaitement l’époque à laquelle se déroulent les faits.

 

Et si les journalistes d’alors lui reprochèrent un ton trop brutal, une action trop présente, ou des scènes trop violentes, je me suis régalé de les découvrir aujourd’hui sous les crayons de Tardi.
Il est vrai que dans cet opus-ci, nous sommes embarqués directement dans l’histoire, sans trop développer le passé ni les intentions des personnages. Ainsi, nous ne saurons pas pourquoi Julie, l’héroïne, séjourne dans cet hôpital psychiatrique, ni pourquoi Michel Hartog – un riche philanthrope – viendra l’en tirer pour lui offrir un poste parmi son personnel. Nous ne saurons pas non plus les circonstances exactes dans lesquelles périrent le frère Hartog et sa femme, dont Michel hérita de l’immense fortune, mais aussi de leur petit diable de fils. Nous passerons bien vite sur les présentations entre Peter – le petit diable – et Julie – sa nouvelle nurse -, pour en venir directement au réel début de l’aventure, quand des malfrats enlèveront Julie et Peter en plein Jardins du Luxembourg. S’ensuivra alors un road-movie sanguinaire en R16, avec fusillade au supermarché et règlement de compte presque à OK Corall !

Un rythme soutenu et une pression de plus en plus importante, donc, mais complétement assumés et parfaitement maitrisés… alors pourquoi s’en plaindre ?!
D’autant que ce troisième « Manchette par Tardi » bénéficie en plus de petites nouveautés par rapport au deux précédents ; comme la présence de l’enfant qui apportera une note de légèreté et d’innocence, un certain humour certes très noir mais aussi très drôle, et un personnage féminin avec une réelle profondeur et une sacrée paire de couilles, si j’ose dire !

Beaucoup de qualités, donc, pour un roman décrié à sa sortie, mais qui aboutira pourtant à ma collaboration préférée entre ces deux grands bonhommes… comme quoi, hein, les goûts et les couleurs !

Ô dingos, ô chateaux !, de Tardi d’après Manchette (ed. Futuropolis).

One Comment

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  1. Je me suis demandé dans quelle mesure le fait de découvrir la scène finale en format BD, où la violence est à son paroxysme, n’aide pas le lecteur à canaliser toute la part d’imaginaire. J’imagine qu’un lecteur qui aurait découvert « Ô dingos, ô châteaux » via le roman doit être pris plus à la gorge par ce flot d’hémoglobine. Seul face aux mots, il ne peut que faire une plongée dans l’atroce. Là, j’ai trouvé que le trait de Tardi offre un bon garde-fou à cela

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