Momon, c’est Edmond. Edmond Baudoin, le célèbre auteur de bande dessinée. Piéro, c’est Pierre, son frère. Momon et Piéro, c’est ainsi qu’ils se surnommaient lorsqu’ils étaient gamins. Petit, Piéro avait eu la coqueluche, alors par précaution, ses parents ne le mirent pas à la maternelle. Et par facilité, ils n’y mirent pas Momon non plus, choisissant de les faire rentrer à l’école en même temps. A cause de la maladie de Piéro, les frangins ne jouaient pas non plus avec les gamins du quartier. Du coup, Piéro et Momon grandirent ensemble, isolés de tous mais unis comme pas possible dans un monde imaginaire qu’ils s’étaient créé à la pointe de leurs crayons. Car parmi tant d’autres choses, les garçons partageaient un amour et un talent incroyable pour le dessin. Talent qui leur apporta quelques avantages quand ils rentrèrent enfin à l’école, puis, plus tard auprès des filles. Talent, surtout, qui leur permettait d’entretenir et de cultiver leur monde imaginaire, et ainsi de conserver et préserver leur âme d’enfant alors que les années défilaient.
A travers ce livre, Baudouin nous expose donc de façon assez intime et des plus sincères ses relations très fortes avec son frère, mais aussi son rapport au dessin ; depuis sa tendre enfance à sa décision plus tardive de devenir auteur à part entière. Ce sera l’occasion de traverser différentes époques – magnifiquement retranscrites en ces pages -, et d’observer et comprendre l’évolution de son dessin en fonction de sa vie, mais aussi de sa vie en fonction du dessin.
Un passage sera particulièrement révélateur quand, à partir de l’observation poussée d’une photo comme d’un amoncellement de pixels, puis d’un éclair face à un tableau surréaliste de Giacometti, Baudouin s’interrogera sur la limite entre le gribouillis et le dessin. De là découlera son style si particulier – dosage subtil entre traits, courbes, et hachures-, où il figure plus qu’il ne reproduit, suscitant finalement bien plus d’émotions qu’une fidèle mais simple copie.
Un style idéal pour ce genre de récit intimiste et touchant, basé sur les souvenirs, les sentiments, et le ressenti…
Une ode à tous les frères, une ode à l’enfance, une ode au dessin.
Un livre qui séduira les amateurs d’art, les amateurs de belles histoires… et les amateurs de bonnes bédés en général.
Piéro, de Baudoin (ed. Gallimard).