– Nana Huxe, de Jérémie Labsolu –

Les fans de Mutafukaz se souviennent forcément de Jérémie Labsolu et de l’expérience métaphysique vécue avec son MétaMuta, véritable OVNI bédégraphique s’incrustant dans l’univers déjanté de Run.
Si vous n’aviez pas accroché, passez votre chemin : cette chronique ne vous concerne pas.
Si vous aviez adhéré, ou si vous ne l’avez pas lu mais êtes réceptifs à une bande dessinée sortant des sentiers battus, installez-vous confortablement et laissez-moi vous parler de son nouveau bouquin : Nana Huxe.

Après nous avoir entraînés dans les méandres de la conscience d’Angelino, Jérémie nous propose aujourd’hui un nouveau voyage avec l’exploration d’un monde, le nôtre, mais au visage bien différent de celui que nous lui connaissons aujourd’hui.
Dans cet univers post-apocalyptique, c’est une France ravagée que nous découvrons. Le niveau de la mer ayant monté, une partie des terres ont été immergées, les villes que nous connaissons ne sont plus, les lieux dans lesquels nous évoluons ont été remplacés par des paysages désertiques, des champs de ruines, et des amoncellements d’ossements. Les survivants se rassemblent et s’organisent autour des crâneurs, ces personnes portant des crânes en guise de couvre-chefs et capables de tirer des pouvoirs des os qu’ils arborent ou qu’ils ingurgitent. Et si nous suivront le destin de quelques-uns de ces crâneurs – novices en quête de puissance ou véritables chefs de gang craints et respectés – ce premier tome ne nous expliquera pas vraiment quels sont leurs origines, leurs buts, ou leur espoirs, ni quels liens les unis, tout comme nous ne saurons jamais ce qu’il arriva à notre monde pour qu’il finisse dans un tel état.

Si c’est du concret et des faits que vous cherchez, cet album vous laissera de marbre. Son scénario décousu, enchainement de scènes plus ou moins abstraites, sans réelles transitions entre elles, serait plutôt à aborder comme un rêve. Il faut accepter de se laisser balader par l’esprit torturé de l’auteur, se laisser flotter dans ces décors étranges, peuplés de personnages invraisemblables, parfois inquiétants, toujours intrigants, aux membres déformés, allongés, disproportionnés…
Une impression étrange accentuée par ce style graphique incomparable et audacieux, sorte de patchwork constitué de dessins quasi-enfantins emprunts de la nostalgie des mangas de notre jeune âge, de formes géométriques tracées à la règle et rappelant étrangement les représentations Inca, de fonds où s’étalent des tâches d’encre criblées de coups d’effaceur, de trames où se mélangent des collages anarchiques de photocopies et des grafs piochés dans le street-art…

Un album singulier que ce Nana Huxe, donc, difficile à appréhender et qui déconcertera plus d’un lecteur, mais à la personnalité forte et envoutante pour qui saura lâcher prise et se laisser happer par ce trip hallucinant et hypnotique.

Nana Huxe, de Jérémie Labsolu (ed. Ankama)

3 Comments

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  2. Je viens de finir nana huxe, j’appréhendais la lecture, parce que j’étais convaincue que je n’allais pas aimer. j’avais trouvé le résumé intéressant, mais à voir la couverture je doutais d’accrocher au style graphique.
    En commençant la lecture, devant le manque d’explications et de contexte ainsi que l’aspect décousu ça a renforcé mes aprioris.
    Et au final, une fois fini, je peux dire, avec surprise, que j’ai beaucoup aimé. C’est décousu sans qu’on ne le sente vraiment, ça s’enchaîne assez naturellement, l’histoire se met en place facilement, on distingue bien les personnages, on ressent l’univers :)
    Par contre 144 pages c’est beaucoup trop court pour une telle histoire, ça manque d’entrée plus poussée dans le scénario, ça fini sans qu’on ne soit vraiment pris dans un suspens ou une attente, je pense que seuls quelques initiés vont vraiment apprécier :)
    Ce n’est pas de la BD grand publique, mais j’aime ^^

  3. @ Equinoxe :
    Je trouve en effet que cet album est trop court pour que l’on puisse tout comprendre à cet univers étrange, mais ce n’est qu’un premier tome, donc je ne lui en tiens pas du tout rigueur.
    Après pour ce qui est du côté décousu, c’est indéniable, mais ce n’est pas dérangeant si on accepte de ne pas être trop rationnel et de se laisser emporter dans le rêve de môssieur Labsolu…
    Pour ce qui est du graphisme, moi, j’adhère à 200%, je trouve ça super-original et couillu à mort… faut vraiment oser proposer un truc comme ça, qui ne ressemble à rien et qui du coup a une personnalité de folie !
    En effet, un album loin d’être grand public, mais qui saura ravir son public…

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