– Cixi de Troy, de Arleston & Vatine –

Ha !
Je les entends d’ici, les puristes du 9ème art, les élitistes de l’art séquentiel…
Je les entends d’ici, mes compères hantant le forum Donjon, ceux qui cotisent à l’Association et vouent un culte à JC. Menu.
Je les entends d’ici ces êtres supérieurs que sont les abo(bo)nnés à Télérama et les Chronic’art addicts !
Je les entends d’ici, me conspuer et me brimer :
« Bouh, honte sur toi, misérable PaKa, tu pervertis et vulgarises ton site en chroniquant des albums Soleil, et là, qui plus est, tu mets en avant une énième digression d’Arleston autour du monde de Troy ! »
Ah oui, je les entends d’ici…

A ceux-ci, j’aimerai leur répondre :
Messieurs, par pitié, posez ces pics et ces torches, et écoutez-moi un instant, juste un court instant.
En 1995, alors que la bande dessinée se limitait pour moi aux albums de Tintin, Astérix, et quelques Gaston Lagaffe ; je tombai sur deux albums qui changèrent ma perception de cet art : Lanfeust de Troy et Aquablue. Par leur longue histoire à suivre, leur dessin fouillé, la complexité du monde qu’elles créaient, ces deux séries devinrent immédiatement mes nouvelles références.
Plus tard, elles furent rejointes par De Capes et de Croc, le Peter Pan de Loisel, la Nef des Fous… Puis, je découvris Donjon, et par la suite tout l’univers de Trondheim. Au même moment, naissait la collection Poisson Pilote, et je l’adoptai sur le champ ! Mes gouts changeaient, atteignaient leur maturité ; aux filles à poil et au grosses vannes, je préférai l’animalier et les scénar’ intimistes. J’envoyai mon premier chèque à l’Association, le noir et blanc apparaissait dans ma bédéthèque, et les BD oupabiennes repoussèrent les BD grands public vers des étagères plus poussiéreuses…
…et pourtant, malgré mes nouveaux goûts tous pointus que j’ai, c’est toujours avec un immense plaisir teinté de nostalgie que je me replonge régulièrement dans ces vieilles séries de ma jeunesse.
Alors, aujourd’hui, quand on m’offre l’occasion de m’envoler de nouveau vers l’univers de Troy de la grande époque, et quand en plus on me permet de voyager en compagnie du premier dessinateur d’Aquablue, j’peux vous dire que j’hésite pas une seconde !

 

Voilà, maintenant que le message aux aigris est passé, revenons à nos moutons (et nos trolls) et révisons un peu nos connaissances sur la série mère, Lanfeust de Troy : vous vous souvenez tous qu’à la fin du tome 5, en total désaccord avec Lanfeust et sa petite bande, la sulfureuse Cixi claquait la porte pour voler de ses propres ailes et vivre sa vie comme elle l’entendait. Puis, dans le tome 6, nous découvrions avec horreur que l’infâme traîtresse avait retourné sa veste – ainsi que sa p’tite culotte rouge – pour se ranger aux côté du dangereux Thanos, et en devenir l’amante. Dans le septième tome, enfin, nous voyions apparaître l’Ombre Ténébreuse, une mystérieuse justicière masquée prête à tout pour sauver Eckmül des griffes du tyran Thanos… justicière qui se révéla finalement être la surprenante Cixi elle-même !
Comment cette petite pisseuse allumeuse de Cixi avait-elle pu devenir cette femme fatale et surentraînée d’Ombre Ténébreuse ? Comment son insouciance et sa légèreté s’étaient-elles transformées en valeurs telle que conscience et bravoure ? Que s’était-il passé entre les cases de la BD pendant que l’on y suivait la quête de notre Lanfeust ?
Et bien justement, toutes ses questions alors sans réponse ne seront bientôt plus, grâce à Arleston et Vatine qui se penchent ici sur cette période charnière de la vie de Cixi de Troy !

Si le premier tome pouvait ne passer que pour un album supplémentaire dans le monde de Troy, une divertissante aventure de pirates nous baladant agréablement dans des lieux connus en compagnie de belles demoiselles courtement vêtues, il constituait en fait une belle introduction pour ce second opus qui entre dans le vif du sujet.
De retour à Eckmül, la vénale Cixi s’empresse de se faire introduire auprès de Thanos, afin de jouir de son pouvoir, de son statut, et de ses richesses. C’est décidé, sa nouvelle vie ne sera que stupre, luxure, et plaisir… Mais quand elle décide de se rendre au marché afin de faire fumer la carte bleue de môssieur et qu’elle découvre l’ampleur des dégâts, la donzelle déchante rapidement : sa belle cité d’antan n’est plus. A la place, on trouve une ville ruinée, dévastée, ravagée, ou règne misère et terreur. Aussi insouciante soit-elle, Cixi peut-elle laisser Thanos étouffer son peuple ainsi ?
Secouée et outrée, la jeune fille se pare donc d’une conscience en béton et d’un costume de super-héros pour agir dans l’ombre et entamer une double-vie : alors qu’elle sera le jour la maîtresse de Thanos, elle deviendra la nuit sa pire ennemie.

Mais bien au delà de l’histoire, dont on connaît déjà les grandes lignes de par la série mère, tout l’intérêt de cette digression réside dans son traitement : moins axée pour les pré-adolescents en quête de baston et de gros seins, cette histoire vise un public plus adulte.
Exit les gros jeux de mots tirés par les cheveux : même s’il est toujours présent l’humour, se fait ici moins gras et plus discret. Quant à l’action, malgré de belles scènes sur les toits de la ville, elle sait se placer au second plan pour laisser une plus grande place à la psychologie du personnage, à ses doutes et ses aspirations.
Impression de maturité qui ressort également au niveau du dessin, avec un style moins tape à l’œil que celui de Tarquin, donnant vie à une Cixi qui n’a jamais été aussi belle, sensuelle, et surtout humaine, que sous le trait sobre et élégant de Vatine.

Alors si comme moi vous êtes un fan du Lanfeust de la première heure mais que vous avez parfois la fâcheuse tendance à vous la raconter bédéphile averti, descendez de votre piédestal, remballez vos préjugés à deux balles, et ne boudez surtout pas ce petit plaisir de noël que nous offre gentiment les éditions Soleil !

 

Cixi de Troy, Tome 2, de Arleston & Vatine (ed. Soleil)

PS : Je ne saurai trop vous conseiller de ressortir votre Tome 6 de Lanfeust de Troy au moment de la lecture du Tome 2 de Cixi de Troy pour vous amuser à comparer les pages de l’attentat contre Thanos, communes aux 2 bouquins mais sous un point de vue différent !

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