Le Jury de la 71ème Mostra – présidé par Alexandre Desplats et composé de Joan Chen, Jessica Hausner, Sandy Powell, Philip Groning, Jhumpa Lahiri, Tim Roth, Elia Suleiman et Carlo Verdone – a rendu son verdict après dix jours de projections.
Face à des oeuvres présentant des qualités très différentes – documentaires, narrations classiques, oeuvres expérimentales… – ils ont choisi d’adopter une ligne directrice claire, privilégiant des oeuvres "humanistes et politiques”,  “au geste artistique fort”, comme l’a souligné Alexandre Desplats dans son discours de clôture.

A pigeon sat - 3

Avec ces critères-là, c’est fort logiquement Roy Andersson qui s’est imposé. Et, en écho à l’une de nos chroniques précédentes,  c’est bien un pigeon qui a raflé le Lion d’Or. La place San Marco doit être en fête! 
Blague à part,  A pigeon sat on a branch reflecting on existence est un bien joli vainqueur, et ce prix majeur récompense enfin le talent singulier du cinéaste suédois. 

On ne s’était pas trompés non plus en annonçant la présence de The Postman’s white nights au palmarès. Politique, poétique, humaniste, le film d’Andreï Konchalovsky regroupait tous les critères attendus par ce jury. Mais il doit se contenter du prix de la mise en scène. 
Le Grand Prix, lui, est allé à The Look of silence, un film que Tim Roth a visiblement défendu jusqu’au bout dans la chasse au Lion d’Or, puisqu’il a tenu à exprimer publiquement son admiration pour le travail de Joshua Oppenheimer et son “masterpiece”. 

Comme on pouvait s’y attendre, c’est Tales le film de l’iranienne Rakshi Bani-Etemad, qui remporte le prix du scénario, avec sa construction chorale sur la société iranienne contemporaine.

La surprise est venue des prix d’interprétation. 
Chez les hommes, on aurait pu s’attendre à voir Michael Keaton, Al Pacino, Benoît Poelvoorde ou les deux acteurs de Loin des hommes primés. C’est finalement Adam Driver, l’acteur de Hungry hearts, qui a reçu la Coupe Volpi. Et fort logiquement, pour équilibrer, le jury a choisi de remettre le prix d’interprétation féminine à sa partenaire, Alba Rohrwacher. Une façon de primer le long-métrage de Saverio Costanzo, qui a été l’un des films les plus originaux de ce festival. Mais l’annonce de ce double prix a provoqué pas mal de sifflets…
Sifflets, aussi pour Sivas, le prix spécial du Jury. Certains doivent encore croire que l’oeuvre fait l’apologie des combats de chiens, lors que c’est tout l’inverse…

Enfin, on est très contents pour le jeune Romain Paul, prix du meilleur espoir pour Le Dernier coup de marteau. C’est aussi une façon de primer le beau film d’Alix Delaporte, et de faire en sorte que le cinéma français, massivement présent lors de cette Mostra, ne reparte pas bredouille.
Evidemment, il y a des absents de marque au palmarès. Birdman aurait mérité un prix, tout comme Loin des hommes, l’une des belles surprises du festival. On peut le déplorer, mais c’est le jeu des compétitions de films. Il y a toujours des déçus…

D’ailleurs, cette 71ème Mostra s’est bouclée sur une déception, avec le film de clôture, The Golden Era.

The Golden era - 2

”The Golden Era” d’Ann Hui (Hors-Compétition, film de clôture)

Pour son nouveau long-métrage, Ann Hui signe une (longue) fresque historique sur la (courte) vie de l’écrivaine chinoise Xiao Hong,  et sur son histoire d’amour avec un autre écrivain majeur du début du XXème siècle, Xiao Jun. 
Le récit est raconté à la fois par Xiao Hong et par des personnes qui l’ont côtoyée. Dans la première partie, on suit le parcours cahoteux de cette jeune femme rebelle, qui a fui un mariage arrangé, s’est retrouvée enceinte à vingt ans et a été abandonnée par son fiancé, puis a failli être vendue à un bordel pour payer les dettes de l’indélicat, avant de tomber sur un éditeur, Xiao Jun.
La seconde partie raconte comment cette relation a permis à Xiao Hong et Xiao Jun de se stimuler l’un l’autre pour devenir des écrivains importants.
Puis la dernière partie raconte les nouvelles fuites en avant de Xiao Hong après sa rupture avec Xiao Jun. Son voyage au Japon, son mariage avec un autre confrère écrivain, et finalement sa mort dans un hôpital de Hong Kong, pendant la seconde guerre mondiale. 

Comme Il Giovane favoloso, ce film parlera sûrement à tous ceux qui connaissent bien les écrits de Xiao Hong et qui sont familiers avec le contexte historique de l’intrigue. Pour les autres, cela risque d’être une épreuve difficile, car, en dépit de la durée conséquente de l’oeuvre (3 heures), il ne se passe finalement pas grand chose de passionnant. On suit surtout des discussions philosophiques, des échanges littéraires, une ou deux étreintes, des ruptures abruptes… Rien de spectaculaire en somme, si l’on excepte deux ou trois reconstitutions historiques comme l’inondation de  Harbin, le bombardement de Shanghai et l’invasion de Hong-Kong, très rapidement expédiées. Et comme la mise en scène est assez plate, on s’ennuie ferme…

Restent les acteurs, Tang Wei et Feng Shaofeng, qui jouent leurs personnages avec conviction. Mais ce n’est pas suffisant pour que l’on puisse se passionner pour le sort de leurs personnages.
An Hui était plus inspirée pour son précédent film, Une vie simple. Aussi, on ne saurait que trop lui conseiller de revenir à des oeuvres moins ambitieuses et plus ancrées dans le présent…

Notre note :

Voilà, c’est fini pour cette Mostra de Venise 2014.
Merci d’avoir suivi nos chroniques en direct du Lido de Venise pendant ces onze jours, et à bientôt pour d’autres comptes-rendus de festival!

  

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Rédacteur en chef de Angle[s] de vue, Boustoune est un cinéphile passionné qui fréquente assidument les salles obscures et les festivals depuis plus de vingt ans (rhôô, le vieux...) Il aime tous les genres cinématographiques, mais il a un faible pour le cinéma alternatif, riche et complexe. Autant dire que les oeuvres de David Lynch ou de Peter Greenaway le mettent littéralement en transe, ce qui le fait passer pour un doux dingue vaguement masochiste auprès des gens dit « normaux »… Ah, et il possède aussi un humour assez particulier, ironique et porté sur, aux choix, le calembour foireux ou le bon mot de génie…

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