Préparez-vous, Les Barons débarquent sur nos écrans…
Non, rassurez-vous, la monarchie n’a pas été restaurée en France, au grand dam de Thierry Ardisson et de Stéphane Bern. Les Barons en question sont belges, et n’ont de toute façon d’aristocratique que le titre. 

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Dans les bas quartiers de Bruxelles, un baron, c’est un type qui a compris que dans l’existence, chacun a un temps de présence terrestre qui est compté, et qui a donc décidé de se laisser vivre au maximum. Un glandeur, quoi… Mais en plus classe, en plus noble. 
Les barons, ce sont des seigneurs de la glandouille, des princes de la paresse, des rois de l’oisiveté, qui dorment quand ils le veulent, draguent toutes les filles qui passent et se lancent des concours de vannes pourries pour tuer le temps. Ce n’est pas donné à tout le monde. Peu de personnes peuvent prétendre à ce titre de noblesse. 

Dans le film de Nabil Ben Yadir, ils sont déjà trois, le noyau dur de la bande, composé du narrateur, Hassan, de Mounir, le leader de la bande, qui vivote de petites escroqueries montées avec Ozgür, un garagiste un peu spécial, et d’Aziz, qui passe son temps à dormir sur les étals de fruits et légumes de l’épicier du coin. Plus quatre autres gugusses hauts en couleurs, avec qui ils se sont associés pour acheter une luxueuse berline allemande.
Autour d’eux gravite Franck, un jeune imbécile prêt à tout pour faire partie de la bande. Il s’ingénie à copier leurs postures, leur phrasé, s’incruste avec eux à l’ANPE locale alors qu’il a déjà un emploi… Il les agace profondément, mais il est toléré. Sans doute parce qu’il a quand même payé la moitié de la BMW…

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Si Franck veut entrer dans ce cercle fermé, Hassan, lui, voudrait bien en sortir au plus vite. Il a envie de faire quelque chose de sa vie et sait que ce n’est pas en restant coincé dans ce quartier qu’il y parviendra. Il y étouffe, sollicité en permanence par ses amis envahissants, et pressé par ses parents, chez qui il habite encore, de trouver un travail sérieux – idéalement dans les transports en commun, comme son père – et de trouver une gentille épouse.
Ce qu’il aimerait, lui, c’est devenir comique, monter sur scène et faire rire les gens. Il a d’ailleurs commencé à passer des auditions dans un petit cabaret, en cachette de ses proches. Sa famille trouverait que ce n’est pas une profession convenable, ses amis ne comprendraient pas qu’il ait envie de travailler – quelle horreur ! – et encore moins qu’il ait envie de devenir artiste – ce métier d’homosexuel !
Quant à se marier, Hassan serait plutôt d’accord, mais avec la belle Malika, la fille du quartier qui a réussi – elle est présentatrice vedette du journal télévisé. Elle aussi semble attirée par le jeune homme, mais il y a un problème : Malika est la sœur de Mounir, et on ne touche pas aux sœurs des amis, c’est sacré…

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Bref, c’est loin d’être simple. Le film montre les états d’âme d’Hassan, obligé de faire des choix importants, qui vont déterminer le reste de sa vie. Des choix douloureux aussi. En tant que baron, Hassan avait toujours économisé ses pas, évitant même de trop poser les pieds par terre et il se retrouve brusquement dans la position d’un enfant qui apprend à marcher. Il progresse de manière chaotique, tombe, se fait mal, puis recommence, jusqu’à courir et partir mener sa vie à sa manière…
Ce récit léger et enjoué, bascule peu à peu, imperceptiblement, vers une certaine gravité, qui caractérise la fin de la période dorée de l’enfance et le passage à l’âge adulte.

Mais attention, malgré cette pointe d’amertume, il s’agit quand même d’une comédie, le plus souvent très drôle.
Grâce aux comédiens, irrésistibles : Nader Boussandel (Hassan), Mourade Zeguendi (Mounir) et Mounir Ait Hamou (Aziz) forment ce trio de barons magnifiques, glandeurs nature et sont de véritables révélations. Tout comme les deux actrices, Amelle Chahbi et Mélissa Djaouzi. Et tout le reste de la distribution joue juste, acteurs confirmés (Jan Decleir, Fellag, Edouard Baer, Julien Courbey) ou méconnus.
Grâce aussi au montage, dynamique et inspiré.
Grâce enfin au talent d’écriture de Nabil Ben Yadir et ses répliques ciselées.
Morceaux choisis :


« – Si tu veux ton billet, tu paies d’avance !
   – Non, tu me donnes le billet puis je paie. Ici, on est en Europe. Le client est roi !
   – Oui mais ici, on est en Belgique et le roi n’a rien à dire ! »

«  – [une émission de télé]… deux morts au cyanure…
    – C’est affreux ! C’est où le Cyanure ? »

«  Tu touches pas à la sœur de tes potes parce que c’est comme tes potes avec des cheveux longs »

Un déluge de pépites verbales qui culmine lors de la séquence du concours de blagues pourries en rapport avec le cinéma, qui fera pleurer de rire plus d’un cinéphile…

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Evidemment, tout n’est pas parfait dans ce premier film. Certains gags sont un peu faciles, prévisibles et perdent donc en efficacité. Et on aurait aimé que soient plus développés certains personnages plutôt que de suivre le laborieux périple amoureux d’Hassan et Malika, qui traîne un peu trop en longueur.
Les Barons ne révolutionnera pas l’histoire du cinéma – ce n’était pas son ambition – mais c’est un divertissement plaisant et réussi, porteur d’un beau message social sur l’égalité des chances. Car si le film sonne si juste, c’est que le cinéaste y raconte un peu sa propre histoire, avec beaucoup d’humour et de finesse, montrant son quartier défavorisé avec un regard tendre, à mille lieues des habituels clichés sur les cités et les communautés immigrées. Lui est parvenu à s’extirper de ce milieu sympathique, mais aux horizons bouchés, et il aimerait que son film puisse susciter des vocations, inspirer des jeunes, bousculer les barrières sociales et culturelles…

Un souhait qui pourrait bien se réaliser, puisque Les Barons est d’ores et déjà un succès en Belgique – près de 100 000 entrées pour seulement 13 copies. Et qu’il s’apprête aujourd’hui à séduire le public français. Une bien belle success story et tout sauf “un signe d’la fin du monde”…

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Les BaronsLes Barons 
Les Barons

Réalisateur : Nabil Ben Yadir
Avec : Nader Boussandel, Mourade Zeguendi, Mounir Ait Hamou, Julien Courbey, Amelle Chahbi, Jan Decleir
Origine : Belgique
Genre : comédie royale
Durée : 1h51
Date de sortie France : 20/01/2010

Note pour ce film : ●●●●○○

contrepoint critique chez : il était une fois le cinéma
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