Que serait le Festival de Cannes sans les polémiques ? A peine débutée, cette 74ème édition en connaît déjà une première, assez bien relayée par les réseaux sociaux.
La cause n’est pas le film d’ouverture, Annette, qui semble avoir été plutôt bien accueilli par les journalistes et les festivaliers. C’est la question du respect des règles sanitaires qui fait débat.
Les organisateurs avaient promis de respecter scrupuleusement les gestes barrières et les mesures de distanciation nécessaires pour endiguer l’épidémie de COVID, mais les images télévisées de la montée des marches, puis de la cérémonie d’ouverture, ont légitimement pu faire douter les spectateurs de l’application concrète de ce protocole sanitaire.

En pleine irruption du variant « delta » – le nom officiel du coronavirus en mode Bollywood, qui fait fureur ces derniers temps – et alors qu’Olivier Véran, Ministre de la Santé, tente d’alerter sur la possibilité d’une quatrième vague imminente et son cortège de nouvelles mesures restrictives, voilà que sa consoeur Roselyne Bachelot, Ministre de la Culture, parade de longues minutes en haut des marches, claque tranquillement la bise à Spike Lee – l’un et l’autre sans masque – avant de rejoindre une salle pleine jauge où certains convives sont eux aussi visage apparent. Comme si la bulle cannoise, généralement coupée du monde, était un rempart contre la COVID-19…

On peut bien évidemment comprendre que les stars du tapis rouge puissent avoir l’autorisation d’y défiler sans masque. C’est plus sympathique pour les fans qui attendent des heures juste pour voir leurs idoles monter les marches et cela permet aussi aux nombreux photographes professionnels présents au pied du palais de ne pas avoir à se demander quelle personnalité peut bien se cacher sous ce FFP2 certifié assorti à sa tenue de soirée. Et puis, en plein air, sur la largeur des marches, le risque est acceptable.
A l’intérieur, c’est une autre paire de manches… On ne doute pas que le système de ventilation filtrante mis en place dans le Palais des festivals soit d’une redoutable efficacité, mais ceci n’exempte aucunement des règles élémentaires mises en place, dont le port du masque.
On peut tolérer que l’équipe du film ne le porte pas le temps de la présentation, car elle est traditionnellement assise sur une rangée centrale avec une distanciation suffisante des fauteuils de devant. On peut aussi accepter que le jury, lors de sa présentation sur scène, montre son visage, histoire d’être bien certain que les personnalités sélectionnées sont bien présentes sur la Côte d’Azur. De toute façon, tous ses membres ont été testés, écouvillonnés au nez. Ils sont majeurs et vaccinés contre toutes les maladies, y compris contre la morettite, ce virus qui consiste à créer un jury parallèle opposé aux conclusions du président désigné, ou le syndrome de Cronenberg, qui pousse à choisir au palmarès uniquement des films sociaux joués par des amateurs.
Mais pour le reste de l’assemblée, la prudence s’impose. Oui, le passeport sanitaire est rassurant, les tests antigéniques offerts aux festivaliers aussi. Mais le port du masque reste jusqu’à preuve du contraire une nécessité pour lutter contre la propagation du virus! Et la célébrité ne protège nullement contre la COVID-19. La liste d’artistes décédés depuis plus d’un an en est la triste preuve.

Bon, attention, le masque était bien porté par l’essentiel de l’assemblée et Doria Tillier a d’ailleurs pu y trouver matière à une blague impliquant Andie McDowell, qui le portait correctement, pile dans le respect des règles sanitaires. Mais sur les images captées par Canal plus, ce n’était pas le cas de tout le monde, et cela a fait bondir les internautes. Sur Twitter, les réactions n’ont pas manqué. Certaines étaient pleines de bon sens. D’autres exagérées, forcément – c’est Twitter, hein…

Florilège :

« Le masque au @Festival_Cannes, c’est du cinéma ? »
@flohin

« Il parait qu’on doit respecter les gestes barrières, mettre le masque à l’intérieur, etc. Mais personne n’avait le masque au Festival de Cannes…»
@Isa10209

« Salle de cinéma : masque et distanciation…
Salle du festival de Cannes : pas de masque ni distanciation ???? »
@regisrobert10

« Tout le monde doit porter le masque sauf les artistes ??? Elles sont invincibles les pseudos stars de #cannes ? »
@Stefdark

« Personne n’est masqué ! Tout le monde s’embrasse ! Qu’est ce que c’est que ce délire ? Et nous, on nous prédit mille morts toutes les 5 mn ? L’air de Cannes est différent de celui de la Creuse où le pauvre imbécile masqué et codé est en vacances avec sa famille.»
@mamieencolère78

« J’ai vu les vidéos de Cannes et [j’ai] vraiment une crise d’angoisse en voyant cette salle pleine avec les 3/4 des gens sans masque. »
@Callmequentin

« #FestivalDeCannes2021 Monsieur le Président Macron, on ne peut pas avoir en même temps un festival de Cannes sans masque et un journal de 20:00 qui annonce une remontée du taux d’incidence ! On ne peut pas ! »
@Thierryvois1

Souhaitons que les organisateurs aient bien maîtrisé les risques pris. Car après près d’un an de fermeture des salles, la dernière chose dont les cinéphiles ont besoin est de voir leur passion pointée du doigt comme un vecteur de maladies… Le monde du cinéma ne doit pas être à l’origine d’un nouveau cluster ou pire, d’un nouveau variant (quoi que… Un variant Marion Cotillard ou un variant Angèle, ça serait quand même un peu plus glamour que Gamma, Delta et autres sales têtes couronnées…).
Non, le seul virus autorisé sur la Croisette doit être l’amour du cinéma!

Les primo-infectés ont d’ailleurs pu se soigner aujourd’hui avec deux films en compétition officielle  : Le genou d’Ahed du cinéaste Israélien Nadav Lapid et Tout s’est bien passé , le nouveau film de François Ozon, ainsi qu’avec l’ouverture de Un Certain Regard, Onoda, 10000 nuits dans la jungle, l’histoire vraie d’un soldat japonais ayant refusé, pendant plus de trente ans d’admettre la fin de la Seconde Guerre Mondiale.

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Rédacteur en chef de Angle[s] de vue, Boustoune est un cinéphile passionné qui fréquente assidument les salles obscures et les festivals depuis plus de vingt ans (rhôô, le vieux...) Il aime tous les genres cinématographiques, mais il a un faible pour le cinéma alternatif, riche et complexe. Autant dire que les oeuvres de David Lynch ou de Peter Greenaway le mettent littéralement en transe, ce qui le fait passer pour un doux dingue vaguement masochiste auprès des gens dit « normaux »… Ah, et il possède aussi un humour assez particulier, ironique et porté sur, aux choix, le calembour foireux ou le bon mot de génie…

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