Dans la cour, il y a Antoine (Gustave Kervern), le nouveau concierge. Un ex-rockeur qui, en proie à un violent coup de blues, a tout plaqué, sauf la drogue et l’alcool. Il s’est retrouvé à ce poste un peu par hasard, à moins que ce ne soit par défaut. Mais très vite, il a montré de réelles aptitudes à ce poste. Il faut dire qu’en aidant les autres, il s’aide lui-même, et qu’en balayant les escaliers, il chasse aussi les idées noires qui tapissent sa boite crânienne.

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Dans la cour, il y a aussi Mathilde (Catherine Deneuve), une retraitée qui traverse un moment difficile, au grand dam de son mari, Serge (Feodor Atkine). Peut-être parce qu’elle supporte mal les effets du temps ou l’inactivité forcée… Plus sûrement parce qu’elle a cristallisé ses angoisses existentielles sur cette grosse fissure horizontale qui est apparue soudain sur le mur de sa chambre. Depuis, cette lézarde fait l’objet d’une véritable obsession. Mathilde est persuadée qu’elle constitue le signe d’une apocalypse immobilière imminente et tente d’entraîner le voisinage dans sa croisade contre les

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Dans la cour, il y a des vélos volés par Stéphane (Pio Marmaï). Des prises de guerre que le jeune homme essaie de vendre pour financer l’achat des substances qui lui permettre de vivre dans son paradis artificiel.
Dans la cour, il y a Lev (Oleg Kupchik) un ex-vigile reconverti en démarcheur pour une sorte de secte non-violente croyant en l’arrivée imminente des extraterrestres. VRP, mais surtout SDF, il abuse de la gentillesse d’Antoine en squattant la cave de l’immeuble, et en lui confiant régulièrement son chien.
Dans la cour, il y a un voisin râleur (Nicolas Bouchaud) qui peste contre la montagne de vélos qui s’accumule, et qui hurle à la lune contre les aboiements nocturnes qui perturbent son sommeil.

Dans la cour, il y a des jets d’eau, des jets de poires et des rejets d’endives, des maquettes d’immeuble en carton, et du papier peint moche pour recouvrir les fissures, des tracts engagés, des fleurs anémiques, des chaises en plastique…
Dans la cour, il y a beaucoup de monde, mais surtout des solitudes qui se croisent…

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Dans la salle de cinéma, il y a une ambiance particulière, douce-amère, empreinte de poésie, qui est communiquée par le nouveau film de Pierre Salvadori. On y respire l’air du temps, chargé de nos peurs contemporaines : peur de vieillir, peur de la crise économique et de la perte d’un emploi, peur d’être seul, peur d’affronter les Autres, peur de perdre la tête ou que tout s’écroule autour de nous…

Dans la salle de cinéma, il y a des spectateurs qui rient et qui s’émeuvent, alternativement. Des spectateurs, qui éprouvent une certaine tendresse, et de la compassion pour les personnages écorchés vifs du film,  ce quadragénaire qui fait sa crise d’adolescence tardive et cette retraitée qui tombe avant l’heure dans une forme de démence sénile. Ces protagonistes ne sont plus des “apprentis”, comme l’étaient  Guillaume Depardieu et François Cluzet dans le film-éponyme du cinéaste, réalisé il y a vingt ans, mais des êtres qui ont pas mal bourlingué et qui étalent leurs fêlures, leurs faiblesses et leur mal de vivre, tout en conservant, au fond d’eux, cette petite flamme qui les maintient en vie et les pousse à aller vers les autres.

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Dans la salle de cinéma, il y a les fantômes de Guillaume Depardieu et de Marie Trintignant, les anciens acteurs-fétiches de Pierre Salvadori, tragiquement disparus. On les devine, par petites touches, dans certains personnages, dans l’ambiance générale de ce récit hanté par l’idée de la mort. Leur absence ne fait que renforcer l’amertume du film, beaucoup plus prégnante que dans les précédentes oeuvres du cinéaste – Les Marchands de sable exceptée.

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Dans la salle de cinéma, il y a un film projeté sur grand écran, le meilleur de son auteur depuis des lustres, si ce n’est son meilleur tout court. Un film mature, profond et grave, ou transparaissent malgré tout l’humour de Pierre Salvadori et son inébranlable foi en l’être humain.  Un film porté par une mise en scène rythmée, élégante et subtile, mais aussi par le formidable duo Catherine Deneuve/Gustave Kervern. La première incarne avec panache, sans complexes, cette femme qui perd la tête, écho lointain à son rôle dans Répulsion. Le second, tout en sobriété et sensibilité, étonne pour son premier grand rôle au cinéma.

Dans la salle de cinéma, il y a beaucoup de monde. C’est du moins ce que l’on souhaite à ce joli film et à son équipe…

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Dans la cour Dans la cour
Dans la cour

Réalisateur : Pierre Salvadori
Avec : Gustave Kervern, Catherine Deneuve, Feodor Atkine, Pio Marmaï, Oleg Kupchik, Nicolas Bouchaud
Origine : France
Genre : chronique douce-amère
Durée : 1h37
Date de sortie France : 23/04/2014
Note pour ce film :
Contrepoint critique : Le Nouvel Observateur

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