Contes de l’âge d’or
est une anthologie de quatre court-métrages, signés par un collectif de jeunes auteurs roumains, qui enfants ou adolescents, ont connu les dernières années du règne du dictateur Nicolae Ceaucescu.
Pour ces cinéastes, l’« âge d’or », c’est le temps de l’innocence, la période de leur enfance, celle qu’ils ont traversée comme dans un rêve… C’est aussi une période de grand marasme, de crise profonde, que la propagande communiste de l’époque tenta de dissimuler sous cette appellation ronflante, essayant de valoriser l’image d’une nation forte et unie…

Contes de l'âge d'or - 3

A l’écran, ce paradoxe se traduit par un ton léger et plein d’humour, qui dénonce l’autoritarisme d’un régime archaïque en le raillant de bout en bout. La réalité très dure, très froide de ces années de plomb roumaines est délicatement balayée par le petit vent de fantaisie soufflé par les auteurs de cette œuvre à plusieurs mains : Ioana Uricaru, Hanno Höfer, Räzvan Märculescu, Constantin Popescu et… Cristian Mungiu.
Certains s’étonneront de voir le cinéaste palmé en 2007 pour 4 mois, 3 semaines et deux jours, un drame d’une noirceur absolue, à la tête de ce projet facétieux. C’est oublier un peu vite que Mungiu a d’abord été révélé avec le film Occident, une comédie douce-amère sur une société roumaine encore marquée par la dictature de Ceaucescu et fortement attirée par la culture occidentale.

Le film se compose de quatre histoires, des légendes urbaines issues de cette longue période de dictature, illustrant chacune les travers de la société roumaine de l’époque.
La première montre une population soumise aux désidératas des exécutifs, des hauts dignitaires du Parti Communiste. Les habitants d’un petit village sont obligés d’arrêter leurs occupations habituelles pour obéir à des ordres souvent absurdes, comme dénicher des colombes qui seront lâchées lors du passage d’un convoi officiel, ou un troupeau de moutons qui illustrerait la santé de l’agriculture du pays…
On voit des pauvres gens travailler dur, se décarcasser pour satisfaire aux caprices des élites. Ils se vengeront un peu en appréciant le spectacle délectable des notables et des représentants du parti coincés sur un manège impossible à stopper…

La seconde parle du problème de l’analphabétisme de la population en zone rurale. Un problème capital pour le pouvoir, qui voit d’un mauvaise œil cette réputation désastreuse. Mais un problème tout à fait secondaire pour des paysans qui n’ont pas l’eau courante et n’ont l’électricité que par intermittence. Un professeur citadin en fera la cruelle expérience…

Le troisième sketch traite de l’absence de marchandises dans les magasins. Image saisissante que ces étals vides devant lesquels s’ennuient bouchers et poissonniers… Dans ces conditions, les gens seraient prêts à tout pour un morceau de viande, et la situation induit fatalement marché noir et corruption. Un policier devait recevoir de la viande pour Noël. A la place, il reçoit un cochon… vivant ! Comment tuer le porc sans attirer l’attention des voisins affamés ? Une situation explosive, qui ne fait donc pas bon ménage avec l’idée d’asphyxier la bête au gaz de ville…

Contes de l'âge d'or - 2

Enfin, le dernier sketch montre un groupe de journalistes en effervescence au moment où Ceaucescu accueille le président français, en visite officielle. Hors de question de laisser ce « Vespar J’espaing » – un des journalistes le désigne ainsi – ce suppôt du capitalisme occidental voler la vedette au camarade leader de la nation. Et là, horreur, malheur ! Giscard porte un chapeau, et pas Ceaucescu… Les photographes doivent se dépêcher de retoucher la photo et retoquer le chef d’un couvre-chef, pour que le journal puisse être imprimé dans la foulée et livré dans les usines au petit matin, comme de coutume… Mais à confondre vitesse et précipitation, on commet des erreurs…

Contes de l’âge d’or s’ouvre sur des travailleurs vivant dans la peur du jugement des officiels du parti et se clôt sur un ouvrier piquant un fou rire à la lecture du journal susnommé. Une sorte de petite revanche de l’opprimé sur l’oppresseur. Et un bon résumé de l’esprit du film, qui entend bien se moquer d’un passé douloureux, dont la société roumaine porte encore les stigmates. La démonstration est des plus efficaces, à la fois effrayante et drôle : L’ensemble des quatre sketches montre un système politique en pleine déliquescence, tellement rigide et liberticide qu’il mène à des situations grotesques, ubuesques. Et qui tente donc par tous les moyens de sauver les apparences, par des mensonges, des omissions, des bidouillages de la véracité des faits…
Même si les sketchs sont de rythme inégal – l’éternel défaut de ce type de film collectif – on suit avec intérêt cette œuvre pleine de finesse et portée par quelques-uns des meilleurs acteurs roumains. A noter qu’une autre anthologie de courts-métrages devrait sortir prochainement pour compléter ce tableau tragi-comique des années Ceaucescu…

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Contes de l'âge d'orContes de l’âge d’or
Amintiri din Epoca de Aur

Réalisateurs : Ioana Uricaru, Hanno Höfer, Räzvan Märculescu, Constantin Popescu, Cristian Mungiu
Avec : Emanuel rPirvu, Radu Iacoban, Alexandru Potocean, Vlad Ivanov, Diana Cavaliotti
Origine : Roumanie
Genre : film à sketchs
Durée : 1h20
Date de sortie France : 30/12/2009

Note pour ce film : ˜˜˜˜

contrepoint critique chez : borokoff-blog

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