Il court, il court Xavier (Romain Duris)…
Il court d’un pays à l’autre, d’une galère à une autre. Il court après le temps qui passe, après les femmes de sa vie, qui lui échappent sans cesse, après son existence qui défile à cent à l’heure…
Il courait déjà quand on a fait sa connaissance, en 2002, dans L’Auberge Espagnole. A l’époque, il avait vingt ans et quelques et partait étudier à Barcelone, dans le cadre du programme Erasmus. Il multipliait les allers-retours entre Paris, où l’attendait sa petite amie Martine (Audrey Tautou) et la cité catalane, où il retrouvait ses colocataires venus de différents pays européens, notamment la belge Isabelle (Cécile de France) et l’anglaise Wendy (Kelly Reilly).
Il courait encore dans Les Poupées Russes, après avoir passé le cap de la trentaine. Après ses rêves, après un job sérieux, après une stabilité sentimentale qu’il ne trouvera qu’en allant jusqu’à Saint-Pétersbourg, pour tomber amoureux de Wendy.
Il court toujours dix ans après, à l’orée de la quarantaine. Sans s’en rendre compte ou alors pour se prouver qu’il est encore capable de le faire, malgré le temps qui passe trop vite. Et pour fuir une vie trop compliquée, car Xavier est bien incapable de mener une existence tout à fait ordinaire…

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Dans Casse-tête chinois, il se retrouve écartelé entre deux continents, l’Europe et l’Amérique, quatre ou cinq cultures et à peu près autant de femmes différentes, amantes ou amies. 
Wendy, avec qui il vit depuis dix ans, le quitte pour un autre homme. Xavier s’y attendait, car quelque chose s’était brisé dans leur couple. L’usure du quotidien, les problèmes financiers récurrents, les divergences de vue sur certains sujets cruciaux… Il ne fait pas grand chose pour la retenir. Mais quand elle lui annonce qu’elle part vivre à New York avec leurs deux enfants, Xavier est sonné. Il veut bien la perdre, mais pas ses enfants, qui, désormais, représentent tout pour lui. Il a trop souffert de l’absence de son père, durant toute son enfance, pour commettre la même erreur. Il décide donc de tout plaquer pour s’installer dans la “Grande Pomme”.

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Là, il doit tout recommencer à zéro. Pour obtenir un permis de séjour, il doit trouver rapidement un logement, travail et, mieux, se marier. Pour cela, un mariage blanc est la solution la plus rapide. Xavier se retrouve donc très vite marié à une jeune américaine d’origine chinoise, et sous surveillance des services d’immigration américains. Il lui suffit de jouer la comédie quelques temps pour obtenir la carte verte.
Simple? Non, bien sûr. Car à New York, notre écrivain retrouve également Isabelle, venue vivre à Brooklyn avec sa nouvelle compagne Ju (Sandrine Holt) et enceinte d’un enfant dont elle voudrait que Xavier reconnaisse la paternité, et Martine, qui, plus mature et moins coincée, envisagerait bien de refaire sa vie avec lui… 

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Il court, il court, Cédric Klapisch. Comme son héros et alter-ego.
Il court après ces personnages qu’il a créés et qu’il aime à retrouver quelques années après, comme Truffaut et son Antoine Doisnel. Il court aussi après la recette qui lui a permis avec L’Auberge espagnole et Les Poupées russes, de connaître ses deux plus beaux succès au box-office français. Il court pour se prouver qu’il est encore, après 25 ans de carrière, l’un des cinéastes français les plus talentueux.

Force est de constater qu’il tient encore la forme. Casse-tête chinois est un film très agréable à suivre, où l’on retrouve avec bonheur une partie des personnages des opus précédents, à commencer par le héros,  tête à claques, mais attachant, incarné par Romain Duris.
Cependant, le cinéaste, qui a dix ans de plus que son personnage, tend aussi à s’essouffler un peu. Aussi sympathique soit-il, ce nouveau long-métrage ne retrouve pas l’énergie foutraque du premier épisode, ni le ton doux-amer du second, le plus réussi de la trilogie. Tout est un peu moins réussi dans ce Casse-tête chinois. Les répliques sont moins percutantes, les péripéties moins drôles, les déboires sentimentaux des personnages moins touchants… Le cinéaste a fait le choix de la comédie légère et vaudevillesque – peut-être les effets d’une sorte de crise de la cinquantaine… – plutôt que de creuser un peu plus le sillon mélancolique du second opus. On peut le regretter, comme on peut trouver rageant qu’il ne développe pas plus la question des frontières et des flux migratoires, de la détresse, des pères divorcés, de la complexité de la famille moderne à l’époque de la mondialisation…
Cédric Klapisch a été plus engagé par le passé…

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D’ailleurs, d’une manière générale, on préfère ses premiers longs-métrages – Riens du tout, Le Péril Jeune, Chacun cherche son chat – qui parvenaient à parfaitement saisir l’air du temps, à dresser le portrait d’une génération, d’une époque, et trouvaient constamment le ton juste entre humour, émotion et réflexion. C’est encore un peu le cas ici, mais c’est moins subtil.
Son cinéma s’est fait un peu plus grand public, un peu plus ambitieux, et le réalisateur a perdu au passage de cette spontanéité qui caractérisait son style.

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Cela dit, il faut lui reconnaître la qualité de n’avoir jamais cédé à la facilité d’un cinéma populaire bas de gamme. Même s’il évolue sur un mode mineur, Casse-tête chinois n’a rien d’un mauvais film. Ce n’est pas une suite purement commerciale comme pouvaient l’être Les Bronzés 3 ou Les Randonneurs à Saint Tropez, pour citer des franchises célèbres. On sent que Klapisch et ses acteurs aiment sincèrement leurs personnages, aiment les voir évoluer à l’écran. Peut-être que, si l’envie se fait jour, ils remettront le couvert pour une “Assiette anglaise”, un “mariage à l’italienne”, une “planchette japonaise”… 

Mais pour l’instant, le cinéaste affirme qu’il a fait le tour de la question et n’envisage pas de suite aux aventures de Xavier. Tant mieux! Le voilà libre de partir à la conquête d’autres territoires cinématographiques, plus exaltants et plus surprenants, et de se remettre à faire des films plus “simples”, comme au bon vieux temps…

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Casse-tête chinois

Réalisateur : Cédric Klapisch
Avec : Romain Duris, Audrey Tautou, Kelly Reilly, Cécile De France, Sandrine Holt, Flore Bonaventura
Origine : France
Genre : crise de la quarantaine / de la cinquantaine
Durée : 1h54
Date de sortie France : 04/12/2013
Note pour ce film : :●●●●
Contrepoint critique : Le JDD

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