Après plusieurs tentatives au mieux inabouties et maladroites (Djinns, La Horde), au pire totalement désastreuses (La Meute), cela fait plaisir de voir enfin un thriller horrifique français s’élever à la hauteur de ses ambitions.
Captifs, premier long-métrage de Yann Gozlan, est en effet un survival de facture très classique, mais terriblement efficace, apte à titiller les nerfs des spectateurs et à faire grimper leur tension artérielle de quelques points…

Captifs - 3

On y suit les mésaventures de deux hommes et une femme, membres d’une ONG intervenant en Yougoslavie, en plein conflit des Balkans. Alors qu’ils s’apprêtaient à rentrer chez eux, ils sont kidnappés par des hommes aux motivations inconnues.
Enfermés dans des cellules crasseuses, dans l’incapacité de dialoguer avec leurs ravisseurs, ils sont contraints d’attendre et d’espérer que des secours sont bien partis à leur recherche ou que les ravisseurs négocient une rançon…
Mais ils vont découvrir bien vite la raison de leur captivité, bien plus terrifiante que ce qu’ils pouvaient imaginer. A partir de là, ils n’ont pas d’autres choix que de s’évader ou mourir …
Mais encore faut-il réussir à échapper à la vigilance des hommes massifs et armés jusqu’aux dents qui gardent les lieux, et à celle d’un médecin aux allures de savant fou… Et espérer retrouver une route au milieu de ce trou paumé au milieu des Balkans…
Réussiront-ils à sortir indemnes des griffes de leurs geôliers ? Réponse à la fin du long-métrage, après 1h30 de suspense haletant et de péripéties nombreuses et éprouvantes, qui n’ont rien à envier aux films de genre américains…

Même si le scénario repose sur des situations conventionnelles, tout fonctionne parfaitement.  Avec le concours de ses acteurs (Zoé Félix, Eric Savin, Arié Elmaleh), Yann Gozlan force assez vite l’identification du spectateur aux personnages. Dès lors, il n’a plus qu’à soigner sa mise en scène pour communiquer la sensation d’enfermement, l’angoisse de l’attente, la montée de l’horreur…
Plus facile à dire qu’à faire…

Captifs - 5

Mais intelligemment, le cinéaste déjoue tous les pièges inhérents à ce genre de film.
Déjà, il refuse l’humour et l’angle parodique qui plombe trop souvent les tentatives de films d’horreur “made in France”. Il traite son sujet avec le premier degré qu’il convenait d’adopter, optant pour une terreur brute, viscérale, et on sent chez lui un véritable amour du genre, un respect pour les histoires solides et crédibles…
Ensuite, il décide de ne pas verser dans le “torture-flick” gratuit façon Hostel ou les suites débiles de Saw. Pas de sadisme gratuit, pas de violence inutile. Juste ce qu’il faut pour faire monter la tension et terroriser le spectateur.
Peu d’effets gore, également. Le film n’est certes pas dépourvu d’hémoglobine et de chairs meurtries, mais la plupart des actes horribles se déroulent hors-champ. Ils n’en sont que plus terrifiants…
Tout repose sur la mise en scène : le montage, le choix des cadrages, adaptés à la configuration réduite des lieux, les jeux d’ombres et de lumière…

Néanmoins, c’est surtout la bande-son qui impressionne le plus, créant une ambiance sonore incroyable qui joue sur les bruits divers et variés, étouffés, venant de l’extérieur (bruits de scies, de masses, de moteurs…), les aboiements de chiens, les cris et les râles, les bourdonnements, les sonneries de téléphone – synonyme de mort imminente pour l’un ou l’autre des captifs…
Saluons donc le travail de l’ingénieur son Frédéric Heinrich et celui du compositeur Guillaume Feyler, qui a réussi à élaborer une musique fusionnant discrètement avec cet environnement sonore sordide…

Captifs - 2

Le filme brille donc par ses qualités artistiques, inhabituelles pour un film de ce type-là, et à fortiori pour un film français. Mais il n’est pas pour autant exempt de petites maladresses. Ce serait trop beau…
Il y a déjà ce début un peu lourd où on a du mal à imaginer les trois acteurs principaux en vieux routiers de l’aide humanitaire. On craint même, un bref instant, à l’erreur de casting totale, Zoé Félix, Arié Elmaleh et Eric Savin ayant plus brillé, par le passé, pour leurs performances dans des comédies (je schématise un peu…)…
Mais finalement, l’essentiel est préservé : on ressent la complicité qui unit le trio, ce qui permet par la suite de donner un peu plus de poids aux personnages…
On est même bluffés par l’intensité du jeu de Zoé Félix, qui réussit mine de rien à tenir à elle seule une bonne partie du film…

Autres défauts, scénaristiques ceux-là : le script s’embarrasse de fioritures bien inutiles et de quelques facilités comme l’attribution d’un trauma enfantin à l’héroïne, accompagné d’une phobie plus qu’handicapante…, la présence d’une petite fille qu’il faut sauver – instinct maternel oblige – et des sacrifices héroïques un peu factices… Etait-ce vraiment nécessaire ?
Mais là encore, ce ne sont que de menus problèmes, car ils ne nuisent pas vraiment à la crédibilité du film…
Encore heureux, nous direz-vous, puisque l’affiche proclame que le film est “inspiré de faits réels”… Nous vous laissons découvrir de quoi il en retourne. Précisons simplement que le film “dénonce” des actes de barbarie avérés et courants, dans de nombreux pays du globe…

Captifs - 6

Captifs est donc, malgré quelques choix scénaristiques discutables (la fin, notamment), une très bonne surprise qui confirme que les cinéastes français n’ont pas à nourrir de complexes par rapport à leurs homologues américains, anglais ou espagnols en matière de cinéma horrifique.
Oui, à condition de garder un scénario cohérent, d’être à la fois ambitieux, artistiquement parlant, et humble dans l’approche du genre, on peut réussir à livrer des films aussi efficaces et prenants que celui-ci…
Espérons que le film puisse rencontrer son public et mettre en lumière le talent indéniable de ce jeune cinéaste prometteur qu’est Yann Gozlan.

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Captifs Captifs
Captifs

Réalisateur : Yann Gozlan
Avec : Zoé Félix, Eric Savin, Arié Elmaleh,
Philippe Krhajac, Ivan Franek, Igor Skreblin
Origine : France
Genre : horreur
Durée : 1h24
Date de sortie France : 06/10/2010
Note pour ce film :

contrepoint critique chez :  Le Monde
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