En marche, en marche, en marche…”. On n’entend plus que cela depuis que la France a élu son nouveau président, le 7 mai dernier.
On a envie de crier en retour : “Les marches, les marches, les marches!!!”, comme la plupart des cinéphiles, de l’hexagone et d’ailleurs, pressés de découvrir les oeuvres présentées lors du 70ème Festival de Cannes. C’est vrai, quoi, après des semaines de langues de bois, de propos polémiques bas du front, fût-il national, de petits arrangements électoraux plus ou moins glorieux, et avant la deuxième vague, prévue en juin avec les élections législatives, nous avons envie de langage cinématographique, vrai et franc, d’engagement politique à travers des films forts, d’insoumission artistique, d’humanisme et de fraternité, de regards ouverts sur les vrais problèmes du monde. Nous avons besoin de l’effervescence du plus important festival du monde!

Cannes 2017 - sl

Oh bien sûr, nous nous attendons, comme les journalistes politiques qui ont fait, en vain, le pied de grue devant l’Hôtel Matignon, hier matin, à subir quelques frustrations, interdits d’accès à des projections déjà complètes, par le jeu des priorités d’accréditations, ou à ne pouvoir tenir toutes les promesses d’un programme bien trop chargé, avec parfois quelques minutes entre deux séances, mais qu’importe. Nous savons que nous allons malgré tout y trouver notre bonheur, à travers des films de haute tenue, réalisés par les meilleurs cinéastes de la planète, que nous allons faire de belles rencontres, que nous allons être éblouis par la pluie d’étoiles tombée sur la Croisette, de Will Smith à Jessica Chastain, les membres du jury, qui ont déjà suscité la bousculade lors du photo-call des membres du jury de Pedro Almodovar.

Marches

Evidemment, l’ensemble de ce séduisant jury a été présenté aux festivaliers lors de l’ouverture de la manifestation, au Grand Théâtre Lumière, dans le coeur du palais.
A peine nommée à son poste, la nouvelle Ministre de la Culture, Françoise Nyssen, n’a évidemment pas pu y assister, mais d’autres personnalités du 7ème Art ont mis leur habit de lumière pour célébrer en beauté le lancement de cette 70ème édition.
Justement, en cette année anniversaire, pas question de commettre d’impairs ou de générer des incidents diplomatiques. Exit, donc, Laurent Laffite, ses blagues franco-françaises et ses allusions limites sur Woody Allen et Roman Polanski, place à la classe à l’italienne, au charme latin, à la sensualité de Monica Bellucci, torride dans sa robe transparente.
Une belle présence, donc, qui a présenté sans fausse note la cérémonie, mais qui est restée un peu trop sage, hélas, malgré une tentative de duo dansé avec Alex Lutz qui n’a pas vraiment convaincu.
Cela manquait un peu de fantaisie, à l’instar de la chanson d’ouverture, réunissant Louane et Benjamin Biolay pour une reprise assez plate de la chanson de Nougaro, “Le Cinéma”, ou de l’annonce officielle de l’ouverture du festival, par une Lily Rose-Depp pétrifiée par le trac et un Asghar Farhadi un peu perdu.
Qu’importe! Lui, Président, le sémillant Pedro Almodovar a promis de juger les films avec toute sa passion du cinéma, son amour des acteurs et des actrices, sa fantaisie. On attend de connaître ses choix et, comme lui, on espère que tous les films en compétition nous toucheront, nous bouleverseront, nous ferons grandir l’âme!

Bellucci cérémonie Cannes 2017
Après les discours et les belles promesses, place au cinéma, donc, avec un film d’auteur français pur et dur en guise d’ouverture : Les Fantômes d’Ismaël, d’Arnaud Desplechin.
Bon d’accord, là aussi, on a connu film d’ouverture plus festif… Mais quand même, Marion Cotillard, Charlotte Gainsbourg, Mathieu Amalric et Louis Garrel sur le tapis rouge, cela avait une certaine allure. Et le film, à défaut d’être un pur divertissement, recèle un certain nombre de séquences de comédie loufoque, grâce à l’intrigue du film dans le film, dans lequel un espion dilettante se retrouve confronté à la complexité géopolitique des pays du proche Orient, et est parcouru par une sorte de suspense existentiel et amoureux, quasi-hitchcockien. Il finit même par émouvoir, grâce à son dénouement, superbe, apaisé et plein de douceur, qui apporte un beau moment de grâce dans un monde de brutes.

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De toute façon, l’important, c’est que l’expression cinématographique soit à la hauteur. Desplechin est assurément un très bon metteur en scène, qui maîtrise le langage cinématographique, l’art du découpage, qui sait comment mettre en lumière, en mouvement, qui excelle à écrire des dialogues percutant, pain béni pour ses comédiens, tous très justes (Lire notre critique).
Bref, Les Fantôme d’Ismaël est une parfaite entrée en matière pour ce 70ème festival de Cannes. Si tous les films à venir sont du même niveau, on veut bien signer tout de suite…
En tout cas, nous avons hâte de voir la suite des oeuvres proposées!

A moins que nous ne soyons hantés toute la nuit par les fantômes du passé (surtout s’ils sont aussi charmants que Marion Cotillard ou Monica Bellucci), à demain pour la suite de nos chroniques cannoises.

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Rédacteur en chef de Angle[s] de vue, Boustoune est un cinéphile passionné qui fréquente assidument les salles obscures et les festivals depuis plus de vingt ans (rhôô, le vieux...) Il aime tous les genres cinématographiques, mais il a un faible pour le cinéma alternatif, riche et complexe. Autant dire que les oeuvres de David Lynch ou de Peter Greenaway le mettent littéralement en transe, ce qui le fait passer pour un doux dingue vaguement masochiste auprès des gens dit « normaux »… Ah, et il possède aussi un humour assez particulier, ironique et porté sur, aux choix, le calembour foireux ou le bon mot de génie…

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