Le Caire confidentiel aff USAh, il s’en passe de belles dans l’hôtel Nile Hilton du Caire. Non, rassurez-vous, la femme de chambre n’a pas subi les assauts libidineux d’un homme politique français. En revanche, elle a été témoin de l’assassinat d’une cliente, chanteuse de club.
Noredin, un flic ripou, est chargé de l’enquête. Il s’intéresse évidemment à ce témoignage, déterminant pour la résolution de l’intrigue. Mais encore faut-il savoir où habite la femme de chambre, qui était employée illégalement et n’avait donné ni son nom, ni son adresse exacte… Pas si simple, d’autant que d’autres personnes semblent également décidé à la retrouver, et avant lui si possible, pour la faire taire, et qu’il ne peut pas compter non plus sur la fiabilité et l’intégrité de ses collègues, aussi corruptibles que lui.
En parallèle, il suit la piste d’un reçu de tirage photographiques et découvre que la chanteuse était la maîtresse d’un député, ami personnel du président Hosni Moubarak. Autant dire que l’affaire risque d’être rapidement classée sans suite. D’habitude, Noredin n’aurait aucun scrupule à fermer les yeux en échange d’un petit cadeau sonnant et trébuchant, mais cette fois-ci, peut-être parce qu’il sent que le vent est en train de tourner, il décide de poursuivre sa quête de vérité, au péril de sa vie.

Sur le papier, l’idée était plutôt bonne. Située dans le contexte des prémisses du Printemps Arabe, en janvier 2011, entre la fin de la révolution tunisienne et les premières manifestations, place Tahrir, contre le régime de Moubarak, l’enquête de Noredin ne sert que de prétexte pour dresser le portrait d’une société égyptienne gangrénée par la corruption, les abus de pouvoir, les guerres d’influence au sein de ce même pouvoir, dénonçant au passage la misogynie ambiante et l’exploitation des sans-papiers. On peut y voir également une critique de l’Egypte actuelle, où finalement, peu de choses ont changé, le pouvoir quasi monarchique de Moubarak ayant été remplacé successivement par le régime religieux des Frères Musulmans, et un régime militaire tout aussi autoritaire, qui favorise les dérives et la corruption.

A l’écran, c’est un peu moins folichon. Malgré les efforts de Fares Fares, impeccable dans ce rôle de flic ripoux qui ouvre les yeux sur les dérives des hommes les plus puissants du pays, ce polar manque singulièrement de tension. Sur une durée de plus de deux heures, cela ne pardonne pas : le schéma narratif s’avère répétitif et l’ennui finit par s’installer.

Au final, Le Caire Confidentiel n’est pas une oeuvre aussi ample et implacable que ce que laissait présager son concept et son titre français, évoquant l’univers de James Ellroy. On est loin du rythme trépidant et du nihilisme sauvage des romans de l’auteur américain. Cependant, on reconnaît au film de Tarik Saleh une certaine similitude dans le traitement du sujet et dans l’utilisation de anti-héros fatigués, corrompus jusqu’à la moelle ou hantés par le passé, obsédés par la résolution de leur enquête et emportés dans le tourbillon de l’Histoire. Ce n’est déjà pas si mal, et cela confère à ce polar honnête un petit supplément d’âme bienvenu.

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Note :
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Rédacteur en chef de Angle[s] de vue, Boustoune est un cinéphile passionné qui fréquente assidument les salles obscures et les festivals depuis plus de vingt ans (rhôô, le vieux...) Il aime tous les genres cinématographiques, mais il a un faible pour le cinéma alternatif, riche et complexe. Autant dire que les oeuvres de David Lynch ou de Peter Greenaway le mettent littéralement en transe, ce qui le fait passer pour un doux dingue vaguement masochiste auprès des gens dit « normaux »… Ah, et il possède aussi un humour assez particulier, ironique et porté sur, aux choix, le calembour foireux ou le bon mot de génie…

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