Pastor (Denis Ménochet), VRP pour une entreprise pharmaceutique, se réveille un matin sur un terrain vague, incapable de se souvenir de sa soirée de la veille. Comme il a pris l’habitude de profiter de ses déplacements professionnels pour faire la fête, abusant d’alcool et de médicaments, ce réveil difficile ne le choque pas outre mesure. Du moins jusqu’à ce qu’il découvre la vilaine cicatrice qui orne désormais le bas de son dos. Une visite à l’hôpital chez une de ses anciennes maîtresses, Anna (Florence Thomassin), lui apprend qu’il a été victime d’une ablation du rein.

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Le point de départ ne manque pas d’intérêt. Les vols d’organes, à l’origine de nombreuses légendes urbaines, peuvent aussi donner d’intéressantes intrigues criminelles, et le parcours d’un homme amnésique en quête de vérité donne souvent des films noirs passionnants, mystérieux et tortueux.
Hélas, ce n’est pas le cas ici, et la suite du film est assez calamiteuse.
Très vite,  on en vient à se demander si le pauvre Pastor n’aurait pas aussi subi une lobotomie, car son attitude défie toute logique scénaristique, même pour les pires auteurs de série Z américains…

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Déjà, Il choisit de ne rien dire à son épouse, Léa (Virginie Ledoyen), au risque de susciter doutes et interrogations chez la jeune femme et de mettre en péril son couple. Et, au lieu d’aller porter plainte au commissariat et de laisser les policiers  gérer l’affaire, il décide de mener l’enquête tout seul…
Bon, pourquoi pas… Après tout si le trip vengeur solitaire est son truc…
Pastor se met donc à fouiner du côté des chirurgiens radiés de l’ordre, pour voir si son agresseur ne serait pas parmi eux. Bon, ça, c’est une bonne idée, puisque c’est effectivement le cas. C’est un coup de bol, quand même, car le type pourrait très bien être étranger, ou être un chirurgien-vétérinaire…
Mais bon, admettons…

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Fort sa liste de chirurgiens déchus, notre héros décide d’aller sonner directement à la porte des suspects. Il aurait pu faire une surveillance discrète ou pénétrer chez eux par effraction pour trouver des indices, mais non, il n’a pas le temps de faire tout ça. Il n’a pris qu’une semaine de vacances pour boucler son enquête… Donc, il préfère les rencontrer en tête-à-tête avec un stratagème “astucieux”.  L’idée est de leur proposer une forte somme d’argent pour se faire transplanter un rein. S’ils acceptent, c’est qu’ils sont forcément suspects. Hé hé, pas con…
Oui, mais comment distinguer le vrai coupable des chirurgiens vénaux trop heureux qu’on viennent leur re-proposer du travail? Eh bien avec la technique du poulet! Oui oui, la technique du poulet. Vous sortez un poulet cuit de votre besace et vous demandez au chirurgien de le désosser entièrement au scalpel en deux minutes chrono. Si le type y parvient, il est aussi cuit que le poulet. C’est forcément le coupable. Mais s’il va se servir un verre d’alcool pour éviter la tremblote, c’est qu’il est innocent. Infaillible, non?
Evidemment, il y a quand même un grain de sable dans cette “belle mécanique intellectuelle” : Si Pastor ne se souvient pas de son agresseur, l’inverse n’est pas valable… A moins d’être totalement abasourdi par la surprise de voir débarquer VRP, il y a peu de chance que le type passe aux aveux. Il est même probable qu’il va tout faire pour ne pas se faire pincer, hein… Bon, bien tenté, mais raté…
Mais qu’à cela ne tienne, Pastor a d’autres idées, tout aussi foireuses les unes que les autres, pour retrouver son rein et ceux qui lui ont dérobé… Et tout le film repose sur les mêmes aberrations narratives.

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On est surpris de voir Benoît Delépine, par ailleurs auteur-réalisateur brillant quand il officie avec son comparse Gustave Kervern, crédité comme scénariste de cet infâme nanar. Pourquoi a-t-il écrit, adapté et produit un film aussi mauvais? Est-ce le résultat d’un pari perdu? Le fruit d’abus de substances psychotropes? Un coup de folie passager? Le besoin de créer à tout prix parce qu’un rein vaut mieux que deux tu l’auras? Allez savoir…
Cela prendrait tout son sens si l’on voulait considérer le film comme un gros délire parodique. Peut-être était-ce l’idée d’origine, mais à l’écran, cela ne passe pas du tout. Tout est traité au premier degré, avec beaucoup de sérieux. Et le résultat est tout simplement catastrophique.
Le scénario, donc, est d’une stupidité abyssale, et le dénouement est de plus totalement raté  (tout ça pour ça?).
La mise en scène d’Arnold de Parscau manque souvent d’ampleur, mais est paradoxalement encombrée d’effets de style totalement vains et gratuits, à l’instar de ce (trop long) travelling avant/travelling arrière sur l’oeil larmoyant de Virginie Ledoyen pour servir d’effet de transition entre deux scènes.
On sauvera certains passages oniriques joliment construits, qui ne font qu’amplifier nos regrets face au ratage global que constitue ce film.

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Restent les acteurs, qui  tentent de tirer l’oeuvre vers le haut, mais ne peuvent pas faire des miracles non plus. Leurs personnages sont grotesques, les situations dans lesquelles ont les plonge sont ridicules et les répliques qu’on les force à ânonner sont d’une crétinerie sans nom. Denis Ménochet a le mérite de s’accrocher jusqu’au bout pour sauver ce qui peut l’être, mais ses partenaires ont préféré renoncer bien avant, vaincus par l’inanité de de leurs rôles. Pauvres Florence Thomassin et Virginie Ledoyen, obligées de jouer des personnages féminins aussi inconsistants, indignes de leur talent. Pauvres Philippe Nahon et Yolande Moreau, compromis dans ce naufrage…

A moins de vouloir découvrir un authentique nanar, vous pouvez sortir le scalpel et amputer votre programme cinéma de cet Ablations. Mieux vaut attendre le prochain film du duo Kervern/Delépine, NDE (Near Death Experience), qui sortira le 10 septembre prochain, en espérant qu’il sera d’un tout autre calibre…

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Ablations

Réalisateur : Arnold de Parscau
Avec : Denis Ménochet, Virginie Ledoyen, Florence Thomassin, Philippe Nahon, Yolande Moreau
Genre : thriller lobotomisé
Durée : 1h34
Date de sortie France : 16/07/2014
Note : ○○○○○
Contrepoint critique : Critikat

 

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